Je lâche un soupire. J'en étais sûre. J'avais vu juste. Ma fille est divergente.
– C'est ce que je pensais, je déclare. Beaucoup d'enfants élevés chez les Altruistes obtiennent ce genre de résultats. On ne sait pas pourquoi. Mais tu dois être très prudente pendant la deuxième étape de l'initiation. Fonds-toi dans la masse. Évite d'attirer l'attention sur toi. Tu comprends ?
– Qu'est-ce qui se passe maman ? me dit-elle, inquiète.
Il n'est pas encore temps de tout lui dévoiler. Ça serait trop risqué.
– Peu importe la faction que tu as choisie, je dis en lui caressant la joue pour la rassurer. Je suis ta mère et je veux te protéger.
– Est-ce que c'est parce que je suis une...
– Ne prononce pas ce mot, jamais, je l'interrompt en posant une main sur sa bouche. C'est très dangereux de prononcer ce mot. Heureusement que les caméras sont absentes de ce couloir.
– Pourquoi ?
C'était la question à laquelle je m'attendais. Même si je n'aimerais pas la laisser dans l'ignorance, moins elle en sait, plus elle est en sécurité.
Je secoue la tête :
– Je ne peux pas t'en parler.
C'est alors que des cris et des conversations retentissent au loin, des bruits caractéristiques des semelles qui frottent par terre, accompagnés d'une odeur de pain qui sort du four. Ce doit-être l'heure du repas.
Je me retourne et regarde derrière moi, vers la lueur lointaine de la fosse d'où nous parviennent les bruits.
Je me retourne vers ma fille. Il faut qu'elle retourne avec les siens avant que cela soit suspect. Mais avant il faut que je la mette au courant quant au rôle qu'elle va devoir jouer :
– Je veux que tu fasses une chose. Je ne peux pas aller voir ton frère, mais toi si, quand l'initiation est terminée. Alors, je veux que tu ailles le trouver et que tu lui demandes de faire des recherches sur le sérum de simulation. D'accord ? Tu peux faire ça pour moi ?
Je ne pourrais pas aller voir mon fils sans attirer l'attention. Et je n'ai pas envie de donner une occasion à Janine de fouiller dans nos affaires.
– Pas tant que tu ne m'auras pas expliqué pourquoi, maman ! s'énerve à moitié Béatrice en coupant cours à mes pensées. Si je dois aller passer la journée dans le secteur des Érudits, ça mérite une explication !
Je l'embrasse sur le front et coince une mèche de cheveux échappée de son chignon derrière son oreille.
– Je suis désolée, chérie, je ne peux pas, je dis. Il vaut mieux que je m'en aille, maintenant. Tu feras meilleur effet si on n'a pas l'air d'être trop attachés l'une à l'autre.
– Je me fiche de l'effet que je fais, elle rétorque.
– Tu as tort. À mon avis, ils t'ont déjà mise sous surveillance.
Cette dernière phrase, je la prononce plus pour moi même que pour elle.
Je m'éloigne avant qu'elle n'est pu ouvrir la bouche pour me demander des explications. Mais arrivée au bout du couloir, je me retourne :
– Prends une part de gâteau pour moi, d'accord ? Celui au chocolat. Il est délicieux, je dis avec un petit sourire en espérant qu'elle comprenne le message que je souhaite lui passer. Tu sais que je t'aime.
Je sors du couloir, en prenant garde à ne pas me faire remarquer. Mais tous les audacieux se trouvent à la cafétéria pour manger. Je peux donc sortir tranquillement, sans attirer l'attention.
Béatrice est divergente... mais après tout, je m'en doutais. Déjà, je suis une divergente, il y avait donc un risque que je lui passe le gène pur, ensuite, elle avait montré des signes. Le soir où elle est revenue de son test, en disant qu'il y avait eu un problème.
Soudain je me souviens... Tori faisait passer des tests ce jour là. Elle était affectée sur le secteur altruiste, comme me l'avait dit Andrew. Je décide donc d'aller lui rendre visite, afin d'en savoir plus.
Comme c'est le jour des visites, j'en profites pour aller faire un tour. Il faut que je trouve Tori.
C'est alors que je la vois. Elle est en train de boire, une bouteille à la main. Je lui fais signe, et lorsqu'elle m'aperçois, elle se dirige vers moi.
– J'ai besoin d'un tatouage, je lui dis.
Le seul endroit où je peux lui parler discrètement, c'est dans son studio de tatouage. J'espère qu'elle va comprendre le sous-entendu.
Apparemment oui, puisqu'elle hoche la tête et m'emmène. Comme tous les Audacieux sont en train de manger, personne ne nous remarque.
Une fois dans son studio, je prends la parole :
– C'est bien toi qui a fait passer le test à Béatrice ?
– Heu... oui, finit-elle par me confier.
– Pourquoi tu ne m'as pas dit qu'elle était divergente ?
-Je... je ne sais pas... j'avais peur... et aussi j'avoue que je pensais qu'elle te mettrait au courant, puisque tu en es une.
–Elle ne le sait pas. Personne ne le sait à part toi, Andrew et le Bureau.
– Je suis désolée de t'avoir caché cela. Mais après tout, c'est mon boulot. Je ne suis pas censée parler des résultats à qui que se soit...
– Ne t'inquiète pas. Je ne peux pas t'en vouloir. Tu as mis quoi comme résultat ?
– Et bien elle est Audacieuse, Érudite et Altruiste... et pour la protéger, j'ai mis Altruiste. C'est ce qui se rapproche le plus de son caractère.
– Les mêmes factions pour lesquelles j'ai hésité... tu penses que ça a un rapport ?
– Je n'en sais rien. Peut-être. Je lui ai mis «Altruiste». Je me suis dit que c'était le résultat le mieux.
– Tu as eu raison. Merci pour tout ce que tu as fait pour moi... vraiment...
– Pas de problèmes ! Mais du coup, tu vas faire quoi pour Béatrice ? Elle va aller au Bureau ?
– Je pense oui. Mais en attendant, je lui ai demandé d'être discrète et de faire attention, d'attendre qu'elle ai fini son test, et après je verrais comment je la fais sortir de la ville. Mais la priorité, c'est qu'elle ne se fasse pas prendre. Je peux te demande de jeter un petit coup d'œil sur elle ? Et si jamais tu découvres certaines choses, viens me voir.
– Promis. Je ferais attention. Tu sais, cela me fait penser à Amar... c'est lui qui m'a fait passé le test d'aptitude et celui de George. Il a caché sa divergence... je pense qu'il a fait ça pour lui sauver la vie, mais j'aurais voulu qu'il lui dise.
– George le savait.
– Comment tu le sais ? me demande t-elle.
Il faut à tout prix que j'invente une histoire, et de lui mentir, même si je m'en veux de lui faire cela.
– Et bien... un jour, alors que nous nous rendions à la salle d'entraînement, nous avons croisés des Audacieux qui discutaient, en demandant quand est-ce qu'ils trouveraient des Divergents. Et à ce moment là, le visage de George a changé de couleur et il s'est dépêcher d'entrer dans la salle. Il n'a pas dit un seul mot pendant l'entraînement, et il paraissait très concentré.
– Pourquoi il ne m'a rien dit ?
– Je pense qu'il ne voulait pas te mettre en danger, ou que tu t'inquiète pour lui.
– J'aurai bien aimé qu'il ait une chance de s'enfuir, comme Amar... dit Tori d'un air triste.
J'aimerai tellement lui dire la vérité, mais c'est impossible. Elle s'arrangerait pour aller le voir, ou finirait par le dire à tout le monde. Elle se mettrait en danger...
– Amar a eu de la chance. Il s'en ai sortit. J'espère sincèrement que ta fille aussi. Quand j'ai vu ses résultats, j'ai compris ce qu'avait ressentit Amar lors du test de mon frère. Alors j'ai fait ce qu'Amar a du faire.
– Tu sais, je pense qu'Amar a fait tout ce qu'il pouvait pour protéger ton frère. Il l'a beaucoup entraîné, et faisait attention à lui. Ce n'est que maintenant que je m'en rends compte...
– N'en parlons plus. Je suis contente pour Amar, et inquiète pour ta fille. Promis, je veillerai sur elle.
– Merci beaucoup ! D'ailleurs, j'avais un service à te demander. Comme tu le sais, je suis à la recherche des divergents. Est-ce-que par hasard tu en aurais repérer d'autres ?
Tori réfléchi longuement avant de répondre.
– Non. Il n'y avait que ta fille.
Je suis sûre qu'elle me cache certaines choses, mais je n'ai pas envie de lui tirer les vers du nez. J'ai autre chose à faire... Surtout qu'elle m'a déjà confié pas mal de chose, et qu'elle est jalouse du fait qu'Amar s'en est sortit et pas son frère. Je décide de faire semblant de la croire. Je lui parlerait à un autre moment.
– Merci Tori ! je lui sourit, en m'apprêtant à sortir.
– Attends ! Tu ne veux pas un tatouage ?
Je la regarde, puis me rassoit sur le fauteuil.
– Fais-moi un arbre avec toute les factions présentes dessus. Fais-le sur mon ventre, et assez petit si tu peux.
Et Tori se met au travail.
Une heure après, après avoir remercié Tori et la forcé à prendre l'argent que coûtait le tatouage, je marche en direction de la maison.
En rentrant à la maison, un peu déboussolée, je monte à l'étage, en réfléchissant à tout vitesse. Il faut que je prévienne le Bureau. Il faut que je les mettes au courant pour Béatrice. C'est la seule façon de la protéger pour le moment. Si jamais les choses tournent mal, peut-être que le Bureau pourra faire quelque chose.
En voulant allumer ma tablette, je me rends compte que celle-çi est éteinte. Elle ne doit plus avoir de batterie. Alors je la met à recharger, je remarque quelque chose de bizarre. Des pages sont ouvertes... et c'est là que je remarque que quelqu'un est en train de regarder dans ma tablette, sûrement les informaticiens du Gouvernement. Je me dépêche d'éteindre la tablette, puis décide de la noyer dans le lavabo de la cuisine. Au moins, personne ne pourra plus m'observer. En regardant la tablette flotter dans l'eau, je me rends compte que je ne pourrai plus parler avec le Bureau. Je n'aurais plus de nouvelles de Nadine, Béatrice, George, et aussi, que je ne saurais jamais si Amar a réussi à arriver a bon port. En espérant que tout le monde aille bien au Bureau, je m'arrange pour casser ma tablette en la jetant par terre. J'y met toutes mes forces, toute l'inquiétude que j'ai pour la divergence de Béatrice, mais aussi toute la colère que je ressens face au Bureau qui, d'après David, s'est arrangé pour que mes enfants soient purs. Bien sûr, Caleb ne l'est pas. Comme Andrew n'est pas Divergent, Caleb a hérité de ses gènes. Mais Béatrice, elle, a hérité de ma Divergence. J'ai même peur qu'elle soit une Divergente pure, comme moi. Dans ce cas là, elle est encore plus en danger. Et tout cela, par ma faute... je m'en veux presque d'avoir donné naissance à Béatrice. Elle va avoir une vie compliquée. Elle va devoir se cacher, et ce n'est pas la vie que j'avais souhaitée pour elle.
Les derniers mots que j'ai prononcés avant de la quitter lors de ma visite ne cessent de raisonner dans ma tête. "Tu sais que je t'aime". Je voulais qu'elle le sache. Qu'elle sache que tout ce que je fais, c'est pour son bien et sa sécurité. Qu'il est important qu'elle cache ce qu'elle est et qu'elle n'en parle à personne.
Je me suis promis de tout faire pour protéger les divergents. De plus, Béatrice est ma fille. Je ferais tout pour elle...