— Plus haut ta garde ! Plus haut ! me cria Logan depuis l'autre bout du tatami.
L'un des jumeaux, Erza, balaya mon bras d'un coup circulaire et para mon attaque en se jetant sur le côté. Je remis mon épée dans ma paume qui ne faisait que glisser à cause de ma transpiration. Erza était aussi impitoyable que lors de notre première rencontre à Ogden. Il frappait de son épée d'une telle force qu'il me fallait mettre toute la puissance dans mes jambes pour ne pas tomber à la renverse. Non seulement agile et rapide, il anticipait le moindre de mes coups.
Je réussis à esquiver l'une de ses épée, et me préparai à contrer avec une attaque en pointe lorsque Logan nous interrompit.
— En position, chacun d'un côté.
Je jetai mon épée au sol tel un automate et m'assis en tailleur sur le tatami pour concentrer mon énergie magique. Mon cœur battait à tout rompre dans ma poitrine et mes pieds dansaient le rock, mais cela faisait bien partie de l'entraînement de Logan. Je respirai un bon coup et fermai les yeux pour retrouver mon calme.
Des petites bulles me picorèrent les jambes, le ventre, les bras, le cou, jusqu'à ma tête. Une sensation grisante me fit oublier les coups que j'avais plus tôt reçus. Lorsque Logan donna son signal, je propulsa ma paume vers lui et un filet de flamme aussi minuscule qu'un fil a coudre transperça la planche que tenait Logan dans ses mains.
L'objet se met aussitôt à brûler et j'en tirais un sentiment de satisfaction surtout lorsque je détaillai Erza qui n'arrivait toujours pas à se concentrer.
- Bien, Ambre. Tu peux partir.
La récompense de Logan constituait à nous faire quitter la salle d'entraînement pour se ruer plus vite au réfectoire et manger les meilleurs plats en premier. À force d'arriver en retard, je ne mangeais plus que les restes voire parfois rien du tout. Même si les dragons chassaient dans la forêt avoisinante, ils ne devaient laisser aucune trace suspecte de leur passage. La chasse était strictement contrôlée et les proportions divisées par trois. J'ignorais comment Logan et les autres pouvaient être aussi fort au combat avec les maigres apports caloriques qu'ils ingurgitaient dans la journée.
Je quittai le tatami et remis mes chaussures avant d'envoyer un clin d'œil à Erza qui avait toujours du mal à retrouver une respiration normale. En deux semaines, nos relations s'étaient ... disons calmées. Ils s'étaient plutôt bien habitué à la présence et ne me soûlaient plus avec leurs dizaines de commentaires sarcastiques. Une fois, je fus même surprise de voir Erza me tendre une bouteille d'eau juste après l'entraînement. Pour ce qui était de sa sœur, en revanche, rien n'avait changé.
Je marchai seule dans les longs couloirs du chateau en m'emmitouflant dans mon manteau. Déjà un mois et demi que je n'avais plus eu aucune nouvelle de mes amis ni de ma famille. Mon père avait assuré la sécurité de ma mère pendant mon absence grace à un sortilège extrêmement puissant. À l'aide de cette potion, ma mère me pensait toujours à ses cotés lors des week-ends. Je l'appelai toujours la semaine bien sur, mais j'avais été longtemps contre cette idée. Pourtant, Logan m'avait fait comprendre après une longue conversation qu'il n'y avait aucun autre meilleur moyen. Je longeai l'escalier en colimaçon pour rejoindre la cantine lorsque mon regard fut attiré par un manteau à la fourrure blanche dans un salon attenant.
— Tu as fini l'entraînement ? me demanda Anna qui allumait la cheminée.
— Oui, et toi ? Tu es revenue de mission ?
— Ouais, il faut bien acheter des provisions de temps en temps.
— Pourquoi est-ce que tu t'en occupes ? Tous les étudiants de Diafosa connaissent ton visage.
— J'ai le goût du risque, me répondit-elle en m'adressant un clin d'oeil. Je me demande encore comment tu as fait pour séduire ces deux idiots.
Mon coeur se serra lorsque je repensais à Alec et notre dernier baiser. J'aurais aimé quitté le chateau pour le rejoindre immédiatement, mais ma place n'était pas à Diafosa, du moins pas pour le moment. Il y avait encore tant de questions qui fusaient dans ma tête et je savais très bien que personne n'avait la réponse là-bas.
— Tu as mangé ?
Anna sortit de son sac un lapin mort certainement acheté dans une boucherie. Sa chaire rose ne me donnait pas trop envie d'y goûter, mais mon ventre criait famine. Elle l'accrocha à une broche avant de le poser délicatement sur le feu. J'appréciais de plus en plus les moments avec Anna, peut-être parce qu'elle était la seule à me considérer comme un dragon à part entière. Elle me cachait beaucoup de choses et me répétait sans cesse que ce n'était pas à elle de répondre à mes questions, mais à mon père avant de passer à un autre sujet. Aujourd'hui pourtant, ce fut différent.
— Je déteste les lapins, me fit-elle remarquer soudainement. On nous appelait comme ça, dans mon ancien camp.
— Un camp ?
— Là où les êtres-surnaturels dangereux sont enfermés et réduits à l'esclavage jusqu'à la fin de leurs jours. Il y avait des créatures que je n'avais jamais vues de ma vie comme des succubes, des elfes et des nains. Les Dragons étaient prisonniers dans une pièce glaciale où on ne pouvait pas utiliser notre magie.
— Comment as-tu fait pour t'enfuir ?
— Ton père, m'avoua-t-elle. Il était de passage en Russie pour vérifier les rumeurs sur la détention de protecteurs. J'ignorais encore à l'époque qui ils étaient et je ne parlais pas un mot d'anglais.
Je me souvins qu'à notre rencontre, Anna avait un fort accent russe. Elle l'avait pourtant perdu depuis et parlait parfaitement notre langue.
— Il nous a tous sauvé, et je lui en serais toujours reconnaissante pour ce qu'il a fait. Ton père n'est pas mauvais, Ambre, quoi que tu puisses penser de lui. Tu dois sûrement lui en vouloir de t'avoir abandonné pendant des années à secourir d'autres enfants, n'est-ce-pas ?
Anna disait juste, mais je n'osais pas l'avouer alors je ne répondis rien.
— À ta place, je lui aurais certainement mis mon poing dans la figure. Tu fais preuve de beaucoup de maturité pour ton âge. Sois patiente et suis nos conseils, tu verras que tout sera bientôt réglé.
— Qu'est-ce que vous comptez faire au juste ? Et quelle est ma place ici ?
— Tu détiens la pierre capable de réduire à néant les descendants, me répondit-elle en fixant mon regard. Elle n'est pas encore prête, mais c'est à toi de la faire grandir.
— Faire grandir la pierre ?
— Peu de Dragons y croient, ricana-t-elle en s'allongeant à même le tapis.
Les flammes orangées dansaient sur son visage marqué de cicatrices.
— Je pense que ton choix pourra tout changer et je te fais confiance. Je t'ai vu suffisamment longtemps pour le croire, même si j'étais loin d'être convaincue au départ.
Je me rappelai encore parfaitement les mots blessants que m'avaient craché au visage Anna lors de notre rencontre dans la forêt. Je n'avais rien compris sur le coup, mais tout était plus clair désormais. Je ne posais pas plus de questions sur la pierre, car je savais très bien qu'Anna ne me donnerait aucune réponse supplémentaire.
— Qu'est-ce qui t'a convaincu ?
Elle réfléchit plusieurs secondes avant de me tendre la brochette de lapin qui avait enfin terminé de cuire sur le feu. Je croquai un bout et la fini presque en trois bouchées. Anna se contenta de hausser les épaules avant d'ajouter :
— Ta stupidité.
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Coucou !
Promis, les prochains chapitres seront beaucoup plus entraînants avec de l'action et une quasi retrouvaille avec les garçons ( oui, enfin 🥺 ). J'espère que ça vous plait toujours autant même si Ambre n'a pas encore de véritables réponses ( je sème des indices par ci par la hehehehe ), mais ça va bientôt venir !
N'hésitez pas à me signaler les fautes, je ne me suis pas relue 😵💫
À bientôt ! 🖤