Voyage au centre du soleil

By Takatsuki7

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Yona, une jeune bûcheronne du nord du continent de Wêreld, frôle la mort lors d'une avalanche. Miraculeusemen... More

Prologue - Voyage vers l'inconnu
Chapitre 1 - Un début d'aventure inattendu
Chapitre 3 - Passés et avenirs
Chapitre 4 - Découvertes et rencontres
Chapitre 5 - L'histoire de Koud
Chapitre 6 - Honnêteté, ou loyauté ?
Chapitre 7 - La naissance d'une amitié
Chapitre 8 - Au cœur de la nuit
Chapitre 9 - Confrontations - Partie 1
Chapitre 9 - Confrontations - Partie 2
Chapitre 10 - Bienvenue à Newels - Partie 1
Chapitre 10 - Bienvenue à Newels - Partie 2
Chapitre 11 - Survie dans la brume
Chapitre 12 - La dure réalité
Chapitre 13 - Un pas vers sa destinée
Chapitre 14 - De promesses en promesses
Chapitre 15 - Convalescence
Chapitre 16 - La raison de mettre sa vie en jeu
Chapitre 17 - L'élu des dieux
Chapitre 18 - Tout ce qui reste à accomplir
Chapitre 19 - Quelque chose de bien plus grand
Chapitre 20 - Le doute permanent
Chapitre 21 - La ville-étape
Chapitre 22 - L'arbre né d'une légende - partie 1
Chapitre 22 - L'arbre né d'une légende - partie 2
Chapitre 23 - Nouveau départ
Chapitre 24 - Le troisième compagnon
Chapitre 25 - La forêt de Dood
Chapitre 26 - La deuxième épreuve
Chapitre 27 - Une nouvelle destination
Chapitre 28 - L'arrivée à Liggewig
Chapitre 29 - Les débuts au palais
Chapitre 30 - Jeux
Chapitre 31 - Ainsi fonctionne la magie
Chapitre 32 - Routine productive
Chapitre 33 - Le lieu de la troisième épreuve
Chapitre 34 - Parmi les nobles
Chapitre 35 - Le début de la troisième épreuve
Chapitre 36 - En effervescence
Chapitre 37 - Dîner
Chapitre 38 - Se souvenir et affronter
Chapitre 39 - Compte à rebours
Chapitre 40 - La vente aux enchères
Chapitre 41 - Tout rentre dans l'ordre
Chapitre 42 - Trinquer à l'avenir
Chapitre 43 - Qu'un au revoir
Chapitre 44 - Les dangers de l'océan
Chapitre 45 - Nouvelle Force
Chapitre 46 - Rixe mouvementée
Chapitre 47 - Voyage à quatre
Chapitre 48 - L'heure de la vengeance
Chapitre 49 - Vivre jusqu'au bout
Chapitre 50 - Un moment hors de tout
Chapitre 51 - La quatrième épreuve
Chapitre 52 - Impasse
Chapitre 53 - À rien de la fin
Chapitre 54 - La vérité sur le Soleil
Chapitre 55 - Le berceau de la magie
Chapitre 56 - Invasion
Chapitre 57 - Faire la différence
Chapitre 58 - Victoire amère
Chapitre 59 - Débuts en Terre Sainte
Chapitre 60 - Au cœur des dunes
Chapitre 61 - La fin du début
Épilogue - Horizons

Chapitre 2 - Contrats

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By Takatsuki7


L'éternelle pente pour arriver à Cascade touchait enfin à sa fin. Après les quelques dernières dizaines de secondes de marche, le trio entra dans le village. La fatigue et le froid disparurent presque instantanément. Une sorte d'euphorie planait dans l'air, donnant du baume au cœur des voyageurs. Après avoir circulé pendant quelques minutes dans des allées courtes entre des bâtisses en bois de deux étages, ils pénétrèrent la place centrale.

Tous se retrouvèrent bouche bée. Les nombreux flambeaux éclairaient vivement l'aire de danse, où une foule de villageois chaloupaient au rythme du groupe qui se tenait au fond de l'agora, sur une scène les surélevant légèrement. Deux guiternes et une flûte double jouaient un son festif. Yona reconnut rapidement sa chanson préférée intitulée Des chassés dans la neige, un titre bien apprécié à Verlore. Derrière les musiciens, la grande rivière qui séparait le village en deux ne s'entendait même plus dans l'engouement général de la fête.

Tout autour de la place, des bancs avaient été installés, afin que les danseurs puissent se reposer de temps en temps. Yona, qui aidait Jamer à marcher, longea l'extrémité vers la gauche pour descendre un peu plus dans le sud du village. Elle aurait adoré regarder les habitants s'amuser, mais pour l'instant, il fallait aliter son ami. Elle se dirigea donc logiquement vers l'unique auberge.

Mais cette fois-ci, rien à voir avec les deux chambres d'une maison occupée par une grand-mère, avec comme passe-temps d'accueillir les rares voyageurs. L'établissement de maîtresse Herber était un solide bâtiment — en bois comme le reste du village — de deux étages, nommé Au fief de la Cascade. Il ne demeurait certes pas plus haut, mais devait facilement mesurer le double, voire le triple en termes de superficie d'une large maison. Il s'agissait sûrement du plus grand bâtiment de Cascade. Là encore, quand le trio entra dans la salle commune, une vague de bruit les submergea. Vive comme la place centrale, on aurait dit qu'elle se trouvait aussi pleine. Les nombreuses tables rondes étaient toutes envahies. Impossible de voir la moindre chaise disponible. Certaines personnes se tenaient même debout, accotées contre un mur ou prenant appui sur un dossier en bois. Les gens mangeaient, buvaient, et se disputaient sûrement quelques parties de cartes ou de dés, pariant au passage quelques écus. Deux cheminées chauffaient efficacement la pièce, mais un tel monde devait également aider. Un peu moins d'une dizaine de serveuses zigzaguaient entre les tables, les bras lestés de plateaux pleins à ras bord, ou au contraire, vide de toute commande. Certains gaillards légèrement éméchés se permettaient de leur pincer les fesses de temps à autres, ce que certaines semblaient apprécier. Enfin, dans un coin de la pièce, un luthier à la barbe naissante ainsi qu'une chanteuse à la poitrine opulente — menaçant son chemisier de céder — répandaient une musique certes moins rapide que sur la place, mais tout aussi légère. Et au fond de toute cette cacophonie, maîtresse Herber regardait tout d'un œil attentif. Dans son légendaire tablier blanc tâché à quelques endroits, elle surveillait que ses employées ne flânent pas trop avec les consommateurs. Quand elle aperçut les trois nouveaux arrivants, elle quitta son poste d'observation pour aller saluer les potentiels nouveaux clients.

– Bienvenue au fief de la Cascade ! cria d'une voix remplie de servitude maîtresse Herber pour couvrir le bruit ambiant. En quoi puis-je vous aider ?

Son sourire s'effaça, et elle se mit à dévisager Yona.

– Mais je te reconnais toi ! Tu n'es pas la fille de Mend à tout hasard ? La vache, ce que tu as grandi ! Et dire que tu me dépasses maintenant ! Comment va ton vieux lascar de père ? Ça fait un moment que je ne vous ai pas vu.

– Il est décédé il y a six mois, répondit la bûcheronne en baissant les yeux.

– Oh ça alors... Désolé petite, c'était un gars bien. Si je peux faire quoi que ce soit, n'hésite pas à venir me trouver. Je ne sais pas si ça t'aidera, mais toutes tes consommations sont pour la maison !

L'aubergiste lui fit un sourire plein de tendresse, que Yona lui rendit en lui soufflant un merci. Ries se joignit à la conversation en changeant de sujet.

– Mes hommages, brave aubergiste ! Disposeriez-vous d'une chambre double pour moi et ce jeune homme éclopé, et d'une simple pour cette demoiselle ?

Yona s'étonna autant que maîtresse Herber des manières du marchand. Mais n'allant pas jusqu'à râler devant de nouveaux clients, elle acquiesça et se dirigea vers l'escalier sur la droite. Elle s'arrêta le pied sur la première marche, beugla quelques ordres à une serveuse qui s'approchait un peu trop dangereusement d'un blondinet, puis reprit son chemin. Une fois à l'étage, elle tourna sur la gauche et passa devant un premier couloir. Elle bifurqua ensuite à droite dans un deuxième corridor. Elle s'arrêta presque aussitôt en face d'une porte.

– Voilà la double, dit-elle en ouvrant la chambre.

L'aubergiste alluma une bougie, pendant que Yona accompagnait Jamer sur un des lits. Elle suivit après maîtresse Herber vers sa chambre, au bout du couloir. Après avoir posé ses affaires, le matelas semblait irrésistible. Mais son estomac criait famine, et elle se décida à aller manger. En passant par la chambre de ses compagnons, elle toqua, puis entra pour savoir si quelqu'un voudrait bien se joindre. Elle ne trouva que Jamer, allongé sur le matelas.

– Où est Ries ? interrogea Yona.

– À peine on avait posé les sacs qu'il est directement reparti. Il a dit qu'il allait s'amuser un peu en ville.

Demander à Jamer de l'accompagner serait délicat avec sa blessure.

– Tu veux que je te monte un dîner ? La petite table pourrait amplement faire l'affaire dans la chambre. En plus, il me semble que la salle commune soit pleine à craquer.

– Volontiers !

La bûcheronne descendit donc vers les cuisines, afin d'obtenir deux repas. Une fois un large plateau rempli de deux jarrets de porc au miel accompagnés de quelques pommes de terre, d'une carafe de vin avec deux verres, et pour finir d'une paire de clafoutis aux fruits rouges, elle remonta dans la chambre. Quand elle entra, Jamer sautilla jusqu'à une chaise. Ils s'installèrent, bavant presque devant ce festin. Ils attaquèrent sans plus tarder. La journée avait été longue, et le seul repas qu'ils avaient consommé avait été constitué d'à peine quelques bouts de fromage au réveil. Le vacarme de la salle commune s'entendait en fond, un peu étouffé, et créait une petite ambiance agréable.

Une fois leur plat terminé, ils profitèrent du vin encore chaud. Yona, curieuse, prit la parole.

– Pourquoi as-tu décidé de venir ?

Jamer ne répondit pas tout de suite. La pièce était bien éclairée, une étroite cheminée crachait son feu, accompagnée de trois lampes à huile, disposées sur les meubles. Seules quelques ombres se battaient en duel sur son visage. Après avoir fixé le fond de son verre pendant une poignée de seconde, il en sirota des gorgées avant de parler.

– Tu te rappelles, aux fêtes de l'été, comme on s'amusait bien ?

– Oui, répliqua Yona avec nostalgie, comme si elle avait quitté sa terre natale depuis des mois. Tout le village dansait en musique pendant une nuit entière. Nous étions tous si fatigués le lendemain !

– C'est bien vrai ça, dit Jamer avec un petit sourire qui ne se communiqua pas à ses yeux. Tu t'imagines faire ça toute ta vie ? Je veux dire, vivre à Verlore pendant encore quarante, cinquante, soixante ans, voire plus ? Tu étais bûcheronne là-bas. Tu pourrais couper des arbres pendant des décennies ?

Yona n'avait jamais réellement réfléchi à la question. Elle se contentait de prendre chaque jour comme il venait. Elle trouvait compliqué de penser à ce genre de choses.

– Eh bien moi non. Mon apprentissage chez maître Wulier se passait bien, mais bon, le bois reste un matériau limité. On fabriquait des meubles en tout genre, voire quelques bijoux de temps à autre, mais ça s'arrête là. Je veux également explorer le monde, Yona. L'artisanat est une activité que j'aime sincèrement, mais imagine aussi tout ce que l'extérieur peut nous offrir ! Toutes les techniques que je peux apprendre, les gens que je peux rencontrer, les paysages que je peux découvrir... Plus j'y pense, et plus je me dis que Verlore m'emprisonne. Je souhaite admirer de mes yeux les inventions fantastiques de Narvosing, observer à l'œuvre les puissants mages de Noodlot, arpenter le désert brûlant de la Terre Sainte ainsi que des plaines verdoyantes à perte de vue... On ignore encore beaucoup trop de choses. Tu vois ce que je veux dire ?

Yona ne sut pas vraiment quoi répondre. Elle avait une vision assez restreinte de la vie. Son père lui contait certes des tonnes d'histoires fascinantes qui parlaient du continent tout entier, mais Verlore était son foyer. Elle aimait ce qu'elle y voyait, le quotidien qu'elle y menait. Elle n'avait jamais eu une envie de le quitter aussi forte que Jamer. Les quelques livres qu'elle avait lus l'avaient indéniablement transportée, mais sans pour autant refaire toute sa conception de la vie. Mais cela resterait-il le cas encore longtemps ? Un doute naquit dans son esprit.

– Mais je sais que ce n'est pas vraiment ton style. Tu te sentais bien à Verlore. Alors pourquoi du jour au lendemain, tu décides de tout plaquer pour suivre un inconnu ? Il te plaît ?

– Non ! s'écria-t-elle d'une voix plus haut perchée que d'habitude. C'est juste que, je ne sais pas si tu es au courant, mais il y a eu une avalanche il y a trois jours. J'ai été prise dedans. Ries m'a sauvé d'une mort certaine. Et ça m'a fait comprendre que je n'avais finalement rien accompli depuis ma naissance. J'ai bien sûr appris les bases pour survivre dans les bois et travailler en tant que bûcheronne, mais à part ça ? Rien du tout. Je n'ai pas réalisé un seul projet. Les autres filles de Verlore sont des cailles qui ne demandent qu'à trouver un mari et faire des enfants, mais cela ne me dit pas du tout pour l'instant. D'autant plus que personne ne m'intéresse vraiment au village. Je veux vivre une vie avec laquelle je pourrais regarder mon père dans les yeux après ma mort, quand je le rejoindrai au royaume de Tyd. L'offre de Ries est juste arrivée au bon moment. Finalement, tout ce que je peux dire c'est que quelque chose au fond de moi me pousse à sortir de ma zone de confort, pour aller vers l'inconnu. Ça me fait peur, bien sûr ! Mais je la surmonterai. Et aussi, t'avoir à mes côtés est rassurant.

Les deux jeunes gens se sourirent, leur complicité visible comme le nez au milieu de la figure. Ils dégustèrent ensuite leurs clafoutis, avant de se séparer pour aller dormir. Quand Yona ferma la porte, Jamer s'était de nouveau déplacé jusqu'à son lit. La bûcheronne avait éteint toutes les bougies pour lui. Dans la lueur du feu mourant, sous la couverture épaisse, le jeune ne put s'empêcher de penser.

Et je n'ai pas encore réussi à lui dire... Fais chier. C'est à chaque fois pareil. Je ne suis qu'un dégonflé... Mais elle a dit que personne ne lui plaisait au village, ça m'inclut ? Ah et puis zut ! Je trouverai bien une autre occasion.

Le lendemain, Yona se fit réveiller par des coups sur sa porte.

– Yona ? Tu es là ? demanda d'un ton énergique Ries.

– Oui ! répondit-elle d'une voix encore molle.

– Parfait ! Je t'attends dans la salle commune, il faut qu'on parle.

Elle entendit son interlocuteur s'éloigner, le plancher grinçant légèrement à chaque pas. Elle sortit de son lit, s'habilla, se passa un peu d'eau fraîche sur le visage, et partit rejoindre Ries. Contrairement à la veille, la salle commune se trouvait vide si l'on ne regardait pas les quelques clients, comptables sur les doigts d'une main. En même temps, la matinée était déjà bien avancée, et l'heure du déjeuner approchait à grands pas. Elle repéra Ries à une table dans un coin de la pièce. De sa chaise, il pouvait voir tout ce qui se passait sans exception. Aucune zone n'était à couvert de son regard qui semblait tout analyser. Mais dès qu'il aperçut Yona — à la seconde où elle arriva —, il lui fit signe. Une fois tous les deux posés, il commanda à une jeune serveuse deux infusions. Ensuite, il sortit deux feuilles de papier, ainsi que le matériel pour écrire.

– Bon, passons un peu aux choses sérieuses. À Verlore, avant-hier, je t'ai dit que je voulais t'engager en tant que garde du corps. Et je le maintiens. Je te propose donc de signer un contrat qui officialisera notre collaboration. Cela vaut pour les gens extérieurs à notre petite entreprise, pour leur faire comprendre que tu travailles pour moi. Également, cela te permet de t'assurer d'une sécurité. Si, pour une quelconque raison, je ne respecte pas scrupuleusement les dires du contrat, tu pourras me poursuivre en justice. Dans les grandes villes, il est facile de trouver des groupes qui ramènent des hors-la-loi afin de les mettre face à leurs actes. Mais aussi et surtout, c'est ici et maintenant que nous allons exactement énumérer ce que tu vas faire, et à quel prix. Cela te convient ?

Avant même d'avoir lu le contrat, Yona se sentait déjà perdue. Elle n'avait jamais réalisé ce genre de chose de toute sa vie. Lors de ses précédentes venues à Cascade, c'est son père qui négociait l'intégralité des affaires. Elle se contentait de le suivre, et d'écoutait d'une oreille distraite. Le discours de Ries l'avait déjà confuse. Elle se mit alors à craindre la suite.

– Oui, enfin je crois.

– Ne t'inquiète pas, si jamais tu ne comprends pas certaines tournures de phrases, n'hésite pas à me le dire. Je t'expliquerai tout différemment.

Ça se lit à ce point sur mon vissage que je ne suis absolument pas à l'aise ? pensa la jeune femme.

– Bien, reprit Ries, ton rôle sera donc de m'accompagner. Dans le pire des cas, il faudra que tu me défendes contre n'importe quelle forme de danger. Cela peut aller d'un groupe de coupe-bourses, de mercenaires, mais aussi inclure des accidents, que ce soit en ville ou en dehors. Si jamais je me fais prendre dans une avalanche — un exemple qui nous parlera à tous les deux —, ton travail est de me garder en vie. Pour les complications liées aux hommes, la seule fois où cela peut se passer, c'est si des concurrents se sentent menacés. Ça m'est déjà arrivé quelques fois, et tu auras sûrement l'occasion de le voir de près.

– Et qu'est-ce que je dois faire dans ces conditions ?

– Sincèrement, tout dépend. Si la fuite est une option, nous pouvons la choisir. Si je dois atteindre un certain endroit pour une vente, une transaction ou autre, il faudra m'y mener tant bien que mal. Je te dirais où je dois finir et avec qui ou quoi, mais je te laisserais carte blanche pour le comment. Si jamais tu insistes pour louer un carrosse avec une vingtaine de gardes armés jusqu'aux dents, pourquoi pas. Enfin, ne prends pas tout le temps cette décision s'il te plaît, ma bourse est limitée haha !

Une esquisse de sourire se dessina sur le visage de Yona, mais elle était bien trop investie dans la conversation pour rigoler. Une fois concentrée, la faire sortir de son activité était un processus assez lent.

– Mais personnellement, je ne jugerai jamais tes méthodes. Les discuter à la rigueur. Mais si tu décides d'éliminer les malotrus qui nous barrent la route, c'est toi qui vois.

Yona fut choquée par des propos si violents. Pourquoi faudrait-il forcément tuer des gens ? Il y avait nécessairement un moyen de s'en sortir pacifiquement.

– Je préfère te prévenir, voilà tout. J'évite autant que possible, mais il arrive parfois qu'un choix s'impose à nous : notre vie ou la leur. Et crois-moi, la décision est vite prise. Tu manies bien la hache, n'est-ce pas ?

– Oui, mais ce n'est qu'un outil, répondit-elle.

– Parce que tu n'as pas eu à l'utiliser autrement. Du moins, pour l'instant, et j'espère que ça ne changera pas de sitôt. Enfin bref, je t'ai fait peur, mais crois-moi, la plupart du temps, tu ne ferais que porter des affaires, prendre des chambres dans des auberges, ce genre de petites choses. Tu m'aides à me débarrasser des tâches que n'importe qui peut effectuer, et ainsi, je me concentre sur mon travail. Tu saisis le topo ?

– Ça me semble clair.

– Tu m'en vois ravi ! Parlons maintenant de ce qui devrait te plaire, le salaire ! Encore une fois, rien de surprenant, je l'ai évoqué chez Viendel. Une pièce d'or toutes les deux semaines, et trente pour cent de mes recettes. Je n'aime pas travailler avec des gens, mais si je m'y décide, je les traite correctement. Je compte également inclure une prime de bienvenue, à hauteur de cinq écus dorés. Tu es d'accord ?

Yona avait presque la tête qui tournait. Cinq pièces d'or, cela lui permettait d'acheter plus de cinq chalets comme celui où elle séjournait dans son village natal. Même ici, elle pourrait vivre comme une reine pendant un temps.

– Je suis d'accord.

– Bien, maintenant que tout est dit, voici le contrat. J'ai passé la nuit à le rédiger ! Tu n'as qu'à écrire ton nom en bas de la feuille, une fois pour chaque exemplaire. Il en faut bien un chacun. Si jamais tu veux un peu de temps pour le relire en entier, cela ne me pose pas de soucis...

Mais avant que Ries ait pu finir sa phrase, Yona s'empara de la plume, la trempa dans l'encrier, et la déplaça vers la zone adéquate. Pour la même raison floue qui l'avait poussé à accepter l'offre du marchand, une volonté au fond d'elle lui soufflait d'avoir confiance en cet homme. Pourtant elle ne connaissait rien de lui, de son travail, de son histoire. Étonnement à l'aise avec la plume, son père lui avait appris à lire et à écrire assez jeune. C'était loin d'être le cas de tout le monde à Verlore.

Ries récupéra le parchemin, et resta bloqué un moment sur le nom complet de Yona. Yona Al'Teming. Tu es donc une Al alors... comme par hasard, pensa Ries. Après une poignée de secondes, il s'empressa d'effectuer la même opération. Il mit ensuite un peu de sable pour faire sécher le tout. Une fois terminé, il donna un des exemplaires à Yona.

– Et voilà ! Nous sommes officiellement employeur et employée ! Je compte sur toi à présent.

La désormais garde du corps regarda à son tour le nom avec lequel le marchand avait signé : Ries.

– Ce n'est pas mon vrai nom, mais il est courant chez les vendeurs de définir un pseudonyme. Dans le monde des affaires, c'est ainsi qu'on me connaît. C'est presque si je ne me rappelle pas mon nom par moment haha !

Yona ne réagit pas à la plaisanterie. Les collaborateurs se donnèrent une poignée de main. Ries termina sa tisane cul sec, puis se leva d'un bond.

– Maintenant, il ne nous reste quelques achats à faire ! Direction le maquignon !

Yona et Ries sortirent de l'auberge. Ils serpentèrent entre les bâtiments, la bûcheronne suivant aveuglément son employeur. À vrai dire, elle ne connaissait pas vraiment Cascade. En général, ils arrivaient en fin de journée avec son père, dormaient chez maîtresse Herber, et son père se levait aux aurores pour gérer ses affaires. Il venait ensuite la chercher une fois le travail fait, pour rentrer.

Ils débouchèrent sur la place centrale, la même que la veille. Mais Yona eut du mal à le croire. Presque vide, elle ne ressemblait en rien à ce qu'elle avait vu lors de son arrivée. Quelques villageois discutaient calmement. Deux habitants tiraient une charrette pour aller on ne sait où. Mais Ries ne ralentit pas une seconde, et s'approcha de la rivière pour la traverser à l'aide d'un large pont en bois, plus pratique qu'esthétique. Mais au milieu de la structure, elle s'arrêta un temps. Le soleil avait déjà presque atteint sa hauteur maximale, éblouissant le village de sa lumière. L'eau claire ruisselait dans un doux bruit sous ses pieds. Et en amont du pont, l'imposante cascade qui donnait son nom au lieu. Une chute d'une hauteur d'au moins quatre fois la taille de l'auberge de Viendel, peut-être plus. La largeur légèrement plus petite, l'eau se jetait sur la roche en contrebas dans un son grave et constant. Et juste devant, une immense bâtisse de bois se tenait fièrement au-dessus de la rivière. Seule construction de trois étages, la résidence du chef du village ainsi que de sa famille se devait d'être la plus grande. Un large escalier sur sa gauche menait à la terre ferme, unique moyen d'y accéder.

Ries l'interpella, et Yona se remit en route. Quelques minutes plus tard, ils arrivèrent au pied d'une grange. Un homme au crâne chaud sortit les accueillir.

– Ries !

– Perde !

– Tu sembles à peine plus frais qu'hier soir !

– Et toi alors ? Comment tu fais pour avoir l'air autant en forme avec si peu de sommeil ?

Les deux fêtards se firent une accolade en rigolant, comme de vieux amis. Le maquignon portait un pantalon marron ainsi qu'un par-dessus en laine noire, assez épaisse pour lutter contre les attaques du froid.

– Alors, reprit le villageois, tu te décides à conclure l'affaire ?

– Bien sûr ! Je te présente ma collaboratrice, Yona. Il nous faut deux chevaux, parmi tes meilleurs !

– Chez moi, il n'y a que le meilleur ! lança le vendeur d'un regard pétillant. Venez à l'intérieur, je vais vous montrer.

Yona n'y connaissait pas grand-chose en équidés. Il n'y en avait pas un seul à Verlore. Et Ries semblait boire les paroles de Perde sur la taille, la morphologie, le développement du poitrail, la couleur des poils et leurs signification... Finalement, ils repartirent avec deux hongres. Le premier, celui de Ries, était un fier équidé adapté à sa taille plus petite que la moyenne, au poil marron clair. Une petite tache blanche vaguement en forme d'étoile lui recouvrant le naseau, le marchand le nomma simplement Étoile. Le deuxième, pour Yona, était un grand cheval mésomorphe parfait pour sa taille. Le teint gris foncé de son poil la faisant penser à une tempête dans la nuit, elle l'appela Tempête. En plus des animaux, le duo se procura les selles et les sacoches qui allaient avec. Plusieurs heures s'étaient déjà écoulées. Ries tenait à prendre son temps pour les achats importants. Et il avait même réussi à obtenir les accessoires gratuitement ! Yona se mit à penser qu'il était peut-être réellement marchand après tout.

Ils rentrèrent à l'auberge, posèrent leurs nouveaux compagnons, et repartirent directement en ville pour se munir de quelques vivres. Une fois les sacoches pleines, la nuit était avancée, et les animations musicales reprirent de plus belle. Ils rangèrent leurs achats dans leurs chambres, et redescendirent pour dîner, avant que la salle commune ne soit intégralement remplie. Jamer les avait rejoints en clopinant. La journée avait été longue, et le lendemain s'annonçait encore plus chargé. Yona décida donc d'aller se coucher, pour ne pas se réveiller une nouvelle fois tard comme ce matin.

Jamer et Ries restèrent un peu plus, sirotant un bon verre de vin chaud assaisonné de plantes que ni l'un ni l'autre ne puissent identifier.

– Du coup, engagea Jamer, tu campes sur ta position ?

– Oui, répondit Ries d'un ton sérieux. Tu restes ici pour te reposer. Se balader avec un éclopé n'a aucun avantage. Rappelle-toi : si j'ai accepté que tu nous accompagnes, c'est uniquement contre ton obéissance totale. Ensuite, tu partiras directement pour Narvosing. Avec l'avance que nous allons avoir avec Yona, cela nous permettra d'effectuer un détour nécessaire. Va à l'auberge Les Échos du Savoir. Dis mon nom, le gérant devrait te laisser une chambre sur mon ardoise, aussi pourrie soit-elle. Et après, attends-nous. Le propriétaire te chargera sûrement de quelques courses. Exécute-toi sans râler, et sois efficace. N'oublie pas que maintenant, tu es mon homme de main.

– Ça va, j'ai compris, maugréa Jamer.

Ries se leva pour le bar et repris un verre, avec son ton léger habituel. Il semblait parti pour festoyer toute la nuit. Pour Jamer, son jeu d'acteur était excellent. Il aurait dit avoir eu à faire avec deux personnes différentes. En partie dégouté par sa situation, il se leva et sautilla jusqu'à sa chambre. Il avait assez vu Ries pour aujourd'hui.  

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