Scènes

By Tristan_Howl

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"Il avait lui aussi connu ce terrible effroi qui pousse à détruire cette première vie, espérant que sa solitu... More

0.0 - Prologue
MOUVEMENT 1
1.1
1.2
1.3
1.4
1.5
1.6
1.7
1.8
1.9
1.10
MOUVEMENT 2
2.1
2.2
2.3
2.4
2.5
2.6
2.7
2.8
MOUVEMENT 3
3.1
3.2
3.3
3.4
3.5
3.6
3.7
3.8
3.10
Mouvement 4
4.0
4.1
4.2
4.3
4.4
4.5
4.6
ÉPILOGUE

3.9

23 5 0
By Tristan_Howl

3.9


Avant même le réveil, quelque chose de très doux. La neige apaisante de Munich, infinie, immaculée. Il n'y a rien. Un rayon rouge perce à travers mes paupières et scinde son étendue blanche. Un corps étranger me délivre des sensations. Cette sueur musquée, c'est un foyer. Où s'arrête ta peau, où débute la mienne ? Que c'est difficile de se rattacher à son corps. Nos sueurs en cette nuit d'été se confondent, nous confondent. Mes doigts s'agitent sur mon ventre et sa main. Ils pincent des cordes imaginaires, ils le faisaient déjà dans mon sommeil. Je n'arrive pas à les empêcher. J'entends la musique. Qu'est-ce que j'y peux ? J'entends la musique... 

« Restes-y un peu... Ça a l'air si doux... »

Je me rendors.

Nous fûmes réveillés par Guillaume qui pesta « Oh, ça pue le fauve ici ! » et nous donna la clef de sa chambre pour que nous puissions discrètement y voler une douche. Nous déjeunâmes devant la caravane grand ouverte en attendant Lillie, avant de filer vers une autre ville. Balances. Je ne jouai pas, Lillie se chargea de faire sonner le violoncelle, j'étais prostré dans la salle. Je les écoutais. Nous croisâmes les Forceuses sans savoir que leur dire.

Le groupe de spectateurs qui nous avait suivis sur presque tous les concerts était massé au premier rang. Disons que les six premiers rangs étaient composés de nos fans. Les autres attendaient les Forceuses d'Avalanches, mais avec de moins en moins d'impatience, au fil du concert. Guillaume dansait, perdu dans son pull trop grand, usé, il haranguait la foule avec des cris et des sourires, chantait avec Lillie, doublait ses refrains. De sa voix devenue rauque à cause de la fatigue, il chantait fièrement « Gloria », ode à la fureur joyeuse et brute. Lillie avait la grâce et la rage des dernières fois. Elle me rappela l'été dernier, quand elle s'était métamorphosée en quelque chose de plus qu'une femme.

Saluts. Rappels. Victoire nous hurlait de sortir de scène.

Andreas fit un signe à Guillaume.

« Mouvement 2 »

Andreas, je te hais.

Je retrouvai mon esprit, tout à coup, en jouant cette phrase dont je ne savais me détacher. Nuit d'hiver, le monde avait disparu sous la neige, il ne restait que le toit de la vieille usine et le vide à mes pieds m'attirait. Exactement cela, exactement ma place, en équilibre. Je savourais mes derniers instants, l'appel du vide. Juste avant de basculer. Quelle belle chute, cela allait être excitante, stupéfiante ! Allez, un dernier soubresaut et...

Silence Silence

BAM BAM

Premier coup du destin, un lasso d'Andreas

ARRÊTE !

Je faillis m'évanouir lorsque je sentis cette corde vibrer à nouveau au fond de moi. Mon sursis. Je jouai la reprise comme un forcené, je laissai échapper des cris inarticulés de rage et de détresse, caché par mes cheveux et couvert par le son de nos instruments. Chocs vertigineux. Droit dans la mémoire. Je tournais en rond...

Les timbales insistèrent. Seconde gifle.

Tu as choisi de vivre,

tu as fait ce choix

il y a bien longtemps.

Souviens-toi !

Je repris cette mesure qui ne finissait jamais.

La troisième fois, il m'illumina.

Les projecteurs s'éteignirent.

rideau

amnésie

abandon

dès le premier cri,

maudit

qui nous a séparés.

Horreur de toi

des nuits passées dans le froid

à essayer de faire taire la flamme

Irrémédiable

Mais toujours, toujours, depuis ce premier cri, une sensation te colle à la peau, un élan avorté dont il reste l'essence : cette impulsion qui guide aveuglément le premier geste,

imperceptible.

Incessamment.

La tête me tourbillonnait.

C'est qu'Andreas m'avait entraîné dans les couloirs, après son solo fabuleux. Il me tenait dans ses bras puis serrait ma tête dans ses mains pour me crier au visage :

« La musique, Vincent, il y a la musique ! C'est ce que tu m'as dit, un jour. Alors arrête de chercher, tu l'as compris-toi-même : ta musique, ce n'est pas une ligne... VIS ! Est-ce que tu m'entends maintenant, est-ce que tu commences à comprendre ? Rien n'est terminé. C'est pour que tu continues qu'il n'y a rien ! Tu n'allais pas t'arrêter à cela ! La musique, Vincent, il y a la musique. Ce n'est pas un moyen ! »

Je me plongeai dans ses yeux verts, comme le premier soir.

« Alors... Alors tu vas jouer ça ? Tu peux jouer ça ?

- Je peux tout jouer, Andreas. »

Je traversai, main dans la sienne, la scène que les techniciens débarrassaient déjà, comme j'aurais traversé l'apocalypse. Son regard me portait, noyé dans la passion. Éclair vert lancé en plein cœur. Victoire nous agonisait d'insultes, et elle se faisait huer par nos admirateurs.

Mes mains, ce sont bien elles, je les sens, qui poursuivent cette mélodie folle, corrigées par Andreas, jusqu'à la révélation.

Tu vas continuer de jouer

Soutenu par les toiles que tu as laissées tisser

Et tu ne trouveras jamais le vide.

Ce sommet-là, il est inaccessible.

« Encore ! »

Des visions naissent, et ce ne sont pas des souvenirs.

Puisque rien ne sera plus comme avant, nous ne serons pas des historiens.

Mais

Chercheurs d'or

Mangeurs d'étoiles

Ogres affamés d'un cœur

palpitant

La même mélodie toxique, les mêmes coups de timbales libératrices.

« ENCORE ! »

Mais

La voix qui s'élève après la fin pour inventer un refrain,

Même solitaire

la lumière d'une étoile qui nous éclaire

Des siècles après sa mort

Le poète né de l'apocalypse

la main que tu serres la nuit, sur un toit, en décembre

Et toutes les raisons du monde auront beau te dire que la vie est là, pour tenter de sauver ta peau,

tu sais toi, que nos ombres se sont décrochées, il y a bien longtemps, qu'on s'est fracassés ici-bas, il y a trop longtemps, trop seuls, et qu'elles n'ont de cesse de se rejoindre ailleurs, là, juste là,

dans ce battement, dans ce frottement...

Ne les crois plus,

Jamais, jamais.

Silence. Les techniciens avaient coupé l'électricité mais ni Andreas ni moi n'en avions eu besoin. Ils avaient tenté de nous jeter hors de scène mais avaient été coupés en plein mouvements et demeuraient suspendus.

Et là, le silence.

Dans ma tête seulement.

La foule, sous mes yeux, était frénétique. Je ne la distinguais plus. Je ne voyais qu'Andreas qui avançait vers moi. Je dégageai de son visage des mèches collées par la chaleur avant qu'il ne posât son front sur le mien sans réussir à trancher entre rires et larmes. Je tenais sa nuque baignée de sueur, les doigts emmêlés dans ses cheveux.

Dans ce même état lamentable, désespérément vivants, nous démontâmes le matériel alors que du public continuait de chanter. Plusieurs osèrent même un mot d'encouragement en direction de mon visage décomposé et rapiécé de sourires saccadés. Andreas, furieux de joie, se jeta dans la fosse pour embrasser, enlacer, se fondre dans cette vague d'affection violente dont il avait besoin. Nous traversâmes bras-dessus bras-dessous, inséparables, les coulisses sombres et les couloirs sinueux. Le hall était encombré de membres du public. Nous reçûmes une seconde ovation, très longue, des larmes plein des yeux. Et ils continuaient de chanter...

« C'est le troisième de vos concerts que je vois et... C'était tellement intense ce soir... Tellement..., murmurait un garçon qui me tendait son disque.

- Oui... Oui ! » balbutiai-je.

Nous eûmes à peine le temps de prendre quelques photos et signer des disques car Hind nous mit dehors, craignant que le public déserte le concert des Forceuses pour venir nous voir : « Vous feriez mieux de disparaître pour ce soir. » De fait, aucun de nous ne voulait rester. Nous voulions nous recueillir. « Je vous offre l'hôtel » déclara Andreas. 

Après nous être longuement douchés, nous partageâmes un dernier verre au bar mais Lillie et Guillaume étaient épuisés et ne tenaient plus debout. J'aurais dû être épuisé également. Ma fébrilité ne voulait pas se coucher, elle s'éparpillait dans l'air à travers mon sourire mordu, mes cheveux qui irritaient mes joues brûlantes, mes mains harassées, mon regard qui fuyait Andreas pour se perdre dehors, fenêtres ouvertes, juillet, nuit bleu pétrole. Je m'en voulais encore. Alors, me disperser, là, dans le ciel, en millions d'étoiles, ne plus être un misérable corps.

Je le voulais encore.

« On devrait aller se coucher nous aussi » chuchota Andreas. Je hochai la tête, soulagé et arpentai les escaliers et couloirs à sa suite. Il posa sa main sur la mienne tandis que j'ouvrais ma porte. La télévision tonitruante nous fit bondir. Il eut un petit rire et alla la désactiver, au bout de la pièce, à trois pas de moi.

J'éteignis le plafonnier.





Il n'y a rien.






Le blanc d'une mèche, deux pépites en dessous et puis un sourire clair. A peine plus que le chat de Cheshire. Je m'approchai pour qu'il apparaisse tout entier. Rien que son souffle, sa chaleur qui m'enveloppe, et précède à peine ses lèvres retrouvées, comme deux chairs d'une blessure enfin réunies.

Un baiser. Notre amour. A l'infini.

Il n'y a rien que cette immensité.

Il glisse ses mains sous mon tee-shirt, sans l'enlever, comme s'il craignait de me dévoiler tout entier. Je suis familier de sa tendresse, depuis le premier jour, depuis des mois, presque deux ans, mais il découvre ce soir des régions de moi qui n'ont jamais vécu. La ligne de mon dos sous sa langue, ma nuque, mes cheveux qu'il respire avec faim en entourant mon cou de son bras rassurant, mes poignets... Il parcourt tout cela à la fois assoiffé et stupéfait, et tout lui répond. Il achève de me mettre au monde : un seul battement réveille au fond de moi la vie qui attendait cet accomplissement. Ce soir, respirons à l'unisson, accordés, enfin.

Je me fraie un chemin timide sur la folie de sa peau. De ses reins tendres à son ventre soyeux, il y a

sa peau très blanche sous laquelle se tendent les muscles en un harmonieux ronronnement, son duvet blond qui frémit, les veines qui marbrent sa gorge et qui battent dans ma bouche. Un concerto de sensations.

Il halète lorsque nos peaux se cherchent, un doigt parcourt la rondeur d'une hanche, sous l'élastique, un pied se crispe contre un autre en se débarrassant du jean, une jambe se glisse entre mes cuisses et son désir vient chercher ma chair. Je ne peux et ne veux retenir ni les spasmes de désir, ni les furtifs gémissements étouffés sous l'oreiller. Sa main s'immisce, main tannée, aux doigts entourés de sparadrap, qu'il retire avec les dents avant de revenir à moi. Il me découvre, du bout des doigts, avant de me caresser intensément, front à front, tremblement répercutés droits dans les yeux. Je perds la tête. Nos nudités se trouvent, mes reins le cherchent, irrépressibles et pudiques.

Une migraine commence à poindre, je l'ignore en léchant la peau infiniment douce et brûlante de son sexe avant de m'en abreuver complètement. Il entremêle ses doigts aux miens. Nous ne faisons qu'un. Est-ce que ces mots ont déjà eu davantage de sens que pour nous ? 

« Vincent... gronde-t-il très bas, je veux te voir... Embrasse-moi, caresse-moi avec tes mains... » Ses paupières fines ont toutes les couleurs de l'arc-en-ciel et même quand il a les yeux fermés, je peux lire ses pensées. « Vincent... » Sa voix hésite. Ai-je entendu « Mon amour... » ? Oui, d'une autre voix. Celle née de l'unité retrouvée qui étouffe un ultime gémissement dans ma bouche.


Il voulut continuer pour moi, mais je n'y répondais plus, la tête dans son épaule, nos jambes encore entremêlées, nos ventres poisseux. Il me prit par la main pour aller dans la salle de bains. Deux heures du matin, rires malicieux. Il se rinça tandis que je prenais un cachet

« Ouais, je pensais que ça allait passer..., répondis-je à son regard embêté.

- Tu crois toujours que ça va passer...  marmonna-t-il avant de m'embrasser à nouveau. Qu'est-ce qui a changé, alors ? »

Je haussai les épaules. Sa main revint me chercher à travers mon pantalon.

« C'est bon, Andy... » le repoussai-je tendrement.

Il posa son front sur le mien.

« Mais... tu n'es pas... frustré ?

- Comment pourrais-je ? »

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