Rêve de Noël : Premier flocon

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La fillette plissa les yeux pour tenter de voir dans l'obscurité. Il y avait quelqu'un, assis dans la cabane. Sa cabane. Elle avait passé des heures à la construire, à l'orée de la forêt. Ce n'était pas qu'un vulgaire tas de branchages. Non, elle avait créé de vrais murs en entrelaçant des rameaux souples et installé une toiture de feuillage, plus épaisse à mesure que le temps passait. C'était son repère secret, son château de princesse.

Lur' serra son arc dans sa main et encocha une flèche par précaution. Elle n'avait que six ans mais savait déjà très bien s'en servir. Mamah disait qu'elle était une vraie chasseuse ! Un jour, elle combattrait les wrags, et plus personne ne craindrait de sortir l'hiver à cause de ces sales bêtes.

Un garçon était assis là, à quelques pas, sur la bûche qui servait de siège. Surpris par l'arrivée de la fillette, il ne fit pourtant pas mine de se lever à son approche. Lur' distinguait mal ses traits, dans la semi-obscurité, mais elle lui trouva le teint pâle. A moins que ne soit ses cheveux noirs coiffés en queue de cheval qui n'accentuent cet effet en encadrant son visage. Il devait avoir une dizaine d'années, pas plus.

- Laisse-moi tranquille, murmura-t-il alors qu'elle s'approchait.

Il était vêtu sobrement, mais la qualité de sa tunique couverte d'une cape de fourrure épaisse témoignait de son appartenance à la noblesse. Comme elle. Peu lui importait, de toute manière, et elle baissa son arme, en pouffant de rire devant la bêtise du garçon :

- Ben non, tu es chez moi, ici !

Il fronça les sourcils. La nuit n'allait pas tarder à tomber et les plonger dans l'obscurité. La forêt à l'orée de laquelle ils se trouvaient risquait de devenir dangereuse.

- Tu t'es perdu ? reprit la fillette sans se formaliser du mécontentement de son interlocuteur.

Il n'avait pas l'air décidé à s'en aller.

- Je m'appelle Lurhanda, reprit-elle en s'avançant. Mais tu peux m'appeler Lur'

- D'accord, Lur'... Laisse-moi tranquille, maintenant, murmura le garçon dans un souffle.

Loin d'obéir, la fillette se rapprocha encore pour l'observer. Il respirait de façon trop inégale pour quelqu'un qui était assis sur une bûche. Ses mains crispées sur le bois tremblaient légèrement, comme s'il peinait à se maîtriser.

Le garçon lui lança un regard qui semblait osciller entre l'inquiétude et la colère. Il paraissait sur la défensive. Se contenait-il pour ne pas lui sauter à la gorge ou bien se trouvait-il en difficulté ? Quelle que soit la réponse, Lur' le dérangeait, à n'en pas douter. La main de la fillette restait proche du petit couteau qu'elle portait à la ceinture : l'attitude de l'intru incitait à la méfiance. Il dégageait une agressivité latente qu'elle préféra ignorer par pure gentillesse :

- Est-ce que ça va ? hasarda-t-elle avec un sourire qu'elle espérait apaisant.

- Pourquoi ça n'irait pas ? répondit-il sèchement.

Lur' fit un pas en arrière, prudente. Mais elle n'avait aucune envie de quitter les lieux et finit par s'exclamer, agacée :

- Mais c'est mon château ! Tu n'es pas très gentil, toi !

Cette véhémence sembla faire sursauter le garçon qui esquissa une moue contrite :

- Je m'excuse, reprit-il plus doucement. J'avais besoin de calme, voilà tout. Je suis désolé de t'avoir dérangée.

C'était certes une réponse bien plus aimable, quoique articulée par moment avec difficulté. Il se leva sur ces mots et, après une salutation polie, tourna les talons et quitta la cabane. Au moment où il allait disparaitre dans les buissons, il se retourna pourtant et parut hésiter.

- Lur'... Je pourrai revenir demain ?

La fillette lui décerna un grand sourire :

- Bien sûr ! Mais tu dois savoir que je suis la princesse en chef du royaume !

Le garçon fronça les sourcils avant de hocher la tête, peu sûr de lui :

- D'accord. Mais...

Un sourire timide s'imposa sur son visage :

- Alors, moi, je serai le prince.

Lur' acquiesça tout en se disant que, s'il ne faisait pas un bon prince charmant, elle n'aurait qu'à le chasser de son château. Elle le regarda disparaitre dans les broussailles, puis reprit le chemin de sa maison pour éviter de se faire gronder à cause de l'heure tardive. Etrange garçon qu'elle venait de rencontrer ! Que faisait-il à cette heure, seul, dans la pénombre ? Pourquoi cette attitude si distante au début ? Bon, finalement, il avait quand même l'air gentil. Oui, elle pensait qu'elle allait bien l'aimer.

OfficieuseWhere stories live. Discover now