Chapitre 7 : Valse mensongère

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Landarn, vêtue d'une robe de soie réhaussée de dentelles discrètes, suivait Sanhild le long des couloirs obscurs. Cette dernière portait, quant à elle, la tenue la plus ornementée qu'il lui eut été donné de posséder. Le délicat tissu de satin brillant, d'un bleu soutenu, se voyait agrémenté d'une multitude de perles nacrées formant de délicats entrelacs.

L'Officieuse n'y était pas réellement sensible et s'assurait surtout que ses jupons lui permettaient bien de saisir son arme qui ne l'avait pas quittée. Le laçage de la robe devait également s'enlever plus rapidement que d'ordinaire afin de libérer les mouvements en cas de besoin. Larinda n'aurait sans doute pas cautionné le choix de couleur du cordon, mais l'essentiel était que ce dernier soit assez solide. Non pas que Sanhild espérait avoir à attacher l'un de ses hôtes ce soir-là. Cependant, on n'était jamais trop prudente.

À la vérité, elle préférait penser comme la combattante qu'elle était, plutôt que réfléchir à ce qui l'attendait. Les danses et les minauderies lui avaient certes été enseignées, mais n'étaient pas dans ses activités de prédilection. Et pourtant, elle allait devoir faire un effort, ces tête-à-tête musicaux pouvant se révéler bien utiles.

S'arrêtant devant la salle de réception, Sanhild replaça ses boucles brunes savamment disposées sur ses épaules dénudées. Elle avait bien cru que Landarn ne finirait jamais de fixer les perles dans ses cheveux, mais elle devait reconnaitre que le résultat était à la hauteur de son personnage. Idéal pour aller discuter avec Cierhan et lui extorquer quelques informations avec un sourire niais.

Lorsque le domestique leur ouvrit les portes de la salle de bal, Sanhild fut saisie par la chaleur étouffante et éblouie par la lumière. Des dizaines de bougies brûlaient dans des lustres de cristal. Leurs innombrables flammes faisaient danser des reflets chamarrés sur les murs marquetés d'essences de bois rares et ornés d'imposants miroirs. Les invités, parés de leurs plus riches atours, déambulaient en bavardant et l'orchestre emplissait déjà les lieux d'une musique enivrante. L'odeur des parfums des dames se mêlait aux effluves du buffet. Afin de compléter ce dernier, des amuse-bouche étaient servis par nombre de domestiques en livrée, qui circulaient entre les convives, un plateau à la main.

Instinctivement, Sanhild observa la pièce pour en repérer les issues. Deux portes massives, en plus de celle qu'elle venait de passer, se trouvaient fermées. Aucune fenêtre, comme souvent dans l'Ouest, mais un puit d'aération inaccessible se devinait derrière la lumière éblouissante des lustres. Le sentiment d'oppression s'accentua devant cette pièce close.

Aucun invité n'était armé, comme la bienséance l'exigeait, mais nombre d'entre eux, si ce n'était la majorité, avaient l'attitude de combattants expérimentés. Dans l'Ouest, il n'était pas rare de former tous ses enfants, filles comme fils, aux arts militaires. Les wrags à eux seuls justifiaient que l'on sache se défendre. La vie était rude, dans les montagnes et il n'y avait pas de place pour les faibles. Pourtant, en apparence, tous ici se contentaient de converser avec désinvolture, comme si leur existence n'était qu'une suite de plaisirs futiles. L'ambiance était au divertissement et à la plaisanterie bon enfant.

- M'accorderiez-vous une danse, dame Sannarhia ?

La jeune femme dut se forcer à sourire pour cacher sa désagréable surprise. Bregan lui tendait la main, un sourire poli plaqué sur son visage. Sanhild eut l'étrange impression qu'il la mettait au défi de refuser. Bien entendu, il n'était pas question de se dérober et elle accepta avec autant d'entrain qu'elle parvenait à feindre.

Le noble l'entraina sur la piste de danse et entama une valse à la mode. Contre toute attente, malgré ses allures brusques, il maîtrisait parfaitement les pas et se révéla bien meilleur danseur que Sanhild ne l'avait escompté. De son côté, la jeune femme s'efforçait de suivre le rythme, gênée par sa robe qui virevoltait malgré elle. Il resserra sa prise sur sa taille sans mot dire, la forçant à caler ses pas sur les siens. Si une autre aurait pu apprécier qu'il mène ainsi la danse, l'Officieuse ne pouvait se départir du sentiment oppressant que le jeune homme lui inspirait. Valsait-il ou s'apprêtait-il à mener un combat, au rythme de la musique ?

OfficieuseWhere stories live. Discover now