Chapitre 31 : Interrogatoire

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Le battant fut refermé, cadenassé sous l'œil ahuri du jeune homme. Ce dernier ne comprenait manifestement pas ce qui venait de se passer et d'où son invitée tirait une telle force.

L'Officieuse le foudroya du regard. Elle était arrivée à la conclusion qu'elle ne pourrait jamais l'assassiner comme elle l'avait prévu. Non, elle avait trop de sentiments pour lui. Il lui fallait d'abord réduire ces derniers à néant avant de passer à l'action. Quoi de mieux que de confronter Aodan à ses méfaits ?

Moins subtil, plus risqué aussi pour elle, mais c'était mieux que de perdre pied au dernier moment. Et puis, cette chambre était reculée, les murs épais... On n'entendrait pas le noble crier. Un poison foudroyant ferait l'affaire ou n'importe quoi d'autre tant qu'elle aurait le courage d'agir. Certes, elle revenait sur sa décision de se montrer discrète mais, au moins, elle se garantissait un résultat acceptable et définitif.

Aodan recula de quelques pas, hésitant :

- Dame Sann...

- Traître à la couronne. Qu'avez-vous à dire pour votre défense ?

Le ton était tranchant. Le jeune homme blêmit devant cet accès de froide agressivité.

- Je... rien... que dites-vous ?

Passé l'instant de surprise hébétée, il se reprit, son regard se faisant plus dur. De toute évidence, il n'appréciait pas vraiment l'attitude de Sanhild.

Cette dernière désigna avec autorité l'un des fauteuils :

- Asseyez-vous.

Il ouvrit la bouche pour protester, mais la vision du poignard que sortit la jeune femme le poussa à obéir malgré lui.

- Que voulez-vous ? demanda-t-il sans comprendre. De l'argent ?

Il était en colère, lui aussi, à présent. Mais il se maîtrisait mieux qu'elle. Plus pâle qu'à l'accoutumée, il la dévisageait d'un air où se mêlait déception et mépris. Pensait-il qu'elle voulait le faire chanter ? Sans se laisser attendrir, Sanhild alluma deux bougies de plus afin de mieux voir son expression et se positionna à bonne distance, entre la porte et lui.

- Je veux juste la vérité, exigea-t-elle d'un ton glacial. Avez-vous pour projet de trahir notre souveraine ?

Il la regardait comme si elle était devenue folle. S'il était coupable, il jouait bien la comédie. Mais ce ne serait pas le premier. S'il avait un peu de bon sens, il savait qu'il risquait sa vie en répondant par l'affirmative. Un comploteur encourait la mort, même si peu de monde se doutait que les Officieuses en étaient l'instrument. Il n'avouerait pas si facilement.

Son premier réflexe fut d'ailleurs de nier farouchement :

- Jamais, par les Six ! Pourquoi une telle idée ?

Il paraissait horrifié par les propos de la jeune femme, mais Sanhild ne se découragea pas pour autant. Elle planta son regard dans le sien, à la recherche de la moindre faille et poursuivit froidement :

- Vous deviez vous rendre à Ranoria, avec Gredor ; empoisonner notre reine ; puis prendre le château avec vos armées conjointes.

- C'est de la folie !

- J'ai trouvé les preuves de vos manigances.

Il blêmit et se tut. Inutile de lire dans son esprit pour deviner, à en voir la façon dont son visage se décomposait, qu'il comprenait les conséquences de ce qu'elle venait d'affirmer. Fébrile, la main de Sanhild serra davantage le poignard. L'esprit de la jeune femme se trouvait partagé entre la satisfaction prochaine d'obtenir des aveux et la déception engendrée par la mort de son dernier espoir de voir innocenter le jeune homme.

OfficieuseWhere stories live. Discover now