Chapitre 5 : Nostalgie

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À la suite de ce silence intrigué, les conversations repartirent de plus belle. Sanhild entendit les mots "brigand", "sang" et "sécurité". Il devait y avoir là une trentaine de personnes, toutes de la bonne société. On laissa néanmoins le privilège au maître des lieux et à ses enfants de s'approcher de la prétendue victime en premier. Thoran n'eut que le temps de lui demander si elle se sentait mieux, avant que son plus jeune fils ne s'avance :

- Cierhan, fils de Thoran, enchanté de faire votre connaissance !

Au moins, contrairement à son frère, le jeune homme avait-il l'air sincère dans ses propos. Sanhild lui rendit un sourire timide. Il avait précédé les autres avec empressement pour se mettre en avant. Voilà qui arrangeait les affaires de l'Officieuse : il serait plus aisé de lui extorquer une invitation à rester.

- Le plaisir est partagé, messire.

- Eh bien ! Racontez-nous tout ! s'exclama Larinda qui battit une nouvelle fois des mains, coupant son jeune frère qui allait reprendre la parole.

Cette fille était décidément agaçante avec ses manières d'enfant guillerette ! Sans compter qu'elle empêchait, à chaque fois, l'Officieuse de converser avec Cierhan. Blêmir sur commande était impossible, mais Sanhild se composa une expression si bouleversée que son hôtesse plaqua une main sur sa bouche :

- Oh ! Je suis désolée ! Je ne voulais point vous incommoder !

Elle paraissait sincère et Sanhild décida d'enfoncer le clou. Les lèvres tremblantes, elle secoua la tête :

- Ce n'est rien, ce n'est pas vous qui avez...

Un silence valait toutes les descriptions morbides, à en voir le visage décomposé de Larinda.

- Venez vous asseoir avec moi, proposa cette dernière gentiment. Mieux vaut vous distraire et oublier ce drame !

Sans attendre de réponse, elle entraina Sanhild vers un large canapé où se trouvaient déjà celles qui devaient être des amies de la jeune noble. Bientôt, l'Officieuse se retrouva à sourire niaisement à une conversation portant sur le choix des cordons de laçage. Devait-elle réellement prendre parti dans le débat passionné qui opposait les défenseuses de la couleur unie contre celles des effets bariolés ? Enfin, au moins, ces filles ne semblaient pas décidées à la harceler de questions sur les brigands.

Sanhild en profitait pour observer discrètement les lieux, ainsi que ses hôtes. Une cheminée massive réchauffait la pièce. Le salon se situait donc sur l'avant du château, où le conduit pour déverser la fumée avait été moins long à creuser. Les convives bavardaient, riaient, sans plus prendre garde à elle. Tous ici paraissaient jouer un rôle et, chaque conversation, chaque attitude, semblait sonner faux à l'Officieuse. Sauf, peut-être, la bonne humeur enfantine de Larinda et ses amies.

Il fallait absolument que Sanhild trouve un moyen de se rapprocher de l'un de ses hôtes. Il lui restait certes tout le bal pour se faire inviter à rester mais, plus tôt cette étape serait passée, plus son esprit serait apaisé. Larinda était peut-être la cible idéale, après réflexion. Cependant, Sanhild allait devoir faire un effort de conversation et se passionner pour des futilités qui l'agaçaient déjà.

Cierhan discutait un peu plus loin avec une jeune femme et arborait toujours ce sourire éclatant. Sanhild lui trouva une sorte d'aura, comme si les invités ne pouvaient s'empêcher de l'écouter et de l'apprécier. Nombre d'entre eux se contentaient de rester à ses côtés afin de suivre l'échange qu'il menait. Le jeune homme paraissait tout à fait dans son élément, maniant le verbe avec facilité. 

Il parut soudain sentir les yeux de Sanhild posés sur lui et ils échangèrent un bref regard. Il n'eut que le temps de lui sourire chaleureusement avant qu'elle ne se détourne, gênée. Être l'objet d'un tel intérêt était quelque peu perturbant.

OfficieuseWhere stories live. Discover now