Chapitre 37 : Dans la place

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Sanhild retourna d'un pas vif dans la maison éventrée. Un rapide coup d'œil à la ronde, tandis qu'elle réfléchissait à tirer le meilleur de cette pauvre demeure. Elle entreprit de se servir dans le pétrin encore intact. Par chance, une grosse miche de pain, désormais sèche, s'y trouvait toujours. La jeune femme n'avait rien mangé depuis la veille au soir et avait besoin de prendre des forces. Elle boirait au ruisseau. Elle se découpa une tranche épaisse qui tombait en miettes et en tendit une à Aodan qui cessa de bouder pour apaiser sa faim.

Tout en mangeant, Sanhild passa en revue ce qui pourrait lui servir. Le long couteau de cuisine ? Elle préféra le laisser à Aodan en cas de nécessité, bien qu'elle doute que le jeune homme sache en faire bon usage. Elle hésita aussi devant la chaîne et le crochet à la crémaillère de la cheminée, mais abandonna l'idée : elle n'aurait pas le temps de se fabriquer un grappin efficace et encore moins d'en jouer pour pénétrer dans Tremoria par l'extérieur. En repassant par les souterrains, elle prenait un risque moindre. En revanche, elle se saisit de deux bougies et d'un briquet qu'elle accrocha à sa ceinture avec une cordelette volée à un sac de farine éventré.

Puis elle avisa l'échelle et disparut à l'étage. Il lui fallait enlever ses bottines. Elle grimaça quand elle vit l'état de ses pieds ensanglantés par la marche forcée. Le gel n'avait rien arrangé. Elle fouilla dans une malle, trouva des linges propres pour bander ses plaies et s'équipa de chausses rapiécées, mais épaisses, qui empêcheraient ses souliers de la meurtrir à nouveau. Elle pourrait améliorer ses soins quand elle aurait plus de temps et si elle récupérait son matériel. Elle ne s'attarda pas davantage sur ses blessures : elle avait connu bien pire.

Quand elle revint auprès du jeune noble, elle avait couvert sa tête et son visage d'un tissu de lin léger, lui permettant un parfait anonymat en ne laissant voir que ses yeux. Elle avait aussi passé un manteau usé, mais encore chaud.

Aodan fronça les sourcils, hésitant, en avisant son accoutrement :

- Tout cela ne nous appartient pas. Ces gens ne sont déjà pas riches...

- Eh bien, vous n'aurez qu'à les dédommager, lui lança Sanhild sans une once de regret.

La jeune femme ne s'était même pas posé la question. Ce n'était pas du vol mais une réquisition nécessaire. Jamais elle n'avait eu ce genre de scrupules dans ses missions précédentes et ne voyait pas de raison d'en avoir : les ordres de la reine prévalaient sur le reste et une Officieuse avait carte blanche pour atteindre ses objectifs, quels qu'ils soient.

- Soyez prudent, lança-t-elle à Aodan en tâchant de garder une voix neutre, malgré son inquiétude à l'idée de l'abandonner.

Il hocha la tête, mais elle devinait à son expression fermée qu'il ne restait pas en arrière de gaité de cœur. Sans plus perdre de temps, Sanhild se tourna vers la forêt.

A présent, elle n'avait plus qu'une idée en tête, mener à bien sa mission.

Sanhild observa la lisière avant de s'y engager. Les taillis demeuraient sans vie. Elle avança avec prudence. Les sapins givrés la cernèrent rapidement, tandis que le village disparaissait de sa vue. La neige craquait toujours sous ses pas, luisant dans le soleil du matin. Pas l'ombre d'un wrag. La jeune femme se remit à respirer librement.

La vitesse serait son alliée. Plus Sanhild quitterait tôt les bois, plus elle limiterait le risque de croiser les monstres tant redoutés. Elle privilégia donc la course dès que la végétation et la neige le lui permirent, mais marcha par intermittence afin de se repérer et de ne pas épuiser ses forces. Toujours aucun signe des wrags. Mais, pour combien de temps ? S'ils la traquaient à nouveau, autant dire qu'elle était morte.

OfficieuseWhere stories live. Discover now