Chapitre 32 : Souterrains

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Sanhild hésita à passer sa tenue d'Officieuse. Plus pratique pour se mouvoir et accéder à ses armes, cette dernière se révèlerait utile si la jeune femme était contrainte de se battre. Mais il aurait alors fallu donner son identité à Aodan et, potentiellement, le supprimer pour cela peu de temps plus tard. Il ne paraissait toujours pas comprendre qui elle était vraiment. Toujours stupéfait de la duplicité de son frère, il n'avait pour le moment posé aucune question. 

Sanhild préféra le faire jurer à nouveau de ne plus l'appeler autrement que Sannarhia et espéra qu'il se contenterait de ce qu'il savait. Un problème à la fois. Pour l'instant, elle se sentait soulagée de pouvoir l'épargner et la présence du jeune noble se révélait utile.

A présent, elle attendait dans le couloir, ses doigts tapotant le pommeau de son poignard caché dans sa robe. Un mauvais pressentiment. La porte ouverte des appartements de Cierhan restait béante. Aodan avait fait irruption, prêt à s'expliquer, mais il ressortit aussitôt, inquiet :

- Mon frère n'est pas présent...

Sanhild pénétra à son tour dans la pièce. Devaient-ils attendre ici que...

- Il est là ! Attrapez-le ! rugit une voix au fond du couloir.

Cierhan. Sanhild n'eut que le temps de saisir Aodan par le bras, pour le tirer brusquement dans les appartements de son frère. Elle referma la porte de bois dans un lourd claquement. Le bruit caractéristique d'une cavalcade d'hommes en armes leur parvint, Cierhan n'était donc pas seul. Se pouvait-il que ce traître ait justement choisi ce jour pour prendre le pouvoir à la forteresse ? Sans doute avait-il été contraint d'agir, suite au repas familial agité de l'avant-veille. 

- La clef ! demanda la jeune femme avec empressement. Aodan ! Avez-vous la clef ?

Il secoua la tête et regarda autour d'eux d'un œil affolé. Sanhild passa la pièce en revue : un lit à baldaquin, un secrétaire ouvert couvert de documents... Leurs regards tombèrent en même temps sur un coffre cerclé de fer. Ce dernier fut poussé derrière la porte. Juste à temps, car des coups brutaux retentirent.

La voix de Cierhan leur parut étouffée :

- Aodan, ne sois pas lâche, pour une fois, et sors de là ! Ta vie sera épargnée si tu te montres arrangeant !

- Il ment, commenta Sanhild avec calme en cherchant une issue.

L'inconvénient des demeures troglodytes résidait en leur manque de fenêtres. La seule sortie était cette porte et une petite cheminée, trop étroite pour permettre de s'y loger. Cependant, avec un peu de chance, Cierhan n'avait pas remarqué la présence de Sanhild. Ce serait un avantage lorsque l'huis s'ouvrirait, conclusion inévitable.

Hébété, Aodan fixait la porte.

- Cierhan ! cria-t-il finalement d'une voix ou la colère se mêlait à la panique. Que fais-tu, par les Six ?

Les coups cessèrent.

- Je prends ce qui me revient de droit, cracha la voix de l'interpellé de l'autre côté du battant. Il est temps de faire montre d'un peu plus d'ambition ! Je refuse de passer ma vie à geler dans ce trou perdu !

- Tremoria est notre héritage commun, s'exclama Aodan avec une fureur qu'il peinait de plus en plus à contrôler. Tu ne peux t'en détourner de la sorte !

Les poings serrés, il paraissait sur le point de repousser le coffre pour aller dire sa façon de penser à son frère, face à face. Sanhild le dissuada d'un geste impérieux.

- Il est armé et bien accompagné, Aodan. Vous ne le raisonnerez pas avec des mots. Ne soyez donc pas stupide !

Les coups reprirent. Ce genre de porte était solide, mais avec du temps, le battant céderait, c'était inéluctable. Le visage du jeune homme se décomposa.

OfficieuseWhere stories live. Discover now