Chapitre 13 : Deux flèches

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Les chevaux hennirent de terreur. Leur instinct était bien plus réactif face aux wrags que celui des humains trop confiants. Sanhild maîtrisa sa monture à grand peine pour ne pas se retrouver projetée au sol comme c'était le cas de la moitié de l'équipée. Devant, restaient Bregan et Cierhan qui maintenaient leurs chevaux de force. Les deux frères pestaient. Comme aucun wrag ne se montrait encore, ils n'avaient sans doute pas compris l'urgence de la situation.

- Il faut renter ! Immédiatement ! assura l'Officieuse d'une voix blanche.

Aodan acquiesça en silence. Il ne prit qu'un instant pour donner des ordres brefs pour que les veneurs et les nobles désormais sans cheval montent en croupe derrière les meilleurs cavaliers. Puis il descendit lui-même aider l'un de ses amis qui semblait proche de la panique. Ses frères n'avaient pas daigné reculer et scrutaient le chemin sinueux qui disparaissait entre les arbres aux branches nues.

Toujours immobile, là où elle avait sommé Aodan de réagir, Sanhild tentait de juguler la peur qui montait en elle.

Elle le sentait qui approchait. Tout son être le lui criait. Il les flairait. Il les observait. Il se délectait de leur insignifiance.

La raison aurait voulu que la jeune femme talonne sa monture sans plus se préoccuper des autres. Mais son entrainement lui permettait encore de se maîtriser et elle voyait Bregan et Cierhan, inconscients du danger, qui hésitaient toujours à reculer quand les veneurs et les chiens avaient depuis longtemps disparu. Les nobles étaient arrogants. Certains devaient même avoir l'audace de penser qu'ils feraient le poids. 

Les imbéciles.

Aodan allait leur intimer de se dépêcher lorsqu'un grognement sourd résonna. 

Tous ceux encore présents s'immobilisèrent.

Un silence de mort pesait sur la forêt, seulement troublé par les piétinements nerveux des chevaux affolés.

Un silence que soudain, même les montures n'osèrent plus briser.

La scène parut se figer.

Il apparut.

Une démarche souple portée par des muscles puissants. Un poil épais, hérissé par l'agressivité encore refoulée. Un monstre aux allures de loup géant qui dépassait les cavaliers montés d'une bonne tête et devait peser quelques centaines de kilos.

Tétanisée sur sa monture, Sanhild se rassura pourtant un peu : ce n'était qu'un jeune. L'entrainement de la jeune femme reprenait doucement le dessus.

Elle n'avait que quelques secondes pour agir, avant que des deux cavaliers les plus proches ne réagissent sous le coup de la panique et ne déclenchent l'attaque.

Le wrag grogna. Tous les chevaux paniquèrent, projetant cette fois l'intégralité des cavaliers à terre. Prête à cette évidence, Sanhild se laissa rouler avec souplesse. Deux flèches dans la main, elle encocha la première.

Dans l'œil. La seconde. De même. La bête hurla. Le seul réflexe du wrag fut de charger en aveugle.

Par chance, l'entrainement à la chasse de Bregan et Cierhan avait porté ses fruits en ce qui concernait le fait de jauger une telle situation : ils eurent assez de jugeote pour fuir au lieu de chercher à attaquer dans un combat perdu d'avance.

- Fuyez ! hurla Sanhild avant de détaler à son tour.

Elle avait tenté tout ce qu'il était possible de faire dans cette situation. La surprise combinée à la peur empêchait ses compagnons d'achever l'animal. Elle-même ne disposait pas des armes et du soutien nécessaires. On n'arrêtait pas un wrag comme on aurait abattu un ours ou un simple rund.

OfficieuseWhere stories live. Discover now