Chapitre 14 : Excuses

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- Ma dame, je suis bien aise de vous revoir ! s'exclama Cierhan dès qu'elle se présenta à nouveau au salon.

Sanhild sourit, mais il fronça les sourcils, trouvant sans doute un changement dans l'attitude de la jeune femme. Peut-être avait-elle plus de mal à jouer la comédie en ayant découvert la duplicité du noble, ou bien ses mésaventures lui avaient-elles ôté toute envie de se laisser courtiser. Malgré sa bonne volonté, l'Officieuse eut du mal à engager la conversation et ce fut finalement le jeune homme qui décida de briser la glace.

Ils se trouvaient assis en tête à tête alors que les deux seuls autres invités présents avaient fait le choix de se livrer à un jeu de société qui les absorbait entièrement. Sanhild et Cierhan pouvaient donc converser sans être écoutés et ce dernier se pencha vers elle d'un air navré :

- Je ne peux que m'apercevoir que vous paraissez attristée... et je crains en être la cause malgré moi.

Surprise, Sanhild se fit la remarque qu'il était tout de même quelque peu égocentrique pour penser être la seule raison à son trouble alors qu'elle venait de manquer d'être tuée. Lui-même s'en était sorti de justesse, mais ne paraissait garder aucune séquelle de sa rencontre avec le wrag.

- Je suppose que le bruit de mes fiançailles a couru, poursuivit-il en scrutant son visage comme s'il cherchait à y lire une réponse.

Sanhild eut le bon gout de rougir légèrement, mais préféra le laisser s'expliquer, ce qu'il ne tarda pas à faire.

- Je pense m'être montré quelque peu... inconvenant, en agissant de la sorte avec vous. Cependant...

Il jeta un regard au couple qui continuait à jouer et poursuivit à voix basse :

- Cependant, j'ai bon espoir de faire annuler ce mariage qui ne me convient guère. Mon père a quelques ambitions et je ne peux qu'abdiquer devant ses désirs. Toutefois...

Il soupira et lui jeta un regard désolé :

- Sans doute n'est-ce que faiblesse de ma part, mais je caresse l'espérance de, peut-être, trouver une personne dont le caractère me siérait mieux et qui plairait à mon père. Non pas que j'aie à me plaindre de la demoiselle qui m'est destinée, mais... vous conviendrez que se sentir maître de son sort est toujours préférable à l'obéissance aveugle.

Cette dernière phrase, Sanhild ne pouvait la contester, quoiqu'à y réfléchir, son ordre lui imposait exactement les mêmes sacrifices. Mais, au moins, ne se trouvait-elle pas liée avec un parfait inconnu. Le mariage, tel qu'il se pratiquait dans la noblesse, lui paraissait bien contraignant. Difficile de ne pas comprendre Cierhan lorsqu'il disait vouloir y échapper ou, du moins, adoucir ses perspectives d'avenir.

Ainsi, il lui avouait à demi-mot qu'il avait envisagé de la prendre pour épouse. Si seulement il savait ! Ne restait qu'à faire un choix : l'arrêter, ou l'encourager dans cette voie, juste ce qu'il fallait pour découvrir quelques informations. Sanhild se souvenait d'ailleurs qu'elle devait éclaircir la discordance entre les discours de Cierhan et Aodan concernant le repérage avant la chasse.

Le choix fut vite fait : continuer à le manipuler. À la vérité, Sanhild n'éprouvait que peu de scrupules. Cierhan se mettait tout seul dans cette situation, elle ne le forçait à rien.

Elle acquiesça donc avec affabilité :

- Votre discours me parait plein de sagesse, messire, et je ne puis vous blâmer. Votre franchise vous honore.

Les compliments semblèrent suffire à convaincre le jeune homme qu'elle était séduite. Sanhild avait pu y mettre un peu de sincérité : au moins avait-il fait l'effort d'être transparent avec elle. Il était temps de reprendre la main dans cette discussion et la jeune femme poursuivit avec autant de naturel que possible.

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