Chapitre 2 : Mission

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Sanhild et Landarn hochèrent la tête de concert en entendant la proposition de Derehilda.

De fait, les Officieuses pouvaient, en théorie, choisir leurs missions. En pratique, il était malvenu de refuser ce qui s'apparentait à un ordre, à moins d'avoir une excellente raison. Une sœur se devait d'être entièrement dévouée à sa tâche et capable d'obéir aux moindres désirs de la reine. 

Elevées depuis leur enfance par les Officieuses, il était rare que les fillettes se rebellent. Lorsque c'était le cas, elles quittaient rapidement le Jardin. Ainsi, ne restait que les plus dociles, les plus convaincues de l'utilité de leur rôle. Cet état d'esprit était indispensable pour garantir à toutes une bonne cohésion et ainsi leur permettre de survivre.

Il n'était pas question de transformer les novices en petites gourdes obéissantes, aveugles au monde qui les entourait. Bien au contraire, elles se devaient d'avoir un regard aiguisé en politique et devenaient parfois même conseillères auprès de la souveraine. Pour cela, il était indispensable qu'elles comprennent l'absolue nécessité de servir la reine. Sans elles, le royaume était en péril. Sans elles, des centaines de sujets auraient vu leur vie s'éteindre sous la neige. Aussi, Sanhild, comme les autres Officieuses, était prête à tout pour se montrer à la hauteur de sa tâche.

La mère supérieure poursuivait déjà ses explications, certaine qu'elles seraient acceptées :

- Il me faut deux jeunes femmes de votre âge, une vingtaine d'années, pour incarner la noble Sannarhia et sa suivante, Tannar. 

- Sannarhia est celle qui nous sert de couverture dans les territoires de l'Ouest, si je ne me trompe ? demanda Sanhild.

Même avec Derehilda, les sœurs parlaient assez librement. La relation de hiérarchie se substituait facilement à celle entre membres d'une même famille.

- Parfaitement. C'est un rôle d'infiltration. Sannarhia est une jeune noble timide, qui aime les arts et la mode. Inoffensive. Sa suivante jouira d'une plus grande liberté de mouvements si elle sait se montrer discrète. Mais Sannarhia devrait pouvoir approcher les personnes les plus influentes.

Les deux sœurs hochèrent la tête. Etant donné son dernier rôle, Sanhild supposait obtenir celui de Tannar. Landarn, quant à elle, serait d'ailleurs sans doute ravie de se parer de précieuses robes et de minauder au milieu des nobles.

- Je sais ce que vous pensez, coupa la supérieure en souriant. Cependant, vous vous trompez. Sanhild, tu seras Sannarhia. C'est un rôle qui exige de parler... beaucoup. Il te reste un peu de cet accent des montagnes et je compte sur toi pour le faire ressortir.

L'interpellée ne sut que répondre. Elle ? En noble ? Bien-sûr, elle n'oubliait pas que, enfant, elle avait été de ce monde, mais il s'agissait de petite noblesse, où le seigneur son père travaillait aussi durement que le peuple qui l'entourait. Sa famille n'avait jamais bénéficié d'aucun privilège et se salissait les mains comme les autres. Elle avait appris à agir par elle-même et à être fière de ce qu'elle valait et non pas dépendante de ses origines. Lorsque l'hiver venait, elle consolidait les barricades autour du village avec les siens et elle s'entraînait à l'arc comme tout un chacun. 

Sanhild se força à rester impassible à l'évocation de ces souvenirs. Elle s'était promis de tirer une croix sur son passé. Pourtant, une petite voix lui murmura qu'elle n'y était peut-être pas encore parvenue. Pour autant, personne n'avait à connaitre cette faiblesse. Les Officieuses étaient sa nouvelle famille et elle les respectait pour la seconde chance qu'elles lui avaient offerte.

Inconsciente de ces questionnements, Landarn eut une moue déçue :

- Je serai femme de chambre, alors ?

OfficieuseOù les histoires vivent. Découvrez maintenant