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Dimanche 02 décembre.

Émilie

Je me réveille avec une impression de lendemain de chouille: nauséeuse, la tête dans un étau, les yeux collés et douloureux. Je roule lentement sur le dos dans un râle et reste immobile pendant une seconde qui doit bien durer cinq minutes.

Une vibration sur ma table de nuit m'indique ce qui m'a tirée du sommeil et je grogne tout bas avant de m'asseoir au bord du lit. J'attrape mon portable en me frottant les yeux. Bon sang, Leila s'est lâché ! 

Hier, à 23 h 45. Leila 
alors, cette soirée montage de sapin (ouais, t'aurais préféré monter Thor)? 

00 h 10. Leila
vous êtes en train de vous envoyer en l'air sur le sapin, que tu me réponds pas? bon... à demain, ma caille ! 

10 h 25. Leila
Salut ma poule, je vais bruncher avec Mateo, on se cause bientôt? 

10 h 56. Leila
Machin a bouffé ton tel? tape aubergine pour 'bonne soirée', concombre pour 'fun avec Mr Toy' et rien si t'es morte 

10 h 59. Leila
t'es morte !?

Je glousse malgré moi, texte rapidement un message pour excuser et expliquer mon silence ("non, Machin a rien bouffé, pas d'aubergine ni de concombre, juste un tel déchargé et une gueule de bois"). La réaction de Leila est immédiate et pleine de sa délicatesse habituelle ("va vomir et retourne picoler"). Machin commence à gratter comme un psychocat à la porte alors que je finis tout juste de lire son texte.

— J'arrive, crétin de chat !

Je fourrage dans mes cheveux, soupire, lance un dernier "je vais cuver, à demain" à Leila puis me lève et vais ouvrir brutalement la porte.

Machin se fige, une patte griffue levée, et me rend mon regard. Yeux furieux de mon côté, pupilles innocentes du sien. Je souffle d'exaspération, prête à râler, mais me fige en voyant l'objet qui glisse de la clenche pour tomber par terre près de lui.

Mon cœur se serre. Je me penche pour ramasser le renne de plastique aux yeux Swarovski et chasse mécaniquement la patte de Machin qui essaie de jouer avec le ruban d'accroche.

En une fraction de seconde, tous les souvenirs de la veille me reviennent en mémoire. Je m'appuie de l'épaule au mur, incapable de lâcher des yeux cette fichue décoration qui cristallise soudain tout ce qui ne va plus dans ma vie, dans notre vie à Corentin et moi. Le gouffre entre ce que nous devrions être, ce que nous avons été, et ce que nous ne serons jamais.

Trouver ce renne sur la porte, pourtant, me réchauffe le cœur. Co l'a mis là pendant que je dormais. Je comprends qu'il ne m'ait pas rejoint au lit, et c'est aussi bien. Surtout après la soirée d'hier et la mention du divorce. Surtout alors qu'il devait être tard, et qu'il embauchait tôt à la boulangerie ce matin.

Mais ce renne sur la porte, c'est autant la preuve qu'il a fini par rentrer sans que je l'entende (ce qui est un soulagement, j'étais vraiment inquiète), qu'une main qu'il me tend (et là aussi, je suis soulagée).

Machin se frotte à ma jambe nue avec une tendresse ronronnante. Je me penche pour caresser le fauve entre les oreilles ; il s'esquive comme de bien entendu, avant de trottiner en roucoulant, queue fièrement relevée, dans le couloir.

Au temps pour mon impression d'avoir enfin mérité son affection féline... La gamelle de croquettes doit être vide.

Je me relève, vais nourrir la bête que nous hébergeons en dépit du bon sens puis me fais couler un café. Un vrai, en dosette. Je n'ai jamais réussi à me faire à celui que Corentin se prépare avec son bidule à piston. Sans doute parce que j'y trouve autant à boire qu'à manger.

Des paillettes pour Noël (BxB) (BxG)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant