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Corentin

Si quelqu'un a un jour prétendu qu'avoir de la répartie était une bonne chose, alors cette personne se trompe. 

Parce que là, j'ai plutôt l'impression que ma réponse un brin précipitée vient de déclencher une  guerre froide. 

En face de moi, ma mère se lève, les lèvres pincées de désapprobation et le regard chargé de reproches avant de déguerpir pour rejoindre les futurs parents et mes grands-mères. Ils sont dans leur bulle. Ils ne semblent pas m'avoir entendu. Tant mieux.

— Tu peux répéter, s'il te plaît ? gronde mon père.

Je déglutis, cherche du réconfort auprès d'Émilie. Hélas, je crois bien l'avoir choqué autant que mon paternel. Elle me dévisage, les yeux écarquillés, une moue horrifiée aux lèvres.

Je grimace à mon tour, cherche une aide des yeux, n'importe laquelle. Même celle de Lucette me conviendrait, et pourtant, elle me fait flipper depuis toujours avec son amour bizarre pour son manoir encore plus bizarre !

Je me fige et frémis en découvrant Albin, un verre de jus de pomme à la main, en train de me détailler d'un air concerné. Je hoquette de surprise quand il lève le pouce en l'air, signe indéniable qu'il me soutient dans l'épreuve « affronter le Pater ». 

Pas l'aide que j'attendais, mais tout soutien est bon à prendre !

— Corentin, je t'ai posé une question !

Le regard de mon père pèse sur moi, sévère et consterné. Albin ouvre la bouche en se redressant sur sa chaise, mais se perd finalement dans l'ambre de son jus de fruits.

On dirait qu'il est aussi bizarre que moi ce soir...

— J'ai...

J'ai... j'ai quoi ? Perdu tout mon sens de la répartie ? Un peu trop tard, cela dit. S'il avait pu fuir il y a deux minutes...

— Corentin n'est pas prêt, me défend soudain Émilie. 

Elle me rejoint d'un pas d'impératrice qui fait scintiller sa robe à paillettes.

— Et ce n'est pas notre sujet favori, achève-t-elle.

C'est même un non-sujet ; nous n'avons jamais évoqué la possibilité d'avoir des enfants. L'idée ne m'a même jamais effleuré l'esprit. Oui, j'ai eu peur qu'elle tombe enceinte les rares fois où nous avons couché ensemble, mais... au fond, j'ai toujours eu la certitude qu'elle avorterait le cas échéant. 

Sauf qu'on a jamais parlé avortement non plus. Je connais même pas son avis là-dessus. On est pas un couple, c'est sûr, mais quand même, on aurait déjà dû en parler ! Ça se trouve... c'est un sujet dont elle discute avec Leila...

Une bouffée de jalousie brûle mes veines, s'ajoute au malaise qui s'est emparé de moi quand ma sœur a fait son annonce.

— Du coup, on peut dire que le sujet est clos, tenté-je d'un ton  vacillant.

Au lieu de m'accorder cette faveur, mon père renifle, se sert un verre de vin et, m'ignorant ostensiblement, lève les yeux vers ma meilleure amie. L'attention de mon frère, en revanche, pèse toujours sur nous. Comme si la conversation l'intéressait particulièrement. Pourquoi ? Je l'ignore ; nous n'avons jamais été proches tous les deux.  

— Et toi, Émilie, tu es d'accord avec ton mari ? Non, parce qu'un couple marié doit avoir des enfants ! C'est le rôle d'un homme de transmettre son nom !

Agacé, je me ressers un verre et rapproche de moi l'assiette de mini-feuilletés à la saucisse.

— J'ai pris le nom d'Em, même si on faisait un chiard je transmettrais pas le nom.

Des paillettes pour Noël (BxB) (BxG)Where stories live. Discover now