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Vendredi 30 Novembre

Corentin

Un claquement de porte m'éveille en sursaut. Je me redresse, dans les vapes, attrape mon téléphone qui traîne sur la table de chevet. 8 h 30. Émilie vient de partir au boulot.

Du pied, je repousse la couette, puis m'étire et m'assois au bord du lit en grognant. Si seulement ma femme ne s'était pas montrée si puérile hier, je n'aurais pas à me lever si tôt un matin de congé. Je n'aurais pas à me doucher en quatrième vitesse pour retourner affronter la cohue du centre commercial. Je n'aurais pas à espérer que personne n'ait acheté les adorables boules en verre rouge, les pères Noël en feutrine et la fausse neige qui manquaient à l'appel lors de mon passage en caisse.

Seulement voilà, Émilie est Émilie. Ou plutôt... Émilie n'est plus Émilie. L'Émilie d'avant n'aurait jamais fait ça.

Parce que je n'imagine pas ma meilleure amie d'autrefois s'amuser à reposer toutes mes décorations pour en prendre d'autres dans l'unique but de se venger de mon retard. Un retard dont elle est responsable, au passage.

Quand nous avons emménagé ensemble, nous avons convenu d'une chose : je supporte sa décoration « gloss & Chic » au quotidien et sans râler, mais en contrepartie je choisis celle du sapin, en lui laissant quelques accessoires à son goût pour orner le meuble télé et la bibliothèque.

Je sais bien que nous n'avons pas des goûts similaires, qu'elle déteste même carrément les miens, mais mince, je ne suis pas le Père Fouettard !

La preuve, malgré son comportement, j'ai gardé l'immonde petit renne (qui croit devoir mettre toutes les couleurs possibles dans son tartan) au lieu de le remettre en rayon comme la raison le recommandait. Avant de sortir, je l'ai glissé dans ma poche dans l'intention de lui offrir au moment le plus propice.

J'ai bien vu qu'il faisait pétiller ses yeux de bonheur. Impossible pour un amoureux de Noël tel que moi d'ignorer ça.

Parce qu'en cette période de l'année, tout le monde devrait pétiller de bonheur !

Je soupire. Émilie et moi, nous ne pétillons plus depuis longtemps. Ni à Noël ni à aucun autre moment. Le manque de passion et de paillettes entre nous ne me dérange pas, il est dans la lignée de nos vingt années d'amitié. Mais la fusion de nos âmes et la complicité qui nous font désormais cruellement défaut me broient le cœur.

Et cette guerre froide constante entre nous semble connaître un apogée ces derniers temps. Comme hier soir.

Je grogne, traîne les pieds vers la douche. Si Émilie m'avait accordé un tant soit peu d'attention, nous n'en serions pas là ; elle aurait su que la majorité des choses qu'elle a reposé n'étaient pas pour notre décoration personnelle. Non, ces « colifichets », comme elle les appelle, étaient destinés à la vitrine de la boulangerie.

Depuis que je travaille chez Jacques et Denise, cette tâche m'est dévolue, pour mon plus grand bonheur. C'est moi qui, alors que je n'étais qu'apprenti, les ai suppliés de me laisser décorer la partie boutique. Depuis des années, seules une crèche miniature et des décorations de vitres égayaient les lieux en décembre, alors les patrons étaient plus qu'heureux de mon initiative !

Certes, ça me demande quelques heures de bénévolat en dehors de mon temps de travail, mais peu m'importe !

Mon but est de répandre la magie de Noël, pas de faire des heures supplémentaires payées !

Après une douche rapide, je passe un pantalon, puis enfile mon hoodie de Noël préféré : le bleu clair orné d'un flocon blanc (celui-là ne doit sa grâce aux yeux de ma femme que pour sa « couleur Écosse ») et dont les manches se terminent par des mitaines sans doigt que je complète de ma paire grise en coton.

Des paillettes pour Noël (BxB) (BxG)Where stories live. Discover now