° 34 °

55 12 2
                                    

Corentin

Cachée dans la poche de mon jean, la flasque de whisky se fait plus désirable de minute en minute. Le vin blanc aromatisé au cassis ne suffit plus à couvrir le brouhaha. Même les mojitos (préparé par Émilie, j'ai reconnu sa touche dans la manière anarchique de mettre le sucre sur le rebord du verre) ne suffisent plus à noyer mon ennui.

Je déteste ce genre de soirée.

Malgré l'apparente convivialité, il y a toujours deux groupes bien distincts. Les invités de seconde zone (dont je fais partie ce soir), ceux à qui on accorde l'honneur d'assister à la fête, et le « carré VIP », composé du couple star (ici, Matéo et Leila) et des meilleurs amis. Que cette casse-pied de collègue ait intégré mon Émilie au carré VIP réveille en moi un sentiment que j'ai peu expérimenté jusqu'à présent : la jalousie.

Si ça ne tenait qu'à moi, je resterais dans mon coin à siroter des mojitos (ou un whisky) jusqu'à l'heure de la délivrance : celle où je pourrais partir sans heurter nos hôtes.

Même si les coups d'œil appuyés que me jette régulièrement Leila me font penser qu'elle ne désire qu'une chose : que je décampe. Agrippée au bras d'Émilie, Madame casse-pied ne m'a pas laissé lui parler une seconde en privé.

Depuis mon arrivée, je dois composer avec Nicolas, le meilleur ami de Matéo (un mec lourdingue, bien que sympathique quand on gratte sa surface de superficialité avec de la limaille de fer), et avec Mariam, l'amie d'enfance de KaspiéGirl dont la curiosité m'épuise.

Un verre à la main, j'ai fini par ne l'écouter que d'une oreille distraite en promenant un œil tout aussi distrait sur les décorations un peu aléatoires de Noël ; un méfait d'Émilie à n'en point douter !

Puis Leila nous a invités à déguster les invendus que j'ai apportés. Elle nous a tous chassés vers le salon, et les choses se sont gâtées. Je me suis malencontreusement retrouvé coincé entre Jérémy et Nicolas, lequel a arbitrairement décidé qu'avec Matéo, nous allions former un « quatuor VIP sans meuf ».

Ça fait plus d'une demi-heure qu'il m'empêche de m'échapper. Qu'il me rattrape par le bras quand je me lève (bon sang que je déteste ça !) pour me ramener parmi les mâles sous prétexte que je ne vais tout de même pas perdre mon temps à jacasser avec les femmes.

C'est pénible. Et épuisant. Et déplaisant.

J'ignore si Nicolas est réellement misogyne ou s'il se donne juste un genre, et je dois avouer que je m'en contrefiche. J'aimerais juste qu'il me laisse tranquille pour les vingt-cinq dernières minutes qu'il me reste à tirer.

Une heure, c'est la limite que je me suis fixée. Une heure, l'équilibre parfaite entre la politesse et mon temps de trajet. Si je reste moins, je passe plus de temps à marcher qu'à la soirée. Si je reste plus, je vais m'épuiser pour rien alors que je travaille tôt demain.

Une heure... une éternité quand on côtoie un individu comme Nicolas.

Je le subis encore une dizaine minutes avant qu'il n'ait la bonne idée d'aller soulager sa vessie. J'en profite pour m'éclipser sur le balcon ; si je dois le supporter encore un quart d'heure, il faut que je fasse le plein d'énergie. Et quoi de mieux que d'admirer un paysage hivernal ?

L'air vif me prend à la gorge et me gèle le nez, mais je n'en ai cure. Le silence du quartier, les guirlandes clignotantes aux fenêtres des immeubles environnants ou sur les arbres, l'étrange teinte que prend la neige dans la pénombre, les quelques flocons paresseux... tout appelle à l'apaisement.

De ma poche, j'extirpe la bouteille de Whisky et l'observe à la lueur de la lampe tempête. Du Lachlan Highland single malt.

Je n'ai pas la moindre idée de ce que ça signifie, mais si j'en crois le travail de l'étiquette et la forme un peu biscornue du goulot, ce n'est pas du premier prix de chez Toutadrink.

Des paillettes pour Noël (BxB) (BxG)Donde viven las historias. Descúbrelo ahora