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Émilie

— Je crois que je paie mon beurre de cacahuète d'hier soir.

— Pourquoi, tu as des gaz ?

Je lance un regard torve à Leila qui éclate de rire avant de piquer une de mes tomates cerises pour la croquer.

— Non, ma jupe me serre, maugréé-je en tripotant ma salade avec ma fourchette.

— Ta faute aussi, rétorque-t-elle sans la moindre pitié avant d'entamer son entrecôte. Quelle idée de porter ces fringues ? Moi, j'ai pas de problème, je me sape peut-être moins classe, mais je suis à l'aise.

J'englobe d'un regard faussement critique le pantalon fluide et le joli pull assorti qu'elle porte aujourd'hui et qui mettent admirablement en valeur sa silhouette pulpeuse, avant de soupirer en baissant les yeux sur ma propre tenue : tailleur jupe inspiré de Vuitton, très près du corps. Trop près du corps.

Nous sommes vendredi et comme tous les vendredis, Leila et moi allons passer notre après-midi de congé ensemble, notamment déjeuner dans un « vrai restaurant ». Enfin, si on peut dire que la brasserie de Paulo est un « vrai restaurant ». Mais un menu presque complet (même un menu salade... vu que les salades de Paulo font la taille d'une tartiflette) est plus que ce que je mange habituellement à midi. Et comme tous les vendredis, je me sens saucissonnée dans ma jupe.

— Si c'était pas une imitation, la jupe serait mieux coupée et me serrerait moins, marmonné-je avec mauvaise foi.

— T'as pas les moyens d'une vraie, me rappelle Leila. Du coup, rappelle-moi pourquoi tu t'entêtes à te fringuer comme une PDG du CAC40 ? Ou pire : comme une Clara ?

Je grimace à la comparaison pourtant justifiée et surtout trop proche de la vérité.

— T'as pas les moyens de Clara, insiste-t-elle.

— Je sais.

— Franchement, je ne comprends pas pourquoi tu essaies de lui ressembler alors que cette pétasse te déteste et te pourrit la vie à la banque depuis des mois !

Je sais. Mais mes relations avec Clara sont... compliquées.

— Je n'essaie pas de lui ressembler, bougonné-je.

Je veux juste être mieux qu'elle. Au moins une fois dans ma vie. Être meilleure par moi-même, et pas juste gagner des points contre elle grâce à Corentin.

— Dans ce cas, c'est raté, petit clone.

Je fusille Leila du regard. Elle se borne à hausser des sourcils ironiques, insensible à ma moue vexée.

— Écoute, je sais que c'est tendu entre vous deux, reprend-elle d'un air plus sérieux. Que vous avez un bon gros passif, mais franchement... On en a parlé une centaine de fois : tu devrais enfin passer au-dessus et ignorer cette garce.

Oui. Je devrais.

— T'en es à te fringuer comme une pétasse de Wall Street au rabais juste pour faire sérieux, à manger des salades à tous les repas et à arrêter le lactose pour mincir... tout ça à cause d'elle et de ses remarques. Franchement, c'est ridicule. Et je ne parle même pas du déca dégueu que tu te forces à boire après 16 h la plupart du temps !

Je sais. Leila a beau avoir la cadence verbale d'une mitraillette, des métaphores farfelues et la délicatesse d'un trente-huit tonnes, elle est toujours de bon conseil et très lucide. Ce n'est pas par hasard ni pour rien que nous sommes devenues si vite amies quand elle a été embauchée à la banque.

— D'ailleurs, en parlant de café dégueu... pourquoi il a fallu que j'attende d'en partager un avec le beau Jérémy et toi en salle pause pour apprendre que tu l'avais croisé au magasin hier ? Et c'est quoi cette histoire de coussin qui vous a fait glousser comme deux loutres ?

Des paillettes pour Noël (BxB) (BxG)Where stories live. Discover now