27. Visions (2/2)

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Lilia et Rocco quittent le local technique. Le tueur a broyé ce qu'il restait du téléphone et le jeune italien ne peut vraiment rien y faire. 

– Dis, Rocco, j'ai pensé à un truc, dit Lilia, beaucoup plus disposée à la discussion maintenant que sa crise de panique est terminée.

– Quoi ?

– Les caméras couvrent bien tout le jardin, non ?

– Oui, je viens même de voir Ziad et Maureen repartir de la pinède, explique-t-il.

– Le tueur est retourné dans la maison, donc, chuchote-t-elle, réalisant qu'il doit surveiller ce qu'ils disent.

– Ça m'en a tout l'air.

– Et si nous l'enfermions ?

– Et, ensuite ?

– Je sais pas, on le crame...

– Mais... attends, mais oui, on est con ! On pourrait attirer les secours vers nous, si nous déclenchons un incendie ! Putain, pourquoi nous n'y avons pas pensé plus tôt ! T'es un génie, Lilia !

Rocco l'emmène vers le bois.

– Tu sais faire un feu de camp ?

– Non, cherche une grosse branche qu'on pourrait utiliser pour bloquer les portes d'entrée.

– Moins fort, il va nous entendre, prévient-elle en s'activant.

– Qu'est-ce qu'on va foutre de ces brindilles... merde... Ah ! Là !

Ils ramassent une lourde branche, et trottent jusqu'au perron.

– J'espère qu'il est dedans, j'espère ! prie Lilia pendant que Rocco neutralise la poignée et cale la branche pour entraver toute entrée et sortie.

Ziad et Maureen les retrouvent en pleine action.

– Lilia !

– Maureen, tu es sauve ! Il a tué Achille, et Diane ! C'est horrible !

– Qu'est-ce que vous faites ? demande Ziad en découvrant l'œuvre de Rocco. Non, enlève-ça, on a besoin d'entrer !

– On a eu une idée avec Lilia. Écoutez : on gagne du temps en l'enfermant à l'intérieur. Puis on fout le feu. Les secours nous repérerons grâce à la fumée.

Ziad a la même expression que Rocco lorsqu'il a réalisé que cette solution aurait pu être évoquée plus tôt.

– Oui, mais attendez... Lorsque le bus a explosé, il ne s'est rien passé. On doit être à des kilomètres d'une présence humaine.

– Sauf que la donne a changé. On doit être recherchés maintenant. Les satellites sont peut-être réquisitionnés. On doit tenter !

– Faut faire un feu de grande ampleur !

– Lilia a raison, faut brûler la maison !

– Avec les corps de nos amis à l'intérieur ? Non... déclare Maureen.

– On peut brûler les arbres, suggère Rocco.

Le quatuor semble d'accord. Puis Ziad affirme :

– On doit remettre en marche l'ascenseur ! Pour ça, il faut rentrer.

Alors Rocco retire la branche.

– Je veux bien préparer le feu de joie, pendant ce temps.

– Non, j'emmerde les règles du jeu ! On reste tous ensemble maintenant.

– OK. On trouve le tableau électrique, on enclenche le système du monte-charge, et on se casse au plus vite ! Au cas où ça ne marche pas, on fait flamber les pins ! J'irais voir s'il y a de l'essence dans la soute du bus.

– Prenez vos armes !

Lilia, Maureen, Rocco et Ziad font peur à voir, entre les blessures, la crasse, leurs traits déformés par l'épreuve. Ils pénètrent dans le hall, armés avec des bouts de ferrailles et de bois.

Ziad leur indique la porte de la cuisine. Pour lui, le tableau électrique a toutes les chances de se trouver vers le cellier, sous la pente de l'escalier.

Ils peinent à retenir leurs larmes et leur révulsion en passant près du corps de Ven. Soudain, Rocco se fige.

– Vous avez entendu ? demande-t-il en faisant volte-face.

Ils tendent l'oreille, mais seule leur respiration emplit l'espace.

Ziad les amène jusqu'à la cuisine. Rocco et Maureen font le guet pendant que Ziad et Lilia poursuivent leur exploration. Tout est calme, de légers craquements se font entendre, alors que le vent souffle puis se calme. 

Ziad ouvre la porte du cellier du pied.

– P'tain, c'est bon, j'ai trouvé les gars !

Lilia s'octroie un moment de joie. Ils vont sûrement s'en tirer, après tout. Ziad tire sur le fil de l'ampoule et prend connaissance du tableau électrique. Il est immense, à l'image de la demeure. Spontanément, il cherche du côté des fusibles isolés : « lumières jardin », « piscine », « kiosque », et trouve enfin :

– « Accès plage – monte-charge » !

Il positionne la manette sur ON, puis quitte le cellier en prenant soin d'éteindre l'ampoule.

Le groupe s'apprête à s'enfuir.

– Attendez, y'a des allumettes ! dit Lilia en saisissant la boîte au-dessus du poêle.

– Bon, on y va, suivez-moi !

Maureen est la première, rien n'a bougé dans le couloir : la porte d'entrée est à vue, ouverte sur le jardin qu'elle est impatiente de retrouver.

Ils se font discrets, mais comprennent qu'ils ne sont pas seuls. Un autre bruit se fait entendre. Maureen tend le bras, empêchant ses amis d'avancer. Elle leur indique de rester là, dans le recoin du hall. Lilia ouvre grands ses yeux, ne veut pas qu'elle se fasse prendre. Mais Maureen ne se laisse pas retenir et avance vers l'escalier. Ses phalanges écrasent la barre de fer qu'elle brandit devant elle. 

Une silhouette émerge du haut des marches.

Maureen se fige lorsqu'elle reconnaît Mélissandre.

LE MAESTROWhere stories live. Discover now