5. Ziad

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Ziad pose sa guitare contre son tabouret, en prenant garde de ne pas l'abîmer. Elle vibre, amicale, comme pour le rassurer. La garder contre lui serait plus confortable, comme une amie, un rempart contre le jugement à venir des jurés. Mais il sait que l'assurance, même si c'est feint, ça peut payer. Et c'est sûrement ce qu'ils attendent. Ça lui fait même penser que c'est toujours ce que l'on a attendu de lui : être le plus solide, et cela en toutes circonstances. 

Alors Ziad relève le menton et fixe ses yeux de nuit profonde droit devant lui. Il décroise ses bras et pose ses mains sur le rebord du tabouret. Son emprise le stabilise et la douceur du bois l'apaise.

Il sent que Mina va parler en premier. Difficile d'interpréter les expressions de son visage, elle fronce les sourcils et descend ses lèvres aussi bien pour signifier son air blasé que son approbation sincère. Ziad ne tarde pas à découvrir pour quelle émotion son cœur penche :

– Merci, Ziad. C'était super, c'était un moment hors du temps, déclare Mina dans un soupir qui donne l'impression qu'elle émerge d'un rêve.

La coach vocale rabaisse les manches de sa veste bleue sur sa peau frissonnante puis cherche à accrocher le regard de ses deux collègues jurés.

– Hein, Romain ?

Son proche voisin confirme :

– Complètement, et j'irai plus loin que cette idée « hors du temps », commence-t-il en essuyant les verres de ses lunettes teintées. Vous êtes parvenu à nous donner le sentiment d'être beaucoup plus âgé, comme un vieux sage qui délivre son vécu. C'était ni dans le mimétisme, ni trop contrôlé. Ce n'est vraiment pas donné à tout le monde. Donc, oui, c'est banco, comme le disait si bien mon oncle dans les années 90 !

Mina esquisse un grand sourire à Ziad, qui fait son mieux pour ne pas rougir.

– Merci, parvient-t-il à dire. 

– Je rejoins l'avis de mes deux comparses, ajoute Émeric. Ça promet d'être extrêmement intéressant. Votre voix donne un sentiment de puissance, et au fur et à mesure de la chanson, on devine les fragilités. 

– Toutes vos influences se mettent complètement au service de votre interprétation.

– C'est complètement ça ! surenchérit Mina dans un excès soudain. On sent que ce mélange d'influences, entre le blues et la country music, c'est toute l'expérience de vos voyages, de vos rencontres et surtout, surtout... excusez-moi, ça m'émeut.

Ziad ne sait trop comment réagir, c'est plutôt une gêne qui s'installe. Mina, pourtant dans le rôle de la forte tête depuis le début des auditions, sèche ses larmes du bout des doigts.

–  Excusez-moi, répète-t-elle. C'est puissant, ce que vous avez fait là. Je vais vous dire, et ne m'en veuillez pas d'être, disons, impudique, mais on sent surtout derrière tout ça ce que vous avez dû vivre pendant vos années sur le terrain, j'ai surtout eu le sentiment, pendant votre prestation, que ce qu'on a entendu ce sont finalement tous les démons que vous avez ramenés avec vous...

LE MAESTROOù les histoires vivent. Découvrez maintenant