Les Mystères De L'Afrique

Le cadeau empoisonné

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Dans sa jeunesse, mon oncle avait été ce qu'il convient de qualifier de douanier zélé !           

            Excellent serviteur de l'État devant la nation, il passait maitre dans la performance de refuser toute espèce de cadeaux, pots-de-vin et bakkshish. Tonton Groguhé énervait tous ses collègues par sa trop grande probité. En français ivoirien, il versait du sable dans leur attieké.
Grand croyant, le douanier modèle se conformait étroitement aux prescriptions sacrées dans l'exercice de ses fonctions. Cette attitude lui avait valu l'inimitié tant de ses collègues cupides que des commerçants véreux. Ces seuls amis dans les localités visitées étaient les vieillards. En effet, il ne manquait jamais une occasion de leur offrir un morceau de savon ou un peu de tabac. Son allergie à l'argent faisait enrager ma tante sa femme. Que ne lui avait elle pas dit ? Il ne voulait rien entendre. C'est donc habitué a sa mine renfrognée qu'il rentrait chaque soir à la maison.

Un jour, de beau matin, il reçut au poste la visite du fils aîné d'un vieux propriétaire terrien de la ville. Ce dernier venu à vélo, lui donna sans même descendre une bien étrange commission. 
 
-Bonjour papa, le vieux dit que tu vas recevoir un cadeau forcé. Mais il te demande de ne pas le consommer. Ce sera un cadeau ''chargé''

-Bonjour mon petit, je ne comprends pas bien. Je vais passer le voir moi-même. 

- Papa, il vient à peine de partir en voyage. Il sera là la semaine prochaine.

Sur ces paroles, le jeune repartit comme il était venu.
Sur environ une semaine, rien ne se passa de particulier. Puis un soir, Groguhe fut accueilli avec un large sourire par sa femme à la maison. 

- je savais qu'un jour tu allais changer mon mari. Mon époux, voilà comment un homme doit se comporter. 

Cette mise en bouche le rendit tout de suite très suspicieux. 

-D'habitude, tu ne m'accueilles pas comme ça ? Pourquoi ce changement ?

-Aujourd'hui au moins tu as accepté cadeau. Même petit mais c'est un début.
Groguhé se rappela des paroles du jeune homme et se précipita dans son arrière-cour. Il y découvrit un poulet bien en chair et un gros sac de riz. 
Sa femme, qui avait déjà cuisiné pour le soir réservait ce cadeau inattendu pour le lendemain. Selon elle, c'était un grand commerçant à qui son mari avait fait du bien dans l'exercice de ses fonctions, qui était passé lui remettre ce présent. Le hic c'était que le douanier avait beau fouiller sa mémoire, il ne se rappelait pas avoir rendu un quelconque service a un commerçant. Il appliquait le règlement sans plus ni moins et était intransigeant avec ceux qui n'étaient pas en règle. Soit le bienfaiteur s'était trompé, soit il s'agissait d'une cadeau empoisonné. Sa femme, en le voyant réfléchir s'emporta. 

-Voila ! Ça recommence ! Même cadeau te trouve chez toi encore tu vas refuser. C'est pas ça ? C'est quel genre de mari j'ai eu comme ça ? Ehhhhhhhh dieu donc moi je ne serai jamais heureuse ? Si je savais...

Le tonton ne prêtait aucune attention a ces jérémiades. Dès qu'elle finit, il lui répondit d'un ton sec. 

-On ne mangera pas ce poulet encore moins ce riz !

Sa femme crut devenir folle. Ses cris étaient devenus aigus et plus agressifs. Mais déjà, Groguhé avait parlé. Ce qui était dit était dit.

Toute la nuit, la tante bouda son mari. Tant et si bien qu'elle prit la résolution de se réveiller très tôt pour dépecer et griller très sec ce poulet. Elle se le mettrait sous la dent n'en déplaise a son saint de mari ! 
C'est ainsi qu'a 5h 30 du matin la bonne dame, équipé de son couteau le plus tranchant entra dans sa cuisine d'un pas décidé. 
Quelques secondes plus tard elle fit irruption dans la chambre à coucher nue comme un ver en criant à son mari:

- Serpent ! Serpent ! Il y a un serpent dans la cuisine !!

Réveillé en sursaut, le douanier se saisit de la machette qui ne quittait jamais le pied de son lit pour se précipiter dans la cuisine. Une fois sur le pas de celle-ci, le tonton alluma prudemment l'ampoule de la pièce. Le spectacle qu'il le frappa était au-dessus de toute description. Le poulet de la veille allongé sur le côté avait enflé au niveau du bas de son corps telle une grosse tumeur de la taille d'un homme couché. La chair avait tellement enflé que les plumes ne le couvrait plus au niveau du bas. La viande rougeâtre presque a vif provoquait un dégoût évident. 
La dame s'agrippant au dos de son mari était tétanisée par ce qu'elle voyait dans sa cuisine. Elle était plus encore terrifiée par le conseil que lui avait donné le commerçant avec insistance en lui offrant le volatile :

-Prepare le poulet la en même temps pour lui faire une bonne surprise. N'attends pas son retour...

Que serait il arrivé s'il avait mangé de ce à "cadeau'' ?