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J'espérais pouvoir avoir un réveil en douceur, tranquille, mais j'ai surestimé la patience de mon frère. A peine mon téléphone avait-il sonné qu'il se tenait sur le pas de la porte, me criant de me lever. J'ai donc capitulé. Tout en me préparant à deux à l'heure, j'inspectais les réseaux sociaux. La rentrée en terminale semble être un événement pour tous les gens de mon lycée. Seulement pour moi, ce n'est pas vraiment le cas. Je n'ai malheureusement aucune motivation, aucune raison d'aller là bas. Je place soigneusement mes écouteurs et entame ma marche du condamné. Le bus, par je ne sais quel miracle, arriva plutôt vite. J'entre donc et m'assieds dans le fond. J'essaie en général de me mettre là où personne ne cherchera à s'asseoir. Malgré mon désir de me faire discrète je peux sentir le regard de certains sur moi. Je suis l'attraction des gens de dernières années en quelques sortes. En temps normal je m'en accommode, je reste silencieuse en espérant que ça passera, mais ça fait déjà 4 ou 5 ans que j'attends et ça n'est toujours pas passé. Cet été j'ai eu une révélation, puisque rien n'a changé quand j'étais passive, si je deviens active peut être que ça changera. Je compte bien en étonner plus d'un. Ma marche du condamné repris dans le grand couloir beige. Une odeur de javel semble persistante, comme si les femmes de ménages avaient passées l'été à désinfecter le bâtiment. Je marche avec assurance, enfin du moins j'essaie. Je reste concentrée sur mon objectif, leur faire payer. Mes rêves de vengeance et de grandeur prennent tellement de place dans ma tête que je n'ai pas vu ce blondinet, avancer sa jambe vers moi. Je n'ai pas eu le temps de comprendre quoique ce soit que je me retrouvais à terre. Le sol semble imprégné de javel. Je me relève assez vite en baissant les yeux. Les rires semblent ricocher partout dans le couloir. Moi qui voulait faire une entrée en force, c'est gagné. Je ne me dégonflerais pas pour autant.

- Je ne te conseille pas de recommencer. 

J'essaie de paraître sûre de moi mais mes mains me trahissent. Je peux sentir le spasmes dans mes doigts, mes mains ne devraient pas tarder à trembler.

- Et sinon quoi ? 

Il riait, à gorge déployée. Une partie de moi rêve de s'enfuir en courant, de faire comme si de rien était et de ne jamais tenir tête à ce genre de personne, mais une autre partie de moi rêve de lui faire mordre la poussière. Je souris légèrement et m'approche de lui. Son parfum bon marché empeste. 

- Tu sais ce qu'on raconte à propos de moi, que je suis cinglée. Tu aimerais le vérifier ou tu préfères le croire sur paroles ? 

Je n'ai eu qu'à le pousser légèrement pour qu'il s'en aille. Son ego semble en avoir pris un coup. Ce que je n'avais pas compris jusque là c'est que lorsque vous êtes personne, vous n'avez rien à perdre. Les gens peuvent bien croire ce qu'ils veulent, vous ne devez rien à personne. Je replace mon écouteur qui s'était fait la malle pendant ce léger affrontement et me dirige vers ma salle de classe. Chaque élève semble s'être mis sur son 31. La rentrée semble importante pour eux. Les garçons sont déjà entrain de repérer les nouvelles qui pourraient potentiellement accepter de sortir avec eux, et les filles essaient d'attirer l'attention de garçons qui ne voudront jamais sortir avec elles. Ils se comportent comme des animaux en périodes des amours. Ce spectacle m'amuse beaucoup. Une fois à mon bureau, je me concentrais sur la fenêtre à ma gauche et tout ce qu'il y avait au delà. Les arbres semblent danser une valse avec la brise de septembre tandis que les nuages leurs servent de guide. Tout est gris, avec une légère pointe de lumière jaunâtre à l'horizon. C'est la fin de l'été, mais il persiste encore. 

La porte fut claquée, et ma rêverie interrompue. Un élève était en retard, ce qui ne plaisait pas beaucoup à Madame Gallagher. Seulement elle savait qu'il n'y avait rien de bon à tirer de ce grand brun. Elle lui ordonna de s'asseoir au plus vite. Il sourit en voyant que la seule place libre était celle à ma droite tandis que je criais intérieurement. Il ne me laissera pas une seule seconde de répit cette année, je le sens.

- Alors Allister tes vacances ce sont bien passées ? 

Je répondis que oui, tout bas. Il me demanda alors où est-ce que j'avais bien pu partir, question à laquelle je n'ai pas su répondre.

- Ta mémoire déconne ? Tu seras peut être encore plus barrée que ta mère après tout. On raconte que c'est toi qui l'a tué. 

Ma mâchoire se serra et les larmes commencèrent à monter. Je ne comprendrais jamais comment de telles rumeurs peuvent être répandues. Ma mère n'était pas malade, elle était la personne la plus douce que je n'ai jamais connu. Elle n'est même pas morte, elle est toujours en vie. Ce ne sont que des ragots qui visent à me faire mal, seulement je sais que rien de tout cela n'est vrai. La rage pris le dessus sur tout autre sentiment.

- Ce ne sont que des rumeurs, par contre ton père qui s'est tiré à cause de toi, ça, c'est prouvé.  

- Cet élan de rébellion, c'est que du vent, il attrapa mon poignet en dessous de la table. Ne reparle plus jamais de mon père, c'est compris Allister ? 

J'hochais la tête lentement. Quelque chose ne tourne pas rond chez lui, mais c'est moi que l'on traite de tarée. Je ne dis plus un mot de tout le cours. Voulant éviter Matt au maximum, je courais pour sortir de la salle. Sans ne rien comprendre, je me retrouvais à terre. Mon sac, par chance, était fermé et rien n'est tombé. Je pris appuis sur le mur en pierre à ma droite et observa l'obstacle qui s'était mis sur mon chemin. Brook Collins me toisait amèrement.

- Oh. Je suis si maladroite.

- Ton maquillage semble le prouver à merveille.

Je la pousse et poursuis mon chemin. Elle me cria quelque chose mais je n'y fis pas attention. Les deux heures en compagnie de Matt m'ont totalement épuisée et je ne rêve que d'une chose, m'asseoir au soleil avec du Bon Jovi dans les oreilles. Je n'ai pas dû attendre longtemps pour que mon rêve se réalise. Une fois à moitié allongée sur ce banc, mes pensées s'envolèrent. Cet été a été comme un nouveau départ, ce garçon m'a aidé à devenir une meilleure version de moi même. Une version qui s'imposera, une version qui n'aura plus peur. Une odeur d'herbe fraîchement coupée flottait dans l'air. Je m'apprêtais à fermer les yeux, profitant de ce moment de solitude, quand une ombre s'abattit sur moi.

The Games Are Starting. •TOME 1•Où les histoires vivent. Découvrez maintenant