Absence

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   Les gens ne t'aiment pas, tu le sais. Alors pourquoi tu te forces encore à faire des bonnes actions envers eux ? Ils t'utilisent, tu le sais. Abandonne les. N'attends rien d'eux, tu vois comme ça t'a déçu ? Tu es lamentable, pitoyable, regarde-toi ! Ils ne rient pas de tes blagues, mais de qui tu es. Tu te forces à sembler être une bonne personne mais au fond de toi, tu es pourri jusqu'à la moelle. Tu n'es pas quelqu'un de bien. Et ils le savent. Le nombre de fois où on t'a fait la remarque que tu étais un "sombre connard" et que "c'était louche que tu sois si gentil avec les autres". La vérité, c'est que tu as peur de ce qu'il y a sous ce masque, tu as peur de qui tu es au fond. Et tu fais bien, car tu es un monstre rongé chaque jour un peu plus par la jalousie, l'égocentrisme, l'alcool. Tu essaies de te donner bonne conscience, de te racheter pour tes pensées pêcheresses qui ne font que croître et prendre de l'ampleur. Tu sens ce mazout, ce pétrole au fond de toi, qui peut s'enflammer à la moindre étincelle, tout faire péter, tout ravager. Tu es une bouteille de gaz dans une cheminée, un voyou. Cette mélasse noirâtre qui envahit peu à peu ton être, noyant le bon en toi. Et plus il te bouffe et plus tu essaies d'être là pour les autres, comme pour équilibrer la balance et retarder le moment où tu chuteras irrémédiablement.

     Tu les sens, ces canines prêtes à déchiqueter, ces griffes prêtes à lacérer, cette peau qui s'étire et se tord, cette infestation qui se répand sur ton corps et dans ta chair. Tu te transformes en monstre, putride, nauséabond, poisseux, la preuve en est de ce râle bestial qui naît dans ta gorge à chaque souffle. Il cherche une proie, quelqu'un à détruire. Il a déjà son nom, et tu tentes de ne pas le laisser faire. Un jour viendra où tu craqueras, où il brisera sa victime et se délectera de sa douleur, de son désespoir, du chaos qui émanera. Et une fois repu, il ira dormir jusqu'à la prochaine fois, te laissant seul face à ton dégoût de toi-même et ton désespoir pour seul témoin, pour seul démon. Et il reviendra. Chaque fois plus vite, chaque fois plus fort. Comme une addiction qui s'amplifie avec les prises. Et il prendra le dessus, et ton bel amour, ton Domino se barrera. Ca te rappelle rien, tout ça ? Ca y est, tu commences à comprendre, on dirait. Oui, tu as fait les frais de ce monstre auparavant, comme il en a fait aussi les frais, et tant d'autres avant lui. Cette pestilence s'insinue d'être en être, infectant l'humanité, infestant la société. Mais le tien semble différent.

     Ce monstre ne semble pas être arrivé de l'extérieur. Il est comme une bactérie solitaire qui aurait muté, des tréfonds de ton être, s'est nourri de ce que tu as refoulé, enchaîné à un bout de ton esprit. Oui, tu te souviens d'elle. Cette chose séquestrée et mutilée dans un coin d'ta tête, dans le noir. A force de les côtoyer, elle est finalement devenu les ténèbres qui te rongent tel un acide, exposant ton sang, tes muscles, tes os, ton être à vif. Ca fait quoi d'être totalement nu face à soi-même, blessé de ton propre jugement ? Les gens ont peur de toi car ils ne te connaissent pas. Mais s'ils te connaissaient et te voyaient comme toi tu te vois, crois-moi, ça serait pire. Garde tout ça en toi, pour toi, ne le laisse pas sortir. Ou alors vas y, et libère ça sur quelqu'un, c'est toi qui voit. C'est eux ou toi, tu le sais. Et tu en as envie. Oh oui, tu as envie de les briser, tous un par un, savourer cet idyllique chaos si familier, qui vibre aux mêmes fréquences que celui qui habite ton esprit, qui malgré ce dégoût, te fait frissonner de plaisir dès que la situation laisse entrevoir la gueule de ce loup solitaire. Tu aimes son hurlement la nuit, qui te murmure que tu es meilleur que tout le monde, qu'ils ne sont rien, que tu peux les anéantir d'un revers de main tel un dieu nauséabond qui se jouit de leur douleur. Et ce soir, tu en es proche. Tout comme l'autre soir, alcoolisé, tu aurais pu faire tant de mal, oui, quel délice ! Mais tu continues à ne vouloir exposer cette nature, malgré son ampleur croissante. Mais un jour viendra, ce barrage cédera, tu le sais.

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     J'ai écrit ce texte dans une phase assez étrange, une sorte d'état second... L'instant d'après, j'avais oublié que je l'avais rédigé.

Bribes d'un Esprit TourmentéWhere stories live. Discover now