Simple flot de pensées

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     C'est, suite à un cocace cocktail et entravant enchaînement de crises émotionnelle, existentielle et dépressive, que je me retrouve, peu avant 18h, à prendre le triple de la dose recommandée des médicaments, que j'avais cessé de prendre il y a environ un mois, afin d'anesthesier un peu ce cerveau meurtri par de lancinantes idées au poisseux goût de pétrole. J'ai envie de partir loin. Prendre un sac avec trois caleçons, deux tubes de peintures ternes, ma guitare, autant de boîtes de thon fade que de médicaments, quelques bouteilles de whisky bon marché, un peu de bière pour varier, et un flingue pour combattre Dieu.

     Le repas, avec des personnes dont je ne connais que l'enveloppe charnelle et le cruel manque de logique et de réflexion pour certains, comme toujours prévu pour 20h, s'annoncera d'une particulière saveur. Celle d'une somnolence confondant sommeil et réalité, une manière relativement littérale de rêver sa vie : se déconnecter du monde, des gens, de soi, du conscient, des émotions, du subconscient. Observer le monde, comme toujours, comme à travers un écran, mais être fois, plutôt une vieille télé dont les cathodes et l'antenne fatiguées brouillent les images, les font sauter, oubliant des morceaux. Voir le monde comme un enregistrement de qualité déplorable usé par le temps, ou une ancienne photo frottée par la poche du jean d'un grand-père.

     L'envie d'en finir ne s'estompe pas, mais la pression sanguine semble croître légèrement. Le tambourinement de mes hémoglobines semble comme un lointain mais pourtant assourdissant métronome, tandis que je ressens toujours plus intensément ce trou noir dans mes entrailles émotionnelles ainsi qu'une sensation de froid. La sensation d'être un jeune jais piégé dans une tempête glaciaire, seul, ankylosé et désespéré, à bout d'énergie, malmené par des vents sans pitié. Une tâche noire au milieu d'un infini blanc, tourbillonnant, lancinant, qui songe de plus en plus à abandonner, cesser de lutter avec ses forces qui s'amenuisent. Et c'est ce que je vais faire. Je vais, pour une fois, laisser ce grand froid me gagner mentalement, m'endormir tranquillement et laisser mon corps, tel un automate, assurer le minimum physique et social tandis que mon esprit hibernera...

Bribes d'un Esprit TourmentéWhere stories live. Discover now