Esprit Étranger

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     Il est une particularité parfois troublante et constamment handicapante avec l'amas de chair et de neurones qui me représente, celle d'une singulière dichotomie entre mon corps physique et ce qui est généralement désigné comme esprit. Comme si ce corps n'était pas le mien, que je ne faisais que le posséder, et les connexions entre les deux ne s'étaient pas faites correctement.

     Prenons un exemple au hasard, mettons la douleur. Une chute ne me fera pas mal. Je ne me rend pas compte quand je me coupe ou me cogne. Je me suis déjà baladé avec une aiguille de couture transperçant littéralement ma main de part en part, sans remarquer quoi que ce soit. Ce n'est que lorsque que je remarque la plaie, lorsqu'elle est accidentelle, que je me rends compte d'une légère douleur. Je ne décèle au mieux que la sensation de toucher ou de pression. Et quand elle est intentionnelle, là joue son rôle le mental. Dans un moment de faiblesse, tout impact devient insupportable, et dans les sombres périodes, absolument aucune sensation n'est ressentie.

     De même, j'ai l'impression d'assister à chacune des réactions naturelles de mon corps sans jamais être impliqué, de n'être qu'impuissant spectateur face à un retour à une base primitive organique et puérile. Comme l'excitation sexuelle est une véritable énigme pour moi, de voir mon corps réagir comme contrôlé par une télécommande biologique, et d'être si loin de tout ça, ne ressentant pas "mentalement" les effets sur le corps. A l'instar de l'alcool, assistant impuissant à mes pas zigzagants et aléatoires, quand mon esprit est parfaitement lucide et droit, dirigeant tant bien que mal un automate cassé, clopinant, bourré.

     En soi, le seul réel lien concret maintenant un fond d'unité entre ces deux aspects de mon être ne sont en soi que mes sens hypersensibles. Car une alarme me blessera plus qu'une lame, l'herbe coupée m'asphyxiera davantage qu'une corde, et les lumières m'assommeront plus violemment qu'une hémorragie. Ma faiblesse n'est pas mon corps. Ma faiblesse, en un sens, c'est moi.

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     J'écris beaucoup, en ce moment... Ce n'est pas bon signe, c'est  sans l'ombre d'un doute l'annonce d'une rechute émotionnelle assez brutale. Et j'espère que personne n'assistera à ça...

Bribes d'un Esprit TourmentéWhere stories live. Discover now