La Magie des Chemins

Chapitre 2 (Partie 2) : La vie avec Eva

Il était 18h30, l'heure du piano. William arrêta son étude des médicaments, s'allongea sur son lit et vida son esprit de toutes pensées scientifiques. Il était prêt à apprécier son concert quotidien. Attendant avec impatience qu'Eva commence sa leçon de piano, il admira le doudou licorne qui trônait fièrement sur son étagère.

La douce mélodie arriva finalement jusqu'à ses oreilles : des accords harmonieux parsemés de quelques fausses notes. Le son était légèrement étouffé par le plafond, mais cette musique enchanteresse lui procurait un sentiment de béatitude bien plus intense que ses articles scientifiques.

Le récital lui donnait l'illusion d'être connecté à Eva. Il pouvait presque se l'imaginer, assise sur son tabouret, avec son air concentré, pressant délicatement les touches du piano. Dire que 2 ans et demi étaient passés depuis qu'Eva avait emménagé. Le temps défilait si rapidement... Les grandes vacances étaient dans un mois, et ensuite, ils iraient au lycée. Il fallait qu'il soit dans la même classe qu'Eva cette fois-ci ! Leurs professeurs les avaient déjà séparés lors de son année de troisième, et cela avait anéanti tout le fruit de ses efforts : avec des horaires et des enseignants différents, Eva et William ne pouvaient plus rentrer ensemble ou faire leurs devoirs en même temps. Le Mizu-Hi-Dô était devenue sa seule occasion d'interagir avec son amie.

Heureusement, Eva avait augmenté sa cadence d'entrainement et assistait désormais à trois cours par semaines. Elle voulait progresser un maximum pour pouvoir passer ceinture noire l'année suivante. William, qui ne manquait jamais une opportunité d'être avec elle, avait naturellement décidé de participer à ces leçons. Son assiduité avait dû payer, car il était maintenant ceinture verte. Bon, il avait raté son passage de ceinture bleu, mais c'était uniquement parce qu'il détestait les combats. Il ne faisait qu'un mètre cinquante-cinq et quarante kilos, même en connaissant les techniques pour ceinture noire sur le bout des doigts, il ne pouvait pas gagner contre des adolescents qui faisaient deux têtes de plus que lui. Il devait vite grandir pour pouvoir mettre une branlée à toutes ces brutes et impressionner Eva.

Contrairement à lui, la future ceinture noire était capable de vaincre la plupart de ses adversaires ; même les plus lourds ne faisaient pas le poids face à elle. William avait longtemps cherché le secret de toutes ses victoires, mais la réponse qu'il avait finalement trouvée ne lui plaisait pas : la force d'Eva venait de sa psychologie. Elle ne craignait personne. C'était même l'inverse, lorsqu'elle devenait sérieuse, son expression se transformait en un masque de tueuse qui terrifiait ses opposants. De son côté, William avait peur de tout le monde. Les seules personnes qu'il réussissait à battre étaient des débutants encore plus effrayés que lui. Son instructeur de Mizu-Hi-Dô répétait souvent : « Celui qui a peur a déjà perdu ». Mais comment pouvait-il ne pas paniquer lorsqu'il était face à quelqu'un de plus grand, plus lourd, et plus fort que lui ? C'était mathématiquement impossible de gagner. De tout façon, il n'avait pas besoin d'être fort en combat pour être avec Eva.

La leçon de piano se termina juste avant que Katelyn n'appelle William pour manger. Le dîner était généralement l'un des moments les plus monotones de la journée, mais ce repas fut différent. Son père se comportait de façon inhabituelle. Il parlait fort, gigotait ses bras dans tous les sens, et éclatait de rire sans que personne n'ait fait la moindre blague. William aurait bien voulu savoir ce qui l'avait mis dans cet état, mais son père se contentait de rire à chaque fois qu'il le lui demandait.

William retourna dans sa chambre, passablement énervé. Il détestait ne pas comprendre quelque chose. Après s'être défoulé à coups de pieds sur les molécules de diazote et de dioxygène de l'air ambiant, il s'était finalement calmé et avait poursuivi son étude des principes actifs.