Chapitre 5 (partie 1) : Yok

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William et la fille descendirent la pente douce jusqu'à atteindre la palissade, puis contournèrent la clôture et arrivèrent devant l'entrée du village.

Un homme massif se tenait au milieu de l'ouverture, assis sur un tabouret. Il avait un visage couleur miel, des cheveux courts grisonnants et un gros nez rougeâtre. Plusieurs bouteilles vides traînaient à ses pieds, répandant une forte odeur d'alcool dans l'air.

Était-il censé garder la porte ? se demanda William

Le garde ne semblait pas particulièrement adapté pour sa mission. Il portait une tunique crasseuse, un fourreau trop court pour y mettre une épée, et de longues bottes qui parvenaient presque à cacher sa jambe de bois.

— Stag rog ! Wu'ho ? cria le garde.

— Ni flud hom dost im ruud ry ni hap hom, répondit la fille en haussant les épaules.

Elle continua ensuite d'avancer sans prêter la moindre attention à l'unijambiste au milieu du passage. William la suivit, mais se retrouva soudain avec la pointe d'une dague contre la gorge.

Le garde s'était levé et avait dégainé son arme si rapidement que William n'avait vu qu'un flash argenté.

Comment un ivrogne estropié pouvait-il être aussi rapide ?

— Do rall nor kass ! dit le garde.

William recula précipitamment, fuyant plus d'une dizaine de mètres avant d'oser s'arrêter. Il avait encore failli mourir !

L'homme à la jambe de bois ne l'avait pas poursuivi. Il se tenait debout, devant son tabouret, son poignard à la main. Quelque chose avait changé. Il semblait presque inhumain. Son visage et ses bras s'étaient transformés. Sa peau n'était plus couleur miel, mais argenté métallique. C'était comme si une couche d'acier avait recouvert son corps, ne laissant que deux trous au niveau de ses yeux.

Le cerveau de William bugga.

Il pouvait envisager que son père ait utilisé une technologie futuriste pour arrêter l'onde de choc et l'envoyer dans ce monde ; il pouvait concevoir qu'un monstre extraterrestre réussisse à influencer la météo par des moyens inexpliqués ; mais il n'arrivait pas à s'imaginer qu'un vieil homme à moitié saoul ait pu briser toutes les lois de la physique et recouvrir sa peau de métal.

C'est quoi cette magie ?

William resta planté là, la bouche grande ouverte. Même s'il avait rencontré beaucoup d'événements inexpliqués ces derniers temps, il avait toujours pensé que s'il les étudiait suffisamment, il finirait par élucider leurs mystères. La science pouvait tout expliquer. Elle devait tout expliquer... Mais maintenant, cette certitude s'était brisée. Ce monde n'obéissait à aucune règle, et sa science ne servait à rien ici.

La fille cria furieusement sur le garde. Elle ne semblait absolument pas gênée par sa soudaine transformation ou son comportement agressif. Celui-ci lui répondit avec tout autant d'irritation, et ils s'engagèrent dans une dispute mouvementée.

William se remit progressivement de son choc. Les deux autochtones faisaient de grands gestes dans sa direction tout en se braillant dessus. William supposa que la fille voulait l'amener dans le village, tandis que le garde s'y opposait fermement.

Je pensais enfin être en sécurité... Pourquoi y a-t-il toujours des problèmes partout ?

William attendit anxieusement. Il n'avait aucun moyen d'influencer le garde. Il ne connaissait ni sa langue, ni sa culture, ni sa magie... Il ne connaissait rien.

Il avait si peu d'informations qu'il était obligé de laisser faire la fille et d'espérer que ses talents de persuasion soient suffisants.

C'était si frustrant. Il avait perdu tout contrôle sur son destin.

Les minutes passèrent et leur conversation houleuse finit par s'interrompre.

La fille soupira, regarda William d'un air désolé, puis s'en alla dans le village.

Elle m'a abandonné ? Non, elle ne peut pas me laisser là après tout ce que l'on a traversé. Elle va revenir. N'est-ce pas ?

Le garde lui lança un regard noir, boita jusqu'à la large porte de la palissade, et la referma d'un claquement sec.

William resta planté devant le mur de bois, sans savoir quoi faire.

Il était seul, dans un monde qu'il ne comprenait pas.

Pourquoi tout ne pouvait pas redevenir comme avant ?

Il aurait tellement voulu pouvoir rentrer chez lui, retrouver sa famille et Eva.

William cligna des yeux plusieurs fois, essayant de chasser ses larmes, puis s'assit par terre.

Il avait faim. Il avait soif. Il était fatigué. Il était perdu.

Il n'avait plus d'idées pour se sauver. Si personne ne venait l'aider, il finirait par mourir.

Les minutes passèrent, et William se mit à pleurer, prostré par terre.

Des bruits de voix s'élevèrent de l'autre côté de la palissade, et le garde rouvrit la porte en grognant.

Un petit homme chauve sortit du village.

William se prépara mentalement.

Allait-on le chasser, ou bien le sauver ?

Le petit homme s'avança vers lui avec un grand sourire. Sa tête était si déconcertante que William se demanda s'il s'était déguisé pour un carnaval. Sa peau, encore plus sombre que celle de la fille, contrastait avec les deux cercles blancs tatoués autour de ses yeux, et l'énorme paire de lunette vert pastel qui couvrait presque tout son visage. On aurait dit une sorte de hibou sans plume.

Come with me, dit le petit homme aux lunettes. (Viens avec moi)

William resta un moment sans voix, stupéfait d'avoir compris les paroles de cet autochtone.

You... You speak english ? (Vous... Vous parlez anglais)

It's not safe here. Lets talk later.1  (Nous parlerons après. Nous ne sommes pas en sécurité ici)

1 : Afin de maximiser la clarté, le reste des dialogues en anglais sera directement traduits en français. Les dialogues en anglais restera en gras pour les différencier du reste. (J'aurai préféré changer la police ou la couleur des dialogues en anglais, mais je n'ai pas trouver cette option sur Wattpad.)



La Magie des CheminsDove le storie prendono vita. Scoprilo ora