Chapitre 2 (Partie 1) : La vie avec Eva

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William était heureux. Les menaces d'Eva avaient effrayé ses persécuteurs, et plus personne n'osait l'agresser. Fini les tabassages ! Fini les coups de compas ! Les autres élèves continuaient de se moquer de lui, mais le collège n'était plus un supplice quotidien. Il pouvait facilement endurer ces railleries constantes. En plus, Eva était là maintenant.

Sa nouvelle amie s'asseyait régulièrement à côté de lui, l'encourageant à se rebeller contre l'attitude néfaste de la classe. Elle avait même tenté de l'intégrer à sa bande de copines, mais ce groupe, exclusivement féminin, mettait William mal à l'aise. Ces filles lui lançaient des regards intimidants dès qu'Eva avait le dos tourné. Il garda donc ses distances, préférant rester seul plutôt que d'être considéré comme un intrus. De tout façon il ne comprenait rien à leurs discussions.

Lorsqu'elle en avait l'occasion, Eva s'attaquait aux collégiens qui insultaient William, tournant leurs remarques acerbes en dérision pour les ridiculiser devant toute la classe. William commença progressivement à voir les failles logiques dans leurs provocations : peut-être qu'il était nul en sport, mais eux, ils étaient nul en mathématique. Il n'était plus un déchet ou un animal, mais quelqu'un qui serait bientôt un grand chercheur, comme son père. Leurs tentatives maladroites pour lui faire du mal ne l'affectaient plus, il se contentait maintenant d'en rire avec Eva.

A sa grande surprise, ses camarades s'étaient graduellement lassés de leurs moqueries. Peut-être que sa nouvelle façon de leur répondre en rigolant n'était plus assez distrayante ? Quoi qu'il en soit, ils se contentaient à présent de l'ignorer. William préférait nettement leur nouveau comportement qui rendait les cours presque agréables.

En quelques mois, il était sorti de l'enfer, et c'était grâce à Eva. Elle lui avait redonné espoir, l'avait soutenu durant les moments difficiles, puis l'avait aidé à reprendre confiance en lui. Elle était comme un phare qui illuminait son chemin vers une vie meilleure, et il lui en était vraiment reconnaissant.

William ne savait pas comment la remercier, mais il ne pouvait s'empêcher de l'admirer. C'était une fille à la fois émotive et empathique. Elle détestait tout ce qui créait de la douleur : si quelqu'un pleurait, elle le consolait, si elle voyait un conflit, elle s'interposait. Elle était comme une héroïne se battant pour le bonheur. William devait cependant rester rationnel : Eva n'était pas parfaite. Par exemple, elle avait l'habitude de constamment couper la parole pour poursuivre ses monologues. Cela pouvait être agaçant même si William trouvait sa voix plutôt plaisante. Il avait aussi remarqué sa timidité envers les inconnus. Eva, la pro des arts martiaux, celle qui ne laissait jamais personne avoir le dernier mot, pouvait aussi avoir peur. C'était mignon. Cette fille en apparence si simple, devenait merveilleuse lorsqu'on apprenait à la connaitre.

Chaque jour, William et Eva parcouraient ensemble les 500 mètres qui séparaient le bus de leur appartement. Certaines fois, ils ressassaient les événements de la journée et passaient un moment amusant, mais régulièrement, aucun d'eux ne savait de quoi parler. Ils marchaient alors plusieurs minutes dans un silence gênant. Pourquoi était-il le seul avec qui Eva avait du mal à interagir ? Était-il si mauvais en relation sociale qu'il ennuyait la seule personne qui voulait bien discuter avec lui ? Cela ne pouvait plus continuer, William devait trouver des sujets de conversations passionnants.

Tout d'abord, il lui parla de science et de technologies. Ce fut un échec : elle l'écoutait poliment, mais ses bâillements trahissaient son ennui. Il décida donc de devenir un expert dans un domaine qui intéressait Eva. Après avoir relu les Harry Potter, il se mit à lire tous les bouquins qu'elle lui suggérait. Ces romans semblaient toujours aussi enfantins, mais, après une étude attentive, il découvrit leurs enseignements : ces histoires reflétaient la réalité grâce à leur univers, leurs thèmes et le parcours de leurs personnages. Leurs leçons pourraient peut-être l'aider à mieux comprendre le monde ? William n'y croyait pas trop, mais l'important était que sa deuxième stratégie ait fonctionné. Grâce à leur nouveau point commun, ils auraient pu parler pendant des heures sans se lasser.

Les trajets bus-maison étaient devenu son moment préféré de la journée. 500 mètres de plaisir avant de reprendre la monotonie quotidienne. Même son étude des sciences semblait fade en comparaison de ces 5 minutes de magie. Il aurait voulu discuter avec elle toute la journée, mais le chemin était bien trop court, et Eva était constamment avec son groupe de copine à l'école.

William réfléchit plusieurs jours avant de trouver une solution : il lui proposa de l'aider avec ses devoirs de mathématique et de physique. Il faillit sauter de joie lorsqu'elle accepta. Réunir Eva et la science, c'était le bonheur absolu.

William et Eva faisaient désormais leurs devoirs ensemble, passant parfois plusieurs heures par semaine à résoudre des exercices ou à réviser un contrôle. Pour William, c'était le nirvana, mais bizarrement, même ainsi, son envie de se rapprocher d'Eva n'était pas entièrement satisfaite. Il voulait quelque chose de plus, sans savoir quoi exactement.

En début de quatrième, William pris donc une décision radicale et s'inscrivit aux cours de Mizu-Hi-Dô. Il était un gringalet d'un mètre quarante-cinq dont le sport était l'ultime faiblesse, mais son désir d'être avec Eva l'avait emporté sur son instinct de survie. Il regretta ce choix dès le premier échauffement : L'intensité était tel qu'il fit quasiment un arrêt cardiaque. Non, mais franchement, qui était le sadique qui avait inventé les burpees ? Ses muscles étaient au bord de la combustion spontanée.

Il n'était cependant pas au bout de ses peines. Après l'échauffement, l'instructeur forma des binômes de niveau « équivalent », et William se retrouva avec la seule autre personne qui portait une ceinture blanche : une brute qui devait bien faire plus de quatre-vingts kilos. La première technique enseignée consistait à projeter l'adversaire par-dessus son épaule. William ne réussit pas à l'exécuter et s'effondra lamentablement sous le poids de son partenaire. En revanche, il comprit facilement la technique du « vol plané » lorsque ce même partenaire le projeta. Sa malchance continua lors de l'initiation à la boxe. L'instructeur avait spécifié « touche légère », mais les frappes de son adversaire étaient littéralement à couper le souffle. Terrorisé, William fuit sur tout le tatami pour échapper à l'engin de démolition qui venait de débuter les arts martiaux.

William avait atteint l'abysse du désespoir lorsque l'instructeur déclara que le choix du partenaire serait libre pour la prochaine série d'exercices. Ses efforts allaient enfin être récompensés ! Il sprinta vers Eva, craignant qu'un autre pratiquant la lui vole s'il n'était pas assez rapide. William arriva devant elle tout essoufflé.

— Tu veux bien travailler avec moi ?

— Bien sûr, répondit-elle. Je suis vraiment curieuse de voir comment tu te débrouilles.

Eva était vraiment élégante : avec son kimono noir et sa ceinture verte, on aurait dit une ninja. L'instructeur démontra une technique consistant à tordre le poignet de son adversaire jusqu'à le faire tomber.

— Ça a l'air compliqué, remarqua William

— Mais non, c'est facile, dit Eva. Regarde, je vais te montrer.

Sa nouvelle partenaire exécuta la clé de bras, et William se retrouva au sol avec l'impression d'avoir le poignet désarticulé. Sa douleur fut cependant vite éclipsée par une douce sensation de chaleur. La main d'Eva tenait son poignet. Ce contact de leur peau provoqua des frissons dans tout son corps. Était-il devenu masochiste ? Il n'eut pas le temps de méditer la question car Eva le releva, puis lui tendit sa main, l'invitant à faire la technique qu'elle venait de démontrer. Elle lui enseigna patiemment, répétant plusieurs fois ses conseils, mais William était trop intoxiqué par la caresse de ses mains pour parvenir à comprendre ses paroles. Il lui fallut le reste de l'entrainement pour réussir à s'accoutumer à cette nouvelle drogue.

Après quelques cours, William ne savait pas s'il adorait ou détestait le Mizu-Hi-Dô. L'instructeur n'étant pas très observateur, il avait réussi à minimiser ses efforts lors de l'échauffement, mais le reste de l'entrainement était quasiment aussi terrifiant que de jouer à la roulette russe. Certains pratiquants étaient des brutes qui provoquaient accidents sur accidents. A son troisième cours, quelqu'un avait même eu le bras cassé. William n'aurait jamais dû continuer une activité aussi dangereuse. Seul son addiction à son amie ninja le poussait à revenir chaque semaine. Son point de vue évolua cependant lorsqu'il se rendit compte que les principes fondamentaux du Mizu-Hi-Dô reposaient sur les lois de la physique et de la biologie. Par exemple, les projections se servaient du centre de gravité, tandis que les clés de bras utilisaient l'effet de levier et l'anatomie. Cette découverte lui permis de progresser bien plus rapidement. S'il observait le Mizu-Hi-Dô sous le prisme de la science, il pouvait prendre du plaisir dans ces entraînements malgré leurs multiples dangers.

La Magie des CheminsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant