Hating, Craving, Falling

ÉPILOGUE

Je me souviens que le soir où je lui ai avoué mon amour, j'étais terrifiée à l'idée de faire la plus grosse erreur de ma vie. C'est comme si je savais exactement que c'était la bonne décision, tout en surplombant un précipice, prise de vertige. Le grand saut a été compliqué, mais je ne le regrette pas. Nous avons encore régulièrement besoin de nous harmoniser et nous tenons à nous accorder le temps d'analyser ce que nous ressentons. Notre force réside dans notre capacité à communiquer, et pourtant, venant de moi, ce n'était pas gagné ! Mais j'ai réussi à m'ouvrir à son contact comme un tournesol sous la chaleur du soleil, et malgré la peur qui refait parfois surface, j'ai rayonné chaque seconde de chaque minute de chaque heure de chaque jour de cette année.

– Oh non ! s'exclame-t-elle soudainement.

– Qu'est-ce qu'il y a ?

– J'ai oublié le cadeau pour ta mère ! Je l'ai posé sur la table avant de m'habiller et je ne l'ai pas récupéré.

Je glisse mon bras droit derrière le siège passager et attrape le sac en papier marron pour le placer sur ses genoux. Elle expire de soulagement et me donne un baiser sur la joue en riant.

– Tu es une Noisette parfaite !

C'est l'unique surnom qu'elle a choisi pour moi, ou plutôt qui s'est imposé à elle, ainsi qu'elle aime me le rappeler. Et comme à chaque fois qu'elle l'utilise, une vague de chaleur soulève mon cœur. Je l'embrasse rapidement avant de reposer mes yeux sur la route, mais laisse traîner ma main sur sa cuisse. Son rapport à la voiture a évolué, mais la place de passagère est toujours un peu compliquée pour elle, alors elle se sert de mes doigts comme une distraction et joue avec en les nouant, les caressant, ou juste en les mêlant aux siens. Et je mentirais si je disais que je n'adore pas cette petite habitude.

Au bout de quelques heures, je me gare derrière chez ma mère et Charly sort de l'habitacle en s'étirant. La morsure du froid me réveille et je récupère les sacs dans le coffre avant de rejoindre mon frère qui nous fait signe depuis le perron.

– Rentre ! le grondé-je. Tu es en chaussettes !

Mais il se contente de hausser les épaules en rigolant.

Je manque de me faire renverser par Aléa qui fonce sur ma copilote. Dès qu'elle met un pied ici, la chienne se transforme en véritable pot de colle et il n'y en a plus que pour Charly. J'ai arrêté de me sentir vexée après la troisième fois que nous sommes venues. Aléa est amoureuse de ma femme. Je ne peux pas lui en vouloir, je le suis aussi, éperdument.

Nous embrassons Adrien avant de rejoindre ma mère qui s'active devant les fourneaux et je la serre fort contre moi comme à chaque fois que je la vois.

– Mon trésor, as-tu fait bon voyage ? Où est ta chérie ?

– Juste là ! s'exclame celle-ci en venant saluer ma mère. Bonjour, Josiane, tu vas bien ?

– Toujours quand vous êtes ici, mes filles. Dis-moi, à quelle heure arrive ton frère ?

– Il monte avec Pauline, répond-elle en posant les sacs au pied du canapé. D'ici une heure, je pense.

Effectivement, une cinquantaine de minutes plus tard, on klaxonne devant la maison et Aléa aboie sur le porche. Charly accueille chaleureusement Alex et sa meilleure amie et nous leur faisons visiter la petite demeure de Maman. Lorsque Pauline s'interroge sur les légumes du potager, Charly se tourne vers moi avec un sourire coquin. On pense à la même chose. Je lui envoie un clin d'œil en me remémorant sa découverte des crosnes et le plaisir que j'avais pris à partager ce moment avec elle.

Alors que tout foutait le camp dans ma vie et que j'étais proche de la noyade, sa fraîcheur et son rire avaient opéré comme une véritable bouée à laquelle je me suis raccrochée chaque jour qui a suivi, même si elle ne l'a jamais su. Secrètement, je nourris l'idée que Charly constituait une bouteille à la mer lancée par Zoé. Je l'imagine voguer dans les limbes d'un monde qui lui appartient, dans lesquelles elle resplendit d'un bonheur qui rayonne jusqu'à moi et m'autorise à respirer chaque jour un peu mieux, et vivre chaque jour un peu plus pleinement.