Chapitre 37

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Malgré les rouages incessants dans mon esprit, l'amoncellement de travail nous oblige, Chloé et moi, à cohabiter sans vraiment avoir le temps de nous poser d'autres questions. La semaine suivante, nous rencontrons donc un nouveau client à Sallanches. D'habitude, les premiers rendez-vous ont lieu à l'agence, mais suite à un imprévu nous avons accepté de le rejoindre directement sur place. Il s'agit du président d'un club de sport qui veut mettre à l'honneur ses équipes féminines à l'occasion de la journée internationale des droits des femmes qui arrive dans quatre mois. Il souhaite donc organiser un événement, mais n'a pas vraiment d'idées, et son attitude ne colle pas tellement à sa demande.

On sort mitigées du rendez-vous, et je ressens le besoin d'en débriefer. Chloé semble sur la même longueur d'onde puisqu'elle me propose de nous accorder un moment en passant devant un salon de thé. Elle m'ouvre la porte et pose sa main sur mon dos pour m'inviter à rentrer avant elle. Ce simple contact provoque une vague de frissons qui me parcourt des pieds à la tête, et je lève les yeux au ciel à ma propre réaction.

L'endroit se révèle chaleureux et je tombe immédiatement sous le charme des effluves sucrés qui en émanent. Chloé choisit un thé noir à la vanille accompagné d'une pâtisserie tandis que je me laisse tenter par un chocolat chaud surmonté d'un dôme de chantilly et parsemé de cannelle. Seules quelques semaines nous séparent officiellement de l'hiver, non ?

Nous échangeons sur ce qu'il vient de se passer et sur les exigences du client. Nous tombons toutes les deux d'accord sur le fait que cet homme ne dégageait rien de bon.

– J'ai un peu du mal à comprendre pourquoi ce genre de personne fait appel à nous si c'est pour démonter chacune de nos propositions dès la première rencontre.

Chloé hoche la tête, confirmant qu'elle partage le même avis.

– Parfois, ils font leur marché et se permettent des réflexions selon l'agence qu'ils prévoient de choisir. Mais bon... Ce genre de mec n'a visiblement aucun respect pour les autres.

– Tu crois que ça peut s'expliquer par le fait qu'on est deux nanas, assez jeunes, et qu'il ne nous prend pas au sérieux du coup ?

Ma référente hausse les épaules.

– Je ne sais pas, mais ça s'est déjà vu. Ça ne m'étonnerait pas outre mesure considérant ses commentaires dédaigneux sur la « fête des femmes », dit-elle en mimant les guillemets.

Nous restons silencieuses un instant.

– Qu'est-ce qu'on fait s'il nous choisit ?

Chloé doit percevoir mon inquiétude, car elle pose sa main sur mon bras pour me rassurer.

– J'en parlerai à Joanne en rentrant. Nous avons le droit de refuser des clients si cela ne colle pas avec l'esprit de la boîte. Et le sexisme n'est pas une de nos valeurs.

J'acquiesce et prends une longue gorgée de mon chocolat chaud. Je me laisse aller contre la banquette et ferme les yeux pour mieux en apprécier les saveurs. Un délice, exactement comme je les aime. Mais les meilleurs restent ceux de Pauline. Elle fait fondre le chocolat dans la casserole avec le lait et ajoute un mélange d'épice automnale. Elle n'oublie jamais de décorer la chantilly avec de petites perles de sucre colorées. La quintessence des remèdes contre la déprime.

Je vois que Chloé apprécie aussi son thé et elle me sourit, pensant sûrement à la même chose.

– Je suis agréablement surprise par cet endroit, lance-t-elle. Il ne paye vraiment pas de mine, et pourtant ce qu'ils proposent est excellent. Tu veux goûter ?

Elle pointe sa pâtisserie entamée du bout de sa petite cuillère. Plusieurs couches se superposent sur un biscuit nougatine et sous un glaçage rouge sang. Je me laisse tenter et prends une bouchée dont les saveurs imprègnent chacune de mes papilles. C'est une explosion de bonheur sur ma langue. Des notes de vanille se mêlent à la confiture de framboises qui fond sous la couche de chocolat blanc, et la nougatine possède ce sucre pétillant qui crépite dans ma gorge.

Hating, Craving, FallingOù les histoires vivent. Découvrez maintenant