CHAPITRE 27

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J-33 avant la tournée

Le 10 août

Pendant les quelques jours qui suivent, je reste au lit. Enfin, mon corps y reste, mais mon esprit est ailleurs, partout à la fois. Je ne cesse de repenser à tout ce qui s'est passé, à tout ce que j'ai dit et fait, aux reproches de Ruggero et aux visages de mes amies, figées comme des statues dans le couloir... Je ne cesse de me demander comment on a pu en arriver là.

J'étais plus heureuse que jamais. Je venais enfin de trouver le moyen de concilier tout ce que je désirais – ma musique, mes fans, ma carrière... et une relation simple et stable avec un homme qui tenait autant à moi que je tenais à lui.

Et voilà que je suis brutalement renvoyée à une vie qui n'aura jamais rien de normal. Je me laisse retomber sur mon oreiller. Il m'arrive de laisser échapper de drôles de bruits malgré moi, des grondements rauques de bête blessée, comme si j'étais prise dans un engin de torture qui me vrillait les tripes. Comment ai-je pu être aussi égoïste ? Je n'aurais jamais dû révéler ma relation avec Ruggero au public sans qu'on en discute tous les deux. S'il avait su exactement ce qui l'attendait, il aurait peut-être refusé de m'accompagner en tournée mais, au moins, il aurait été prévenu.

Je m'assieds dans mon lit et regarde par la fenêtre. Il fait nuit, de nouveau. Chiara ne va pas tarder à m'apporter quelque chose à manger, un petit repas tout simple mais délicieux auquel je vais à peine toucher. Carolina va lire mes mails et me tenir au courant des nouvelles et de l'avancée des préparatifs pour la tournée. Je vais hocher la tête et la remercier sans rien réellement entendre de ce qu'elle m'aura dit. Mon téléphone vibre sous les couvertures. Ça fait des jours que je n'y ai pas touché, ou seulement pour contempler avec horreur les bulles d'alerte qui s'accumulent en une avalanche de messages et d'appels manqués. Pourtant, cette fois, quelque chose me pousse à regarder.

C'est ma mère.

Je décroche et approche le téléphone de ma joue, mais quand j'essaie de dire « allô », je ne parviens qu'à émettre un petit couinement pathétique.

– Ma chérie ?

J'entends la petite sonnerie que fait sa voiture quand la portière est ouverte, puis le bruit du moteur.

– Ma puce, qu'est-ce qui ne va pas ?

– J'ai tout gâché ! dis-je une fois que j'ai repris mon souffle et que mes larmes semblent taries. J'avais oublié tout le mal que je risquais de faire aux gens que j'aime, sans même y réfléchir.

– Ma puce, on en a déjà parlé, de tout ça.

Ma mère m'a appelée quelques heures à peine après les révélations concernant la mère de Ruggero. J'ai bien senti qu'elle aurait voulu venir me réconforter et j'ai presque hésité à le lui proposer. La petite fille en moi aurait apprécié de pouvoir rester couchée tandis que ma mère me caressait le dos et m'assurait que tout allait s'arranger, mais j'aurais trouvé ça injuste. C'est Lodovica qui devrait pouvoir réclamer des câlins et des mots d'encouragement à sa maman quand elle en a besoin, pas moi.

– Ce n'est pas ta faute, répète ma mère pour la énième fois. C'est moche, ce qui s'est passé, mais tu n'en es pas responsable.

Je secoue la tête, comme si elle pouvait me voir depuis sa voiture.

– Mais peut-être que Ruggero a raison ! Je ne suis peut-être pas la personne que je crois.

J'entends maman soupirer puis mettre le clignotant.

– Tu te rappelles quand on faisait accorder le piano ? Tu sais, le piano droit qu'on avait dans la première maison ?

J'aperçois mon reflet éploré dans la vitre et m'essuie les joues.

Sing! [ADAPTATION] - TERMINÉE Where stories live. Discover now