CHAPITRE 11

100 11 5
                                    

J-77 avant la tournée

Le 27 juin

– Tu es sûre que tu ne veux pas aller changer de chaussures ?

Il est tard – presque 22 heures – quand Ruggero me rejoint derrière la maison, en haut du petit escalier de bois qui franchit la dune avant de redescendre vers la plage. Je porte mes bottines préférées, mais le talon de l'une d'elles s'est coincé entre deux lattes.

– Tu m'as dit qu'on n'allait pas loin, dis-je dans un murmure.

De hauts buissons nous séparent de la maison, mais je méfie. Les sons portent étonnamment loin au bord de l'eau.

– Non, on ne va pas loin, mais... Enfin, on va marcher dans la nature, quoi, rétorque Ruggero avec un sourire amusé. C'est par là, ajoute-t-il en désignant, entre les arbres, le début d'un sentier que je n'avais encore jamais remarqué.

C'est moi qui ai eu l'idée de nous retrouver en pleine nuit. Rugge a proposé de m'emmener déjeuner ou faire un tour en bateau, mais il y a toujours le risque que quelqu'un nous prenne en photo, même ici. Et puis, surtout, je ne voulais pas avoir à me justifier auprès de Chiara et Carolina. Elles vont me dire tout ce que je sais déjà – qu'il est beaucoup trop tôt, que je refais toujours la même erreur, que j'ai besoin de passer du temps un peu seule... Sauf que, si je suis venue ici, c'est aussi pour me détendre et m'amuser. Eh bien, justement, depuis que je passe du temps avec Ruggero – ou à papoter par textos, ou même simplement à penser à lui – je me sens beaucoup plus sereine et détendue. Ça faisait longtemps que ça ne m'était pas arrivé.

– On y est presque, lance-t-il pour m'encourager.

Il marche devant moi, son téléphone allumé pour éclairer le chemin, et se retourne régulièrement pour s'assurer que je le suis sans problème. Il m'a dit qu'il voulait me montrer quelque chose, mais maintenant que je me retrouve à marcher sur des rochers au milieu de la nuit avec mes talons, je regrette de ne pas avoir au moins prévenu Michael. J'imagine déjà les gros titres... « Valentina Zenere laissée pour morte dans les bois par un inconnu aux yeux noisette » « Partie en quête d'amour, la chanteuse trouve la mort » Je suis sur le point de suggérer qu'on fasse demi-tour quand il débouche sur une clairière en haut d'une falaise.

– Qu'est-ce que tu en penses ? demande-t-il en s'approchant du bord.

À nos pieds, un immense étang en forme de haricot luit sous la lune, à peine ridé par la brise. Tout autour, les falaises sont surmontées de grands arbres au feuillage délicat. C'est d'une beauté à couper le souffle, une beauté irréelle, comme si je venais d'entrer dans un livre illustré.

– Pas mal, hein ? reprend-il en me guidant le long d'un chemin qui descend vers une autre saillie rocheuse, un peu plus bas.

– C'est magnifique, mais c'est quoi, en fait ?

– C'est une ancienne carrière de pierre, m'explique Ruggero. Et, accessoirement, ma piscine préférée.

Je jette un rapide coup d'œil à ma robe-chemise. Erreur tactique numéro deux.

– On n'est pas obligés de se baigner, ne t'inquiète pas, ajoute-t-il. Je voulais juste te
montrer.

Il essuie une grosse dalle de granite et me fait signe de m'asseoir.

– Je viens ici pour regarder les étoiles, parfois.

Je lève les yeux vers le ciel limpide et criblé de constellations.

– C'est incroyable !

Ruggero remonte le long du chemin et j'entends des aiguilles de pin craquer sous ses pas.
Quand il revient, c'est les bras chargés de petites branches et brindilles. Il les dépose dans une espèce de trou creusé dans le sol tout près de moi, et je comprends que c'est pour y faire un feu de joie.

Sing! [ADAPTATION] - TERMINÉE Where stories live. Discover now