CHAPITRE 23

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J-46 avant la tournée

Le 28 juillet

– Répartissez bien votre poids sur vos pieds. Ils doivent être stables et fermement ancrés au sol.

Carolina, Chiara et moi sommes debout sur la terrasse – dans la posture de la montagne, plus précisément – tandis que Sol nous dirige, dos à l'océan, sa longue tresse ramenée devant une épaule. Je tente de me concentrer, mais en vain. Je tiens à peine en place.

– En trouvant votre équilibre, vous allez vous sentir en paix avec vous-même.

Je m'esclaffe un peu trop fort, et Carolina me donne un coup de coude.

– Désolée, dis-je en baissant les mains. De toute ma vie, je ne me suis jamais sentie aussi peu paisible ou équilibrée.

Sol ouvre les yeux.

– Vous voulez qu'on reporte cette séance ?

Je lui adresse un sourire reconnaissant, mais Carolina intervient.

– Pas question. Si Valu veut se morfondre et se lamenter, elle n'a qu'à aller s'isoler. Nous, on fait du yoga.

Chiara me jette un coup d'œil contrit et je vais m'installer sur la balancelle. Carolina n'a pas mâché ses mots, mais elle n'a pas tort. À leur retour, hier soir, j'ai passé la moitié de la nuit à leur raconter en boucle tout ce qui s'était passé : le dîner chez Ruggero, l'apparition surprise de Sebastian, notre journée à la plage, les billets d'avion pour Bali et la visite de Ruggero.

Elles ont fait preuve d'une patience exemplaire pendant que je ressassais tout ça en me demandant si je devais rester sur l'île avec Ruggero ou repartir avec Sebastian et lui accorder une seconde chance.

Elles m'ont écoutée et m'ont posé des questions, mais ont refusé de me donner le moindre conseil. Je me suis rendu compte que leur silence était lourd de sens. Ça ne leur fait pas plaisir de me voir prisonnière d'une énième tragédie romantique. Quand Sol est arrivée ce matin, après le petit déjeuner, et qu'elle nous a proposé une séance de yoga, on est toutes tombées d'accord sur le fait que j'avais besoin de me changer les idées, mais ce ne sont pas quelques salutations au soleil qui vont m'aider à démêler mes sentiments.

– Je vais faire un tour, dis-je en me levant.

Elles sont dans la posture du chien, tête en bas. Chiara me fait coucou d'une main en prenant bien soin de ne pas perdre l'équilibre, et Sol m'adresse un sourire à l'envers. J'emprunte le chemin qui mène à la plage et m'assieds en haut du petit escalier de bois. Là, je ferme les yeux et j'écoute le fracas régulier des vagues. Je me suis toujoursfélicitée de ma faculté à trancher rapidement, sans regrets. C'est une question de survie, en fait. Quand on doit prendre mille décisions par jour, on n'a pas le temps ni l'énergie de réfléchir trop longtemps à chacune d'elles.

Ici, en revanche, j'ai tout le temps que je veux. J'en viens presque à souhaiter que les circonstances soient moins tranquilles – que quelque chose vienne me pousser dans une direction ou une autre.

Dans trois semaines, je dois rentrer à New York pour commencer les répétitions en vue de la tournée. J'avais prévu de rester sur l'île jusqu'au bout, avec mes amies et avec Ruggero. Je ne me sens pas encore prête à partir, mais vraiment pas. On commence tout juste à prendre notre histoire au sérieux, Ruggero et moi. Je ne sais pas ce qui va se passer à mon départ – ça me fait trop mal d'y penser –, mais je ne m'envisage même pas d'écourter le temps qui nous reste. Ça me paraît complètement absurde de m'envoler pour un pays lointain en compagnie de quelqu'un d'autre.

Sing! [ADAPTATION] - TERMINÉE Where stories live. Discover now