CHAPITRE 15

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J-65 avant la tournée

Le 9 juillet

Dès que l'ingénieur du son et le producteur envoyés par le label arrivent, un peu plus tard dans l'après-midi, le monde se met à tourner à toute vitesse. Ils branchent leurs ordinateurs et leurs consoles, ajustent les niveaux et installent les micros dans de petites cabines d'enregistrement sur roulettes qu'ils ont apportées avec eux. Une énergie nouvelle me court dans les veines, un frisson de satisfaction à voir que tout se met en place.Ramallo, le producteur, est nouveau dans l'équipe. C'est donc la première fois que je travaille avec lui. Il vient de Londres, alors on passe un moment à discuter des différentes salles de concert où j'ai joué et des meilleurs endroits où manger un fish and chips.J'accroche tout de suite. Il déborde d'idées pour les nouvelles pistes et, même si je n'en suis plus à mon premier album, je trouve toujours ça aussi génial de sentir que ce que j'ai écrit enthousiasme le reste de l'équipe.Le lendemain matin, on s'installe sur la véranda. Ramallo veut capter l'ambiance de l'île– le bruit des vagues, le cri des mouettes – et me demande de jouer la chanson exactement comme je l'ai conçue. Carolina court me chercher ma guitare, tandis que Chiara s'assure que nous avons de quoi boire et manger sous la main. Elle m'apporte un thermos de mon infusion au gingembre préférée, ainsi qu'un sachet de bonbons au miel. J'en prends un,tout en relisant les paroles que j'ai notées dans mon carnet.


Quatre heures et plus de trente prises plus tard, on fait une pause pour le déjeuner.C'est fou comme le temps file quand j'enregistre un morceau. Chaque étape demande beaucoup de finesse, que ce soit le choix des instruments ou des voix secondaires, des harmonies ou du tempo. Je pars toujours de l'intention générale que je veux donner au morceau. « Anchors », par exemple, a commencé comme une ballade mélancolique, maisje tiens à y imprimer un élan joyeux et confiant. C'est tout le contraire d'une chansond'amour triste ; ça parle de la sérénité que j'ai retrouvée ici, de la certitude de savoir ce que je veux. Ramallo semble me comprendre sans que j'aie besoin de lui expliquer.En regardant par la fenêtre, je vois Chiara mettre la table dans la cuisine. Elle a passé la matinée à faire rôtir un poulet entier et des légumes achetés à une ferme toute proche. Je la regarde disposer tout ça dans les assiettes avec soin pour que ce soit joli, tellement concentrée que, quand je cogne doucement sur la vitre, elle ne réagit même pas.


– Ça va ? me demande Carolina tandis que les garçons se lèvent et s'étirent.


L'ingénieur du son sort pour fumer une cigarette. Jorge et Ramallo en profitent pour lire leurs mails et leurs messages.


– Super ! dis-je en souriant. Qu'est-ce que tu en penses ?


– Ça déchire, répond-elle en hochant la tête. Vraiment, c'est top !Je lui jette un coup d'œil sceptique.


– Honnêtement, Caro.


– Honnêtement ? Je n'ai rien entendu du tout. Pas une seule prise. J'ai aidé Chiara à préparer un repas qui convienne aux divers régimes de ces messieurs et je reviens tout juste d'une chasse à l'eau gazeuse à travers toute l'île. (Elle se penche vers moi et adopte un faux accent italien.) Figure-toi que Ramallo aime par-dessus tout la San Pellegrino.


J'éclate de rire. Caro aussi, mais bien vite je la vois froncer les sourcils. En suivant son regard, j'aperçois un cadre qui a été renversé, sur la table basse. C'est une photo qui représente son père et son frère dans le hamac du jardin. Elle se penche pour la ramasser et l'emporte dans la maison.

Sing! [ADAPTATION] - TERMINÉE Where stories live. Discover now