CHAPITRE 22

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J-47 avant la tournée

Le 27 juillet

– Ils pourraient quand même en faire de plusieurs tailles.

Sebastian est debout dans l'eau, le jean retroussé à mi-mollets, à côté d'un kayak rouge. Je suis déjà installée dans le mien. Je plante le bout de pagaie dans l'eau pour m'éloigner de la plage et lance par-dessus mon épaule :

– Tu viens ?

Sebastian arrive à caler ses longues jambes dans le petit bateau, mais ça l'oblige à replier les genoux à un angle inconfortable.

C'est moi qui ai eu l'idée de faire du kayak et je mentirais si je prétendais que je n'étais pas consciente du défi que ça représenterait pour Sebastian. Ce n'est pas un grand intrépide. La seule fois où j'ai réussi à l'emmener en randonnée sur les hauteurs de Los Angeles, il a eu peur d'une branche morte sournoisement déguisée en serpent. Il cherche rarement à repousser ses limites, alors j'ai décidé de le mettre à l'épreuve, pour voir s'il est vraiment sérieux.

– Tu ne veux pas qu'on aille déjeuner, d'abord ? demande-t-il en se démenant pour avancer en ligne droite.

– On vient tout juste de prendre le petit déjeuner, je te rappelle. Et puis, tu ne te déplaces jamais sans tes provisions, dis-je ne désignant le gros sac à dos qu'il a tenu à embarquer. Tu as d'autres excuses bidon à me sortir ?

Sebastian sort sa pagaie de l'eau et la cogne doucement contre l'arrière de mon kayak, ce qui manque me déséquilibrer.

– Attention, lance-t-il sur un ton joueur. Je ne suis pas très doué, tu sais.

– Tu apprends vite, dis-je en m'éloignant rapidement. Allez ! Le dernier arrivé à la pointe remorque l'autre au retour.

Il ne nous faut pas longtemps pour atteindre la petite plage abritée au bout de la péninsule. On sort nos bateaux de l'eau, et Sebastian sort une serviette, qu'il étale soigneusement sur le sable. J'enlève mon t-shirt et ajuste le haut de mon bikini, surprise de ma timidité soudaine. Il ne m'a pas fallu longtemps, au début de notre relation, pour cesser de voir en lui le « Sebastian Villalobos, bourreau des cœurs » dont parlaient les magazines, mais il semblerait que je sois revenue à la case « départ ».

Allongé sur le dos, Sebastian étend les jambes avec un soupir.

– Je crois que je pourrais m'habituer à cette vie, commente-t-il.

– Moi, c'est déjà fait.

Il se tourne vers moi, une main en visière.

– Ça te réussit, le grand air, on dirait.

Appuyée sur les coudes, j'observe l'océan qui ondule sous le ciel bleu pâle. J'ai l'impression d'être au bout du monde.

– Le calme m'aide à réfléchir.

Sebastian ramasse une poignée de sable et la laisse filer pour ne garder que quelques petits galets tout lisses.

– New York ne te manque pas un peu ?

Je hausse les épaules.

– Un peu, au début. Ça m'a fait tout drôle d'avoir autant de temps libre.

– Tu m'étonnes !

Sebastian se rallonge et roule les manches de son t-shirt blanc, exposant sa peau pâle qui luit presque sous les rayons du soleil.

– En tout cas, toi, tu manques à New York. Le 14 juillet sans toi, ce n'est pas pareil.

Il sort son téléphone pour me montrer des photos de ses amis sur la terrasse d'un gratte-ciel – ses amis qui sont devenus les miens, mais à qui je n'ai pas parlé depuis la rupture. C'est étrange : dès le début, nos deux vies se sont conjuguées à la perfection, pourtant il m'a été très facile de tout simplement disparaître de la sienne.

Sing! [ADAPTATION] - TERMINÉE Where stories live. Discover now