La Souveraine (3)

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Le soleil se mourait à l'horizon. Dans la pâle lumière orangée de ses derniers rayons, qui nimbaient les cimes des arbres d'un halo d'or rougeoyant, se tenaient les nombreux Nobles suffisamment proches de la famille royale pour assister au mariage. Leurs tenues d'apparat, ornées de multitudes de joyaux scintillants et de plumes qui frémissaient au moindre mouvement, semblaient déplacées dans cette profusion de verdure. Non loin de leurs pieds clapotait une petite rivière paisible, et dans ses eaux claires, une multitude de joyaux brillaient d'un pâle éclat.

Et soudain, ils apparurent. Côte à côte, leurs mains unies et leurs doigts entrelacés, ils semblèrent se matérialiser sous le couvert des conifères, soulevant un vent de murmures dans l'assemblée. Sanglée dans une sobre robe noire qui faisait ressortir sa peau diaphane et ses cheveux couleur neige, Eliane avait fixé son regard loin au-delà de la masse informe de courtisans qui l'attendaient. Vilhelm, habillé du bleu pâle propre à sa province, regardait droit devant lui, comme transcendé par ce qu'il avait vécu. Tous deux semblaient irradier de l'intérieur et se mouvaient d'une démarche emplie d'assurance, portés par une certitude absolue.

Ils s'avancèrent ensemble jusqu'au cours d'eau qui les séparait du reste de la Cour, étendirent leurs bras joints au-dessus de l'eau claire, ouvrirent leurs doigts entrelacés comme au ralenti. Un cristal transparent emprisonné entre leurs paumes fit siffler l'air, s'enfonça dans un creux des flots en silence, cogna doucement contre le fond de la rivière. À l'instant où il effleura les autres pierres du fond, une intense lumière blanche, radiant du cœur du joyau, transperça l'eau. L'assemblée retint son souffle, subjuguée.

— Par la terre qui crée et l'eau qui détruit... entonna Eliane.

— L'ombre qui glace et la lumière qui réchauffe, poursuivit Vilhelm.

— Et par le ciel qui unit, continuèrent-ils d'une même voix, nous nous présentons à vous comme vos souverains.

La foule psalmodia :

— Que les arcanes vous guident et vous protègent.

Une ébauche de sourire caressa les lèvres d'Eliane lorsqu'elle enchaîna avec les promesses rituelles :

— Nous nous efforcerons toujours d'être justes et bons, droits et honnêtes, protecteurs, unis dans l'adversité.

— Et dusse l'un d'entre nous passer de vie à trépas, l'autre poursuivra notre œuvre jusqu'à la majorité de notre héritier.

— Telle est notre promesse sur les arcanes, achevèrent-ils à l'unisson.

Un souffle de vent froid balaya l'orée de la forêt, arrachant un frisson autant aux arbres qu'aux hommes présents. Seule Eliane ne trembla pas, malgré ses bras dénudés jusqu'aux épaules. Et quand Vilhelm la consulta d'une brève œillade anxieuse, elle lui rendit un sourire, fugitif mais rassurant, qui sembla le conforter quelque peu. De longues secondes s'écoulèrent dans un silence lourd, uniquement troublé par les hurlements d'un vent qui forcissait. Lorsqu'il en vint à arracher les épines des conifères, une soudaine obscurité tomba sur les jardins, semblable à un épais nuage de brouillard sombre, seulement transpercé par la lumière qui irradiait des cristaux au fond de l'eau.

Moins calme qu'elle ne l'affectait, Eliane sentit son cœur rater un battement, puis se mettre à cogner dans sa poitrine quand, dans les rayons de lumière dansant qui jaillissaient des flots commença à se matérialiser une forme humanoïde. D'abord indistincts, ses contours se précisèrent peu à peu, jusqu'à dessiner une silhouette féminine à l'allure éthérée, dont les pieds effleuraient par instants la surface de l'eau. Le vent tomba.

Inconsciente des Nobles qui la fixaient avec de grands yeux abasourdis, l'apparition riva ses iris d'argent liquide sur le couple royal et sa voix s'éleva, claire et chantante.

Dynasties / ElianeWhere stories live. Discover now