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Nous sommes là, en rond, mains dans les mains. Je ne connais presque personne. Pourtant, un sentiment de paix m'envahit. C'est la troisième fois que je me retrouve dans cette situation. Ce lieu ne m'est pas inconnu. Une petite boîte symbolise sa montée aux cieux. Greg me serre fort la main. Des types creusent et enfouissent les quelques débris contenus dans cette boîte. Tout autour de moi est plongé dans le silence. Un monsieur s'avance : sûrement un ami. Il entame un long discours d'hommage et tout le monde applaudit. Les discours s'enchaînent, les prières et les chants montent au ciel dans un murmure sourd. Sentiment ou haine, peu importe aujourd'hui est un jour de paix. Chacun s'embrasse, les amis partent. Il ne reste plus qu'eux et nous leur bras droit, leur soutien en quelques sortes. Ils m'avaient raconté, l'autre soir, que du côté de leur père, il ne reste plus qu'eux. Ils toucheraient sûrement une grosse somme d'argent. Le seul souvenir qu'ils ont de leur père. Nous restons autour de la pierre marbrée ensemble, unis. Personne ne prononce de mots, pas même Eliot.

Une dame en tailleur et talon haut s'approche. Elle les salut tandis qu'Albane, et moi, reculons. Nous pouvons à peine distinguer ses mots. Toutefois des débris me parviennent : " votre mère...vit...contacter" et ce fût bien assez. La femme qui devait donc être une assistante sociale s'en va, les laissant béa. Lorsqu'ils se retournent vers nous, leurs visages sont si pâles qu'on aurait dit qu'elle leur avait annoncé une horrible chose. Nous les regardons. Ils se regardent. Ils lèvent les yeux vers nous. Je remarque qu'ils ont tous un grain de beauté au coin de leurs lèvres supérieures. Ça me rappelle quelqu'un mais je n'arrive pas à me souvenir qui ? 

-" Notre mère est vivante. Elle vit ici." 

Voilà les seuls et uniques mots qu'ils ont prononcé. Le choc est terrible. Quelle mère peut faire ça à ses enfants ? Si elle habite ici même c'est qu'elle doit sûrement les connaître même peut-être leur rendre visite... C'est un cauchemar éveillé ! Cette femme vit juste sous leurs yeux sans que personne ne soit au courant. Ces trois enfants sont merveilleux et elle ne fait rien ! A ce que raconte Joé, leur mère était génialisime avec eux jusqu'à son départ et elle, elle ne daigne même pas se présenter. Mais comment une telle injustice peut-elle arriver ? A t-elle d'autres enfants ? Un mari ? Toutes ces questions me passent dans la tête. Je les aperçois aussi dans le regard lointain de Greg. 

Il est tard. Albane s'en va tandis que je reste avec les Maltais. Nous rentrons chez eux. La porte est ouverte. Bizarre, je me souviens très bien qu'Emy l'a fermée en partant. Joé  et Grégoire échangent un coup d'œil. Grégoire passe sa main sur mes épaules. Son geste me rassure. Emy tient fermement Eliot dans ses bras. Il se passe quelque chose d'anormal mais apparemment habituel. Jo prend un morceau de féraille caché dans un bosquet. Il s'avance en premier. J'ouvre la bouche mais Greg me plaque sa main. Je n'arrive plus à respirer. Nous entrons très doucement. Les cadres et tableaux sont brisés, les meubles sont retournés, le canapé déchiré, les baies vitrées sont fissurées. Tout est foutu. C'est un vrai carnage. Seul le piano trône au milieu de la pièce.

- Bordel ! hurle Greg

Je lui serre doucement la main.

- Manquait plus qu'eux, souffle Emy.

- Merde, ce connard de père a dû replonger ! crie Jo.

Je ne comprends plus rien. Leur père était-il un malfaiteur ? un drogué ? un trafiquant ? Cela expliquerai sûrement la question du foyer d'accueil de l'autre soir... Soudain, mon regard se pose sur une enveloppe. Je donne un petit coup de coude à Greg et la lui désigne. Il la prend et l'ouvre. Il la lit à voix haute :

- Ce n'est qu'un au revoir. Toutes nos condoléances à Chouro.

Nous nous regardons perplexe. 

- Nous devrions appeler la police, déclarai-je pour briser le silence.

- NON ! répondent-ils. 

- Tu ne feras rien du tout, Ju ou nos vies seront en danger. Ils ont eu ce qu'ils voulaient. En plus, il est mort. On aura plus de problème.

Je les regarde tristement. D'un côté leurs réactions étaient inappropriées et d'un autre peut-être avaient-ils raison au vue de leurs expériences ?  

Spring will be rebornWhere stories live. Discover now