1. Scène d'ouverture

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Les centaines d'écrans dévoilent des chambres, le jardin, les plateaux, les studios, la cuisine. Elle s'y voit déjà.

Puis c'est une pression sur son épaule qu'elle ressent.

– Si je peux récupérer mon classeur, déclare un scripte en se tordant entre deux tables de mixage.

Bon, pour l'instant, elle gêne.

Jenna s'en va récupérer ses affaires dans le hall. Son casier n'est pas refermé qu'elle allume son téléphone et découvre un message non lu.

Son cœur bondit lorsqu'elle reconnaît le numéro de la production.

« Audition en urgence suite au désistement d'une candidate. Retrouvez-nous au département des castings, 19H00 ».

– Oh, cette fois c'est pour moi ! lâche-t-elle.

Jenna fuse vers les bureaux, tout à l'opposé de l'aile technique, elle fait des exercices de respiration pour contenir l'excitation qui la submerge.

Pourtant elle ne peut s'empêcher de fantasmer : elle s'imagine décrocher le sésame, être projetée sur le devant de la scène et alors sa vie entière change.

Elle pourra racheter une nouvelle voiture, finies les pannes surprises, pour de bonnes ou de mauvaises raisons. Elle paiera les crédits de son père qui se tue lentement au travail, et surtout, la gloire, la reconnaissance...

Jenna est proche de l'hyperventilation tant elle s'emballe.

– Concentration, s'ordonne-t-elle alors qu'elle passe la porte de l'auditorium.

Il est bientôt dix-neuf heures.

Aucun signe de vie. Tant mieux si c'est la première. De mémoire, les derniers éliminés n'étaient qu'au nombre de trois.

Elle se redresse, vérifie rapidement sa coiffure avec la caméra de son smartphone. La pièce est calme. Le département des castings ne sert plus qu'aux bureaux administratifs, tous fermés dès dix-huit heures.

Elle entend une porte s'ouvrir dans le couloir.

– Merde !

Bien sûr qu'ils n'allaient pas utiliser l'auditorium pour si peu.

Jenna repère la pièce d'où un rayon de lumière s'échappe. Elle frappe avec assurance.

Pas de réponse. Elle passe sa tête par l'embrasure.

– Y'a quelqu'un ?

Les néons n'éclairent qu'une pièce vide. Jenna ne peut s'empêcher de relire le texto. Bien sûr, le réseau ici est mauvais, impossible d'appeler la directrice de casting.

– Audition en urgence. Ils n'ont pas l'air si press...

Un crissement l'interpelle. Il provient de la pièce voisine, un second bureau communicant.

– Y'a quelqu'un ? répète-t-elle.

Elle pénètre dans l'autre bureau désert, pourtant baigné de la lumière clinique d'un néon grésillant. Quelque chose cloche.

– Oh, put' ! crie-t-elle en lâchant son sac.

Une Silhouette émerge de l'armoire du tableau électrique.

– Je vous ai fait peur ? demande l'homme-silhouette.

Elle grogne, ramasse ses affaires :

– Vous ne m'entendez pas appeler depuis tout à l'heure ?

Il ne réagit pas.

– Vous n'avez vu personne de la prod' ? Et qu'est-ce que vous faites-là ?

Les silhouettes ne seront utilisées que sur le plateau de tournage. Autrement dit, elles vivront avec les candidats. Ce sont des employés de la technique qui revêtiront ce costume gris qui les recouvrent complètement et les rend anonymes lorsqu'ils auront besoin d'intervenir sur les lieux filmés.

A certain endroit, sur le principe de l'ancien fond vert ou bleu, ils seront même invisibles à l'écran. Souffrant de claustrophobie, Jenna s'était dit qu'elle ne pourrait jamais prendre leur place, elle aurait le sentiment d'étouffer.

– Alors ?

– Le casting commence maintenant, dit-il.

Elle se recompose. C'est une mise en scène.

– Ah, d'accord. Qu'est-ce que je dois faire ?

– Courir !

Il referme l'armoire, l'éclat de lumière se reflète sur une lame.

Elle n'a pas le temps de pousser son cri, fonce vers la sortie.

Aucune pensée ne la traverse, seul son instinct de survie parle.

– Prête pour ta scène ? hurle-t-il en riant.

Il vise sa cuisse. Jenna s'effondre dans un couinement. Elle voit la silhouette fondre sur elle.

Il retire la dague.

Alors Jenna frappe, de toutes ses forces, galvanisée par une rage folle. Mais il est plus fort, et la surprise ne l'aide qu'un instant, il l'assomme d'un coup de coude. Puis c'est le noir alors qu'il la traîne jusqu'au bureau qu'ils avaient quitté.

Lorsqu'elle ouvre les yeux, elle se sent à bout de force. Même si elle voulait bouger, elle ne le pourrait pas : des câbles entravent ses mains et ses jambes.

La cruauté de son bourreau n'a pas d'égale, aussi calmement qu'un homme d'entretien en action, il nettoie la traînée de son sang. Jenna s'abandonne.

– Attends, Jenna, c'est l'acte final ! annonce-t-il fièrement.

Il tire sur une corde et Jenna se retrouve hissée, aussi inerte qu'une poupée de chiffon.

La vitre reflète l'effroyable : son propre corps pendu.


*****

Tout bon slasher qui se respecte a sa scène d'ouverture macabre. 

Je ne sais pas vous, mais pour moi celles d'Halloween, et surtout celle de Scream avec Drew Barrymore et le fameux coup de téléphone sont parmi les plus cultes !


LE MAESTROWhere stories live. Discover now