Chapitre 21 - Dîner de famille

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̶  Ton père m'avait demandé de partir à la capitale pour deux raisons : l'une étant de mieux comprendre la situation politique au sein de celle-ci, tout en essayant d'obtenir de nouveaux alliés pouvant nous aider à faire face à la crise que traverse le village. L'autre étant d'obtenir des renseignements sur la double cultivation, commença Nééman, tout en gardant les yeux fermés, afin d'organiser au mieux ses pensées.

Au fil du récit du chasseur, Esh ne put s'empêcher de se sentir responsable devant toutes les difficultés auxquelles il avait dû faire face. L'un des membres les plus proéminents de la Guilde des Marchands l'avait même fait prisonnier, et même s'il n'en avait rien dit, Esh imaginait que leurs méthodes pour soutirer des informations n'avaient sûrement rien de tendre.

Il expliqua ensuite comment il avait réussi à s'enfuir avec l'un des autres prisonniers, un membre de la branche principale de la famille Toshiya. Certes, cette famille était loin de posséder la même force de frappe qu'elle avait avant d'être renversée par les Olamote, mais elle était tout de même, au bas mot, dix fois plus puissante que le village d'Eden.

̶  Je suis donc parvenu à m'échapper avec ce manuel de cultivation, et une promesse des Toshiya d'envoyer deux Miktsoanes résider dans le village pendant deux ans avant la fin de l'année, résuma le géant en sortant un livre recouvert d'un cuir rouge et une lettre scellée par un sceau représentant un phœnix. Ce phœnix rappela fortement quelque chose à Esh, mais il n'arrivait pas à mettre le doigt dessus.

̶  Excellent travail, Nééman ! Le village et moi te devons une fière chandelle. Je vais apporter le manuel de cultivation à l'Ancêtre pour qu'il puisse l'examiner. Tu resteras bien pour dîner ? demanda Yashar, souhaitant faire au moins cela pour remercier le chasseur pour tous ces risques pris.

̶  Bien sûr ! M'as-tu déjà vu refuser un repas ?! répondit Nééman, en reprenant son air jovial habituel.

***

Un peu plus tard, Yashar, ses trois enfants, et Nééman, étaient tous assis autour de la table en chêne de la salle à manger. Au milieu, se trouvait une épaule de Genios gigantesque, préparée par Esh, et Evelle qui baillait incessamment après s'être fait réveillée en plein milieu de la nuit.

̶  Au moins, le village ne manque pas de viande spirituelle, dit Nééman entre deux bouchées.

Evelle, qui était loin d'être une amatrice de viande – mais avait dû se résigner à ne manger que cela – ne put s'empêcher de se plaindre :

̶  Ça c'est sûr. En plus, peu de foyers possèdent les capacités physiques nécessaires pour couper et faire cuir des bêtes avancées sur le Chemin, et même quand c'est le cas, il est rare qu'un Immobile puisse supporter d'en manger sans brûler de l'intérieur. Il n'y en a donc que trop ! Par contre, les légumes sont une toute autre histoire, les agriculteurs ne peuvent plus travailler dans les champs Nord et Est aux périphéries du village sans craindre d'être attaqués, en conséquence les légumes provenant de la périphérie Ouest et Sud doivent être laissés aux Immobiles ne pouvant se nourrir de viande spirituelle.

̶  À votre âge j'aurais tout donné pour pouvoir manger de la viande spirituelle tous les jours. Cela vous permet de cultiver votre physique au moins deux fois plus vite que les autres Cultivateurs ! N'oubliez pas que l'Équilibre nous enseigne à apprécier ce qui nous améliore, et non ce qui nous fait plaisir ! sermonna Yashar.

Voyant que la conversation se dirigeait vers une pente épineuse, Nééman tenta de changer de sujet :

̶  Et toi Guéa, tu n'as pas dit un mot de toute la soirée. Comment vas-tu ?

Les Pions de l'ÉquilibreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant