Chapitre 41 - Progrès

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Le sang d'un nouvel ennemi était en train de couler sur ses crocs. Décidément, même le sang des humains avait un goût repoussant. Mais quand il en tuait un, dix autres le remplaçaient, et très vite, son sang venait rejoindre celui de ses ennemis, à l'intérieur de sa gorge.

Cependant, il ne pouvait se permettre de mourir ici. Sa famille devait être mise à l'abri, et son père se devait d'être vengé. Pourtant, la volonté ne pouvait ignorer éternellement les limites de son physique, et sa vision commençait à s'assombrir.

C'est alors qu'une étoile d'espoir rayonna dans la grotte, emportant avec elle la vie de ses ennemis, comme s'ils n'avaient été qu'un mauvais rêve.

Père ? ne put-il s'empêcher d'espérer en voyant une fière figure lui tournant le dos, comme pour bloquer tout danger qui aurait l'audace de s'en prendre à lui.

Il dut, cependant, très vite se rendre à l'évidence : son père était mort devant ses yeux. Et quand son sauveur se retourna devant lui, sa tache de naissance noire en forme d'étoile, reconnaissable entre mille, vision floue ou non, lui permit immédiatement de comprendre qui s'agissait de Dod, son oncle l'ayant choyé toute son enfance. Celui avec qui il était devenu distant au fil des années. Celui dont il avait tué le fils unique. Celui qui, aujourd'hui, l'avait sauvé malgré tout.

̶ Cours ! lui dit-il d'un ton sec, alors qu'une multitude d'autres ennemis remplaçaient les vaincus, n'hésitant pas à marcher sur les cadavres de leurs propres alliés pour pouvoir réclamer le premier sang.

Il hésita un moment, mais le regard sévère de son oncle ne laissait aucune place à la négociation. Il voulut dire quelque chose, quelque chose pouvant effacer ses crimes envers sa famille, quelque chose pouvant leur permettre de retrouver la relation qu'ils avaient jadis, mais il savait, au fond de lui, que de tels mots n'existaient pas.

Il s'enfuit à la recherche de sa famille, sans regarder en arrière. Akrava avait sûrement trouvé refuge auprès de sa mère, la reine.

Il n'est pas trop tard ! se répétait-il constamment en traversant les tunnels rouges de sang de la grotte.

***

Pantelant, Esh eut un moment de panique en se réveillant couvert de bandelettes, dégageant une odeur de baume spirituel. Il ne put s'empêcher de penser aux combats qu'il venait de vivre, et au danger qu'avait traversé sa famille :

Ce n'est pas ma vie, mais celle de Pisga, ma famille est sauve...

Très vite, la cause réelle de son état actuel lui revint en tête : le sacrifice du lion en cage, qui s'avérerait être l'oncle de Pisga, la course poursuite avec les marchands, la rencontre avec l'agent Tséétsa, et enfin, le moment où il avait décidé de tout miser pour enfin avoir une arme lui correspondant vraiment.

Shelly était absente de la pièce, mais il ne s'en inquiétait pas plus que ça. Elle était certainement avec son père ou sa sœur. Non, ce qui captivait actuellement son attention était un étui long d'une cinquantaine de centimètres, reposant sur la luxueuse armoire en marbre de sa chambre.

Passant outre la douleur qu'il ressentit en sortant de son lit, il se rua vers la fine boîte marron laquée. En s'en rapprochant, Esh comprit tout de suite que l'étui n'était pas ordinaire : il dégageait un air d'ancienneté, et grâce à sa vision accrue par sa cultivation physique, Esh pouvait voir que les particules de poussière se déplaçaient bien plus vite quand elles passaient à proximité de l'étui. Il lut le mot déposé au-dessus :

« Gamin, le moins que l'on puisse dire, c'est que ton arme m'a demandé bien des efforts. Pour qu'elle puisse prendre sa forme optimale, j'ai dû ajouter des matériaux si précieux que je doute que le forgeron de ton village en connaisse l'existence ! T'as intérêt à en prendre soin. Parmi les armes utilisables par un Aspirant que j'ai forgé, c'est sûrement mon plus grand chef-d'œuvre !

Les Pions de l'ÉquilibreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant