Chapitre 7

26 7 20
                                    

Empire, Druus, Draakam – capitale.

De la main, Varyl caressa l'accoudoir d'ébène, sobrement sculpté. Les lignes dessinaient un motif géométrique épuré, ramenaient tout à un rond central sur le dossier. L'Empire.

Le trône était le cœur du pouvoir impérial. Être assis là, après des années dans l'ombre, après des années de minutieuses préparations, était une satisfaction sans bornes.

Varyl savourait l'instant. Dire qu'il avait été là, un jour, dans les rangs de ceux qui s'agenouillaient devant lui. Jusqu'à ce qu'un livre lui ouvre les portes d'un savoir inconnu. Ce seul mot, Orhim, lui avait dévoilé un futur glorieux. Qu'avait-il à perdre à essayer ?

Ils avaient été nombreux à croire l'Empereur Dvorking intouchable, au faîte de sa puissance.

N'avaient-ils rien appris ?

Dvorking avait été retors, oh oui, manipulateur, sans pitié... mais il s'était déjà fait avoir une fois. L'Arköm Samuel, Grand Prêtre d'Orssanc, avait réussi à retourner l'Empereur pour servir ses propres plans. Un génie, n'étant sa fin tragique.

Varyl posa son regard sur le cube de verre près du trône. Les cendres de l'Arköm y avaient été artistiquement agencées et Varyl avait rappelé à ses troupes de prendre grand soin de l'œuvre.

Elle était un rappel utile du prix de l'échec.

Pour l'instant, c'était l'heure du triomphe. Après une journée de combats acharnés, le Palais Impérial était à eux. Il faudrait deux jours complets pour en assurer le nettoyage, mais Varyl ne s'en formalisait pas. Il avait tout son temps, contrairement à ses ennemis. Rien ne pressait.

Dans la lancée de l'assaut sur Druus, ils avaient mobilisé leurs forces pour attaquer simultanément toutes les capitales des Mondes dirigés par les Familles.

Sur Anwa, Kissey était tombée en deux heures, sous les regards d'une population surprise par ce déferlement de violence.

Meren avait capitulé, comme prévu, et sur Ciryatan, peu peuplée, les Prêtres d'Orssanc avaient été retournés. Bientôt, tout serait prêt pour une autre étape de son grand plan.

Bereth résistait encore, mais Varyl était confiant. Quand ils seraient isolés, quand ils s'apercevraient qu'ils n'auraient pas de soutien, pas d'espoir... ils se rendraient, Varyl en était persuadé. Il devait s'assurer de l'armée régulière, les convaincre de sa légitimité. Le Seigneur Seiji serait perméable à des arguments pertinents.

Et dans le cas contraire, Varyl n'aurait aucun remords à lui trouver un remplaçant. En temps de guerre, un accident de plus ou de moins passait vite inaperçu...

À sa surprise, Nienna avait déjà capitulé. Varyl restait méfiant, ses habitants ayant la réputation d'être retors. Même si Dame Yssa avait parfaitement joué sur l'image de la veuve éplorée. N'aurait-elle pas du abdiquer en faveur de son fils ainé, Nelaan, d'ailleurs ? Elle s'accrochait au pouvoir, semblait-il. Y avait-il un coup à jouer ? Après un temps de deuil raisonnable, il pourrait songer à une union pour apaiser les Familles et consolider son pouvoir.

Restait Aranel, où les combats faisaient rage. Aucune avancée notable pour le moment. Varyl devait admettre qu'il avait peut-être commis une erreur ici. La planète était certes majoritairement composée de champs, le véritable grenier de l'Empire, il ne s'était pas attendu à ce que des paysans se défendent aussi bien. Il lui faudrait renforcer ses troupes dès qu'il en aurait l'occasion.

Varyl reporta son attention sur le cercle restreint de ses conseillers. La peur brillait dans leurs yeux, se lisait dans leur attitude. Bien. Il ne comptait pas se montrer plus magnanime que Dvorking. L'Empire se dirigeait d'une main de fer.

Peut-être était-ce la silhouette gracile à ses côtés qui les impressionnait ? Pour l'heure, l'ample capuche était rabattue sur les épaules de l'adolescent, dévoilant un crâne entièrement rasé, un teint pâle, maladif, deux yeux d'un vert vifs et pourtant inexpressifs. Son atout le plus précieux.

–Vous dites que le prince héritier est toujours en vie ? questionna Varyl. J'avais pourtant donné des instructions précises.

–Son corps n'a pas été retrouvé, votre majesté.

Varyl haussa les sourcils.

–J'ai plaisir à entendre qu'au contraire de votre prédécesseur, vous le présumez vivant. Car Orhim me l'a en effet confirmé. Mais il ne peut avoir fui seul. Qui l'a aidé ? Qui doit payer ?

–Nous n'avons pas de preuves, hésita Someri.

–Je n'ai que faire des preuves, si les soupçons sont suffisamment étayés. Le Commandeur, déjà, j'imagine ? Je sais où il se terre, et son tour est prévu. Mais nul ne s'en étonnera. Or, j'ai besoin d'un exemple pour faire rentrer les Familles dans le rang. Qui ?

–Arian ? osa Someri. Le Seigneur Evan était bien vu par le pouvoir. Et un ailé est le chef de sa garde.

Varyl réfléchit, se massa le menton.

–Sa fille était sur la liste de potentielles fiancées pour le prince, si je me souviens. Parfait. Nous allons montrer ce qui arrive à ceux qui s'opposent aux Stolisters.

–Et pour les héritiers ?

–Je crois savoir où ils se cachent. Une délégation a été envoyée sur place pour récupérer des informations. Nul doute que nous y aurons aussi des partisans, n'est-ce pas, Orhim ?

La silhouette à ses côtés acquiesça.

–Ils ne nous échapperont pas.


L'héritage des phénixOù les histoires vivent. Découvrez maintenant