Chapitre 1

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–Mais maman !

–Surielle, je t'ai dit non, répondit Satia.

Maussade, la jeune ailée croisa les bras. C'était frustrant, mais elle savait que sa mère ne changerait pas d'avis.

Ses ailes s'agitèrent en réponse à son humeur. Surielle les détestait.

Oh, elle adorait voler, le problème n'était pas là. Le problème venait de la couleur de ses plumes. Ses parents les trouvaient magnifiques, avec leur teinte flamboyante qui oscillait entre le jaune vif et l'écarlate. Chaque fois que ses ailes bougeaient, on avait l'impression que le feu les animait.

Quand Surielle avait demandé des explications, ses parents lui avaient expliqué que ses ailes étaient un cadeau des phénix. Lorsqu'ils n'étaient pas sous leur forme ardente, ils arboraient ces mêmes plumes, d'un rouge-orangé bordé d'un liseré or. Des plumes que les enfants s'arrachaient ; des plumes que tous étaient heureux d'avoir la chance de ramasser dans les rues car on disait qu'elles portaient bonheur.

Pour les Massiliens, le peuple ailé auquel elle appartenait, ce plumage flamboyant rappelait un souvenir bien moins agréable.

Celui du Commandeur des Maagoïs, Éric aux Ailes Rouges, le traitre à son sang, fer de lance de l'armée impériale, qui avait mené de nombreuses escarmouches lors de la guerre qui avait longtemps opposé l'Empire des Neuf Mondes à la Fédération des Douze Royaumes.

La paix durait depuis un peu plus de vingt ans maintenant, mais la rancune était tenace. Et Surielle voyait bien les regards de ses congénères s'assombrir lorsqu'ils se posaient sur ses ailes.

Elle était trop différente et elle en payait le prix. Difficile de s'intégrer dans un groupe où l'honneur comptait plus que tout. Dès le début de sa scolarité, elle avait été mise à l'écart.

Et maintenant qu'elle avait enfin réussi à trouver des amis, des gens qui se moquaient de la couleur de ses ailes, on lui interdisait de les voir ?

C'était injuste.

–Vas-y.

La voix grave la sortit de ses pensées, elle releva un regard brillant de reconnaissance.

–Oh, merci papa ! Je t'adore !

Sourire aux lèvres, Surielle lui souffla un baiser, ouvrit la fenêtre et plongea dans le vide.

Dans le petit salon, les rideaux ondulèrent, agités par la brise.

Satia soupira alors que deux mains se posaient sur ses épaules.

–Comment veux-tu que je garde une once d'autorité sur elle si tu me contredis tout le temps ?

Lucas rit doucement tandis que ses pouces décrivaient de petits cercles. Satia s'abandonna au massage qui décrispait ses muscles noués, ferma les yeux.

–Je ne sais plus quoi faire avec elle.

–Laisse-lui de l'espace. Elle en a besoin.

Satia ne répondit pas. Elle reconnaissait la justesse de son point de vue ; néanmoins c'était difficile pour elle d'accepter l'indépendance nouvelle de celle qui était restée une petite fille à ses yeux. Surielle avait vingt ans, elle ne devait pas l'oublier. À cet âge, elle était déjà Durckma depuis quatre ans. Sous la tutelle du Souverain de l'époque, Dionéris do Ravière, elle apprivoisait peu à peu le rôle qui serait ensuite le sien.

Et aujourd'hui, elle était la Souveraine en titre de la Fédération des Douze Royaumes, avec son propre Durckma, Jodörm Skarde, depuis déjà huit ans.

L'héritage des phénixOù les histoires vivent. Découvrez maintenant