Chapitre 11 - La lettre au cachet vert

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Sa matinée, Kate la consacra à ruminer dans sa chambre de toutes les manières possibles que ce soit. Elle rédigea bon nombre de lettres à l'intention de Maggie, mais aucune ne lui convenait, craignant que son amie prenne mal le refus de son père, qu'elle pensait malgré tout légitime. Après tout, l'opportunité se présenterait de nouveau à elle un jour, elle avait toute sa vie devant elle pour assister à la finale d'une coupe du monde de Quidditch. Elle s'en fit la promesse.
Le poing timide de sa mère contre sa porte la détourna un moment de ses pensées.

— Une petite partie de dame avec du thé ? lui proposa-t-elle, d'un sourire maternel.
— Oh oui, pourquoi pas...

Après tout, elle pouvait bien laisser cette affaire de côté quelques instants. Son père, peut-être, changerait-il d'avis en revenant. Bien que les chances lui paraissent fort maigres, Kate ne perdit pas espoir.
Elle descendit, ses pas rebondissant sur les marches de l'escalier, et rejoignit Grace qui disposait le plateau sur la table basse du séjour. En voyant sa mère agencer les pions sur le damier, Kate fut rappelée à des souvenirs qui n'étaient pas bien lointains. A l'époque où la guerre faisait encore rage et que les froides journées de la cave se déroulaient à force de s'immerger dans d'interminables jeux de société. Et le jeu de dames avait toujours été le favori de sa mère. Kate regretta cependant de ne pas pouvoir expérimenter ce jour-là la version sorcier, où les palets se gobaient les uns les autres, lâchant quelques fois un rot de contentement.

— Je prends les rouges, décida-t-elle.
— Très bien. Je commence alors.

Malgré tout ce qu'elles eurent vécu ensemble, Grace et sa fille n'avaient jamais été de grandes confidentes réciproques. Kate avait toujours pensé que la barrière de son ignorance moldue la rendait plus proche de son père que de sa mère, qui ne pouvait parvenir à la comprendre entièrement. Seul le jeu, tel que les dames, permettait de délier les langues.

— J'espère que ma lettre de Poudlard arrivera vite... soupira Kate qui fit rebondir son pion sur le plateau.
— Tu as hâte de faire tes courses de rentrée, je présume... !
— Et même d'y retourner... !
— Ça fait plaisir à voir. Quand je pense qu'à ton âge, j'avais horreur de la rentrée. Aujourd'hui encore d'ailleurs !

Depuis la cessation des combats dans le monde des sorciers, Grace avait retrouvé un emploi stable et enseignait à de jeunes élèves de l'âge de sa fille dans une école publique. 

— C'est sûr qu'apprendre la magie doit être bien plus palpitant que de plancher sur des mathématiques !
— Complètement !

Kate eut un accès de rage bien vite dissipé lorsque Grace rafla ses pions d'un passage destructeur de sa dame.

— Dis, maman... 
— Oui ?
— Comment tu as réagi, exactement, quand tu as su que la magie était réelle ? Que les sorciers existaient ?
— J'ai bien été forcée d'y croire ! ricana-t-elle. Lorsque papa m'a sauvée d'un botruc. Au départ, je suis restée très suspicieuse. Mais tu sais, quand il s'agit d'un beau jeune homme comme l'était ton père à l'époque, tu es prête à croire à tout... ! J'ai été jusqu'à provoquer une nouvelle fois la créature qui m'avait attaquée pour le revoir !
— La magie du coup de foudre, sourit Kate, rêveuse.
— Quand on est une jeune fille moldue et que notre existence est morne, sans magie, on rêve toutes d'être une princesse et de pouvoir tomber sur un prince charmant montant un fier destrier blanc. Sur un espion secret séduisant, comme James Bond. Je pouvais croire à tout, mais sûrement pas à rencontrer un sorcier !

Pendant que Kate réorganisait les pions à la fin de cette première partie échouée, Grace alla chercher la théière. 

— J'étais loin du compte avec tous les projets que j'avais pu planifier quand j'étais plus jeune, poursuivit-elle après avoir servi du thé à sa fille. Ce n'était certes pas une vie de tout repos que ton père m'a apportée ! C'est sûr. Mais je ne regrette rien. Si ce n'est le fait de ne pas avoir pu être une sorcière moi aussi...
— Tu aurais voulu aller à Poudlard, maman ?
— Oh que oui... Profite de ta chance...

Bien que le sourire de Grace fût éclatant, Kate reconnaissait dans sa voix un brin de regret. Elle profita de l'hésitation de son prochain coup pour glisser une proposition :

— Pourquoi tu ne viendrais pas avec moi et papa pour faire les courses sur le chemin de Traverse ?
— C'est un moment que tu dois partager avec lui. Aux sorciers les instants des sorciers. 

Kate s'apprêta à répliquer afin de convaincre sa mère de les accompagner, lorsqu'une ombre traversa le rai de lumière qui provenait de la grande fenêtre du séjour, accompagnée d'un bruit d'ailes battantes.

— Un hibou ! s'exclama-t-elle.
— À cette heure-là ? s'étonna Grace en se retournant sur le canapé.

Kate bondit sur ses pieds et accourut vers la fenêtre, qu'elle souleva brusquement. L'oiseau s'engouffra dans la pièce et effectua plusieurs tours dans le salon, éparpillant des plumes dans les airs, avant de se poser sur le dossier du siège sur lequel était assise Kate quelques instants auparavant. Il s'agissait d'un hibou strié, sa tête ronde encadrée de brun et son thorax tacheté de blanc et de noir. A sa patte était ficelée une enveloppe brunie.

— Ça doit être pour ton père...
— Non, maman...

Le cachet vert avait gravé en relief à la cire un os et une baguette magique. Symbole que Kate reconnut immédiatement.

— Ça vient de Ste Mangouste !
— L'hôpital ?

Aussitôt, Grace s'inquiéta et se précipita vers sa fille qui venait de détacher la lettre des griffes de l'oiseau de proie, qui criailla de satisfaction. Kate trembla en donnant le message à sa mère. ...tait-ce un simple courrier pour donner des nouvelles régulières d'Eliot ? Ou pour annoncer... qu'il était mort suite à son trop long sommeil ?
L'appréhension épinglée au cœur, Grace détacha le sceau et déplia la lettre avec précipitation, le regard angoissé de sa fille fixé sur ses expressions. Pourtant, c'est un sourire qui s'étira sur les lèvres.

— Qu'y a-t-il, maman ?
— Eliot... il s'est réveillé !

Ludo Mentis AciemOù les histoires vivent. Découvrez maintenant