Chapitre 25 - L'épouvantard du Chaudron Baveur

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L’air était frais. Il charriait les prémices de l’automne. La brume noyait les environs, avait avalé le lac, les arbres, toute silhouette. Les collines grises disparaissaient au lointain. Au toucher, du bout des doigts, la pierre qui composait les merlons du château était encore humide, imbibée de la dernière pluie. Elle dégageait une odeur de passé, ainsi ravivée par l’eau qui avait claqué à sa surface, comme réveillant l’histoire qui sommeillait en elle.
Le croassement d’un corbeau la détourna de sa méditation : le grand oiseau se posa sur le toit de la tour adjacente. Il cligna sur ses paupières miroitant de sombres reflets bleus et reprit son envol pour tracer un arc de cercle avant d’atterrir en un tourbillon noir qui s’érigea en une silhouette humaine. La cape violine retomba sur la pierre, recouvrant les habits noirs de la nouvelle arrivante, son visage dissimulé dans l’ombre d’une capuche brodée de fils argentés qui représentaient un ciel étoilé. Elle se saisit alors des pans de cette dernière de ses grands doigts blancs et s’apprêta à la retirer.

— Tu as demandé à me voir…

*****



L’étrange son mélodieux d’une flûte arracha en douceur Kate de son sommeil. Désabusée, la jeune fille émergea de son rêve en papillonnant des paupières. Un petit temps d’habituation lui fut nécessaire pour distinguer avec netteté la flûte enchantée qui jouait d’elle-même, lévitant au-dessus de son chevet. Lorsque celle-ci eut achevé son morceau, elle oscilla dans un semblant d’inclinaison avant de rejoindre le tiroir d’où elle provenait, qui se referma de lui-même.

À la fois frustrée et soulagée, Kate soupira en se passant une main sur la tête, appréciant en silence que ses tresses ne soient pas défaites durant son sommeil, elle qui avait tellement l’habitude de devoir brosser chaque matin ce qui ressemblait davantage à une crinière, une jungle truffée de nœuds. Les rideaux étaient ouverts et le soleil qui perçait à la fenêtre annonçait une belle journée.

Tout en s’habillant, Kate ne pouvait s’empêcher de rembobiner ses pensées récentes pour faire de nouveau défiler devant ses yeux les images de ce rêve si étrange. Elle avait reconnu Poudlard, du moins, son semblant ; certains éléments avaient manqué à la vision, comme la cabane de Hagrid ou le stade de Quidditch que l’on aurait dû apercevoir de ce point de vue. Et elle avait entrevu cette femme qui lui faisait penser à la fameuse Sorcière Bleue. Toutes deux portaient une cape violine et semblait attachées au symbole du corbeau. Pourtant, elles ne partageaient ni la même morphologie, ni la même voix. Comme deux sœurs que l’on aurait pu confondre de loin. Kate n’avait eu que deux occasions éphémères pour voir cette Sorcière Bleue à l’identité si mystérieuse et pourtant, son souvenir restait ancré en elle comme si elle l’avait fréquenté des jours durant. Elle en tremblait rien que d’y penser.

Elle manipula la poudre de cheminette avec plus de succès que la veille et n’écopa que d’un vacillement qu’elle récupéra de justesse en se rattrapant à la colonne la plus proche. À la table du petit-déjeuner, Maggie dégustait déjà sa tasse de thé matinale en passant en revue les grands titres de la Gazette. Son amie lui accorda un bref regard accompagné d’un sourire. Au même moment, la double porte qui devait mener aux cuisines s’ouvrit et Gordon, le majordome, fit son apparition, tout sourire.

— Oh miss Whisper, je savais que vous ne tarderiez pas ! Avez-vous agréablement dormi ? 
— Oui, très bien, merci Gordon, lui répondit Kate en esquissant un bref sourire, récupérant encore de son trajet en cheminée.
— Ah, bien, bien, bien, bien ! Je me suis permis de vous réveiller afin que vous puissiez pleinement de votre journée avec miss Dawkins ! Si cela ne vous incommode pas ! Mais dites-moi, que vous ferait-il plaisir de consommer pour le petit déjeuner ? En termes de boissons, j’entends bien ! Nous avons de l’English breakfast, du café, du chocolat…
— Du thé, ça ira bien ! Merci beaucoup !
— Très bien, parfait ! Je m’en vais donc vous préparer ça ! Je vous en prie, prenez place, servez-vous !

Kate hocha la tête et se rendit à la place où il y avait une assiette vide. À côté d’elle, celle de Maggie était déjà garnie d’un œuf, de bacon et d’une petite grappe de raisin blanc. Kate opta pour les pains au chocolat et les viennoiseries, ce qu’elle n’avait pas l’occasion de goûter à Poudlard.

— Au matin, d’Edvard Grieg ? lui lança Maggie, le nez derrière son journal.
— Hein ? s’exclama Kate, qui ne comprit pas de suite.
— Ce que la flûte de Gordon t’a joué. Il adore faire le coup. Avant, il ne me réveillait uniquement que sur cette musique. À sept ans, je l’ai menacé avec sa propre flûte en lui avançant que j’allais la lui enfoncer dans le nez s’il continuait. Mais bon, qu’y puis-je. Il aime beaucoup la musique moldue de tes ancêtres !

L’emploi de l’expression « la musique moldue de tes ancêtres » sonna de nouveau dans les oreilles de Kate comme une singularité, comme si Maggie niait n’avoir rien qu’une seule goutte de sang un tant soit peu moldue dans les veines.

— Ah, et tu as reçu une lettre et demi, au fait.

Elle abattit sa Gazette sur la table pour lui transmettre une enveloppe à la calligraphie soignée. Pourtant, Kate fronça les sourcils de surprise :

— Et demi ? Il n’y a qu’une lettre, là !
— Littleclaws est passée, lui expliqua Maggie qui se consacra de nouveau à sa lecture en touillant son thé. Mais tu la connais : elle préférait m’amputer d’un doigt plutôt que de me céder cette fichue lettre. Ça doit être de ton père. Je pense qu’elle est partie à la volière, tu n’auras qu’à passer récupérer la lettre après le petit déjeuner.

Au même moment, Gordon réapparut pour servir le thé de Kate, servi dans une tasse ciselée et rehaussée de dentelles peintes en or. Il ne s’agissait pas d’un thé banal que l’on pouvait acheter dans une grande surface ou chez l’épicier du coin, mais d’un thé exquis et raffiné, qui n’était sûrement pas à la portée des gens les plus modestes. Kate avait l’impression de gober des gallions entiers chaque fois qu’elle en avalait une gorgée.
Puis, tandis que son amie rêvassait en consultant l’astrologie du jour qui lui soutenait que Vénus lui assurait ce jour-là une bonne santé du côté de ses cheveux, Kate décacheta l’enveloppe violette mystérieuse, qui contenait une lettre aux aspects éminents.

Ludo Mentis AciemOù les histoires vivent. Découvrez maintenant