Chapitre 102 - Andvaranaut et les artefacts de Maëva

2K 129 39
                                    

C'était un son calfeutré, mais un son si doux. Porteur de tant de choses. Quand Kate ouvrit la porte d'entrée du foyer familial, son sac alourdi sur son épaule, elle put le percevoir avec plus de netteté, plus d'intensité. Dans le séjour, Grace s'exerçait au piano. Et cela signifiait tant de choses.
La jeune fille déposa son sac dans l'entrée, sans faire de bruit, puis s'approcha doucement, dans un respect muet, captant chaque note. On remarquait quelques différences : le tabouret surélevé pour éviter de fermer l'angle de son bassin, la pédale moins présente, quelques imprécisions, quelques oublis. Mais c'étaient les mêmes mélodies, les mêmes nocturnes, que Kate connaissait depuis l'enfance à force d'avoir été bercée avec.
Quand Grace eut achevé son morceau, Kate enlaça les épaules de sa mère par derrière et déposa un baiser sur sa joue.

— Je suis si heureuse que tu sois revenue, lui murmura-t-elle à l'oreille.

Émue, Grace caressa le poignet de sa fille.

— Comment se sont passés ces deux derniers jours avec Maggie et Terry ?
— Épuisants, souffla Kate en s'écartant. Les déménagements ! Même quand on est sorcier, c'est tout une épreuve ! Mais c'était très sympa. Et j'en ai profité pour faire quelques achats sur le Chemin de Traverse avec Maggie.

Ses emplettes étaient constituées de ces ingrédients et objets à renouveler, comme des yeux de salamandre, un nouvel astrolabe et un pot de cire pour son Fuselune. Kate attendrait de recevoir sa liste définitive pour se fournir en livres et grimoires en tous genres qui constitueraient son programme de l'année.
Grace récupéra sa béquille, posée en équilibre sur un côté du piano, et se leva en s'appuyant dessus.

— Tu as reçu un colis pendant que tu étais chez Maggie et Terry.
— Un colis ?
— Il a été livré par hibou. Ton père l'a déposé dans ta chambre. Si tu veux, je peux préparer du thé pendant que tu montes tes affaires et après ça, que dirais-tu d'une petite partie de dames ?
— Avec plaisir !

Kate attrapa son sac à la volée et grimpa les escaliers. Dans sa chambre aux couleurs chaudes, Abby faisait la sieste et sa grande sœur passa devant l'entrouverture avec un sourire avant de rejoindre la sienne, aux murs couleur menthe-à-l'eau. Le paquet, volumineux, était là, entreposé sur son lit, sans un mot. Le hibou livreur avait dû partir à l'heure qu'il était. Pourtant, Kate n'avait rien commandé récemment et rien ne justifiait de recevoir un si gros colis. Ce n'était pas son anniversaire, il n'y avait rien à célébrer.
Avec prudence, elle détacha les ficelles qui enveloppaient l'objet mystérieux, que Kate découvrit avec stupeur. Elle reconnut sans mal la petite épée engainée dans du cuir :

— Excallibur ? Mais...
N'osant la toucher, elle se rabattit sur la petite enveloppe qui l'accompagnait, sur laquelle était inscrit son nom dans une calligraphie rigide que Kate connaissait bien à force de l'avoir vue apparaître sur ses parchemins.


« Fräulein Whisper,

Ceci pour vous rappeler de la tâche qu'il vous incombe d'accomplir cet été si vous souhaitez continuer à vivre de manière décente et commode. Après une longue hésitation de ma part, incluant la prise en considération de vos perpétuelles inepties, qu'elles concernent vos choix ou votre gestuelle, j'ai pensé que ce modeste artefact pourrait vous aider dans votre quête. Elle doit m'être retournée sans une rayure, ou croyez-moi que votre forfait risque de vous coûter cher.
J'ose espérer que vous n'avez pas d'ores et déjà égaré la carte dont je vous ai fait don.

Bon courage. Et revenez en vie. Et entière.
Votre Blondkopf serait embêté, autrement.
W.L.W.W. »


Non, Kate n'avait pas oublié sa mission : récupérer l'anneau d'Andvari en Europe continentale. Elle avait déjà planifié son coup, faisant passer son absence pour une invitation chez d'autres de ses amis. Majeure, ses parents ne pouvaient plus intervenir sur ses choix de destination, mais Kate préférait les garder en dehors de toutes ces magouilles concernant l'Immatériel.
Un ricanement derrière son dos éveilla un frisson en elle.

Ludo Mentis AciemOù les histoires vivent. Découvrez maintenant