Ma nuit

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Ma nuit est particulièrement agitée. Malgré le somnifère qu'il m'a donné, je le vois en boucle me cogner, ce qui m'agite.
Je lâche des gémissements qui remplacent les cris. Ma voix refuse de sortir correctement de ma gorge.
Je transpire. J'ai chaud, puis j'ai froid.
Je tremble, pas seulement de froid.
Je le vois encore.
Il est en face de moi. Me cogne, me hurle dessus.
Il me hurle de multiples insultes, ainsi que des mots d'amour. Sa voix transperce le silence, transperce mes oreilles, me fait autant mal que les coups.
Ma respiration est saccadée.
Je vois un désert de sable, puis du noir, des points colorés qui s'installent sur mon champ de vision, puis du blanc, je revois un nouveau des couleurs, puis du sang.
Suis-je éveillée ?
Suis-je endormie ?
Un bourdonnement se fait dans mes oreilles. C'est insupportable. Je lâche un nouveau gémissement de désespoir, à défaut de pouvoir parler.
Ma respiration est de plus en plus saccadée.
Je panique.
Je suis coincée.
Je le vois.
Il va me cogner.
Je ne peux pas bouger. Je ne peux pas bouger. Je ne peux pas bouger.
Je suis paralysée.
Pourquoi je ne peux pas bouger ?
Je ne peux pas parler non plus.
Mon corps a l'air coincé dans du plâtre.
Je suis coincée.
Son regard me transperce. Je ressens un pieu me transpercer, dans le cœur. La douleur est insupportable.
Je ne peux plus respirer.
Je suis coincée et je ne peux plus respirer.
Pourquoi ?
Le bourdonnement est toujours là. Mais maintenant, un battement de cœur se joint à lui. Il est rapide.
Boum boum boum boum boum boum.
Un sifflement.
Un sifflement se fait de plus en plus intense.
Pitié, que ça s'arrête.
J'ai si mal.
Je prends une grande inspiration.
J'avais l'impression de me noyer.
Il n'y avait pas d'eau. Il n'y a pas d'eau.
Il n'y a que du sang.
Le sifflement ne veut pas s'arrêter.
Je vais devenir sourde.
Je hurle.
J'arrive à hurler.
Je hurle à pleins poumons.
Par pitié, sauvez-moi de là.
Je suis coincée.
Je hurle, puis je tousse.
Je suis toujours coincée.

Une main se pose sur mon épaule.
Je sursaute.
Je vais mourir.
Je ne comprends plus rien.
Mais je sais que je vais mourir.

Chhhhht...
Pardon ?
Quel est ce bruit qui me parvient ?
Ma tête tourne. Je tourne.
Je vole. Je plane.

J'entends de la musique.
Boum boum boum boum boum boum.
Ce n'est plus un cœur.
C'est de la musique.

Par pitié, arrêtez ce son. C'est insupportable.
Je veux que ça s'arrête. Je veux que ça s'arrête, par pitié.
Pourquoi ça ne s'arrête pas ?
Pourquoi suis-je encore coincée ?

Lucy, Lucy...
Une voix.
Elle est douce. Elle est féminine.
Elle ne me veut pas de mal.
Tout va bien.
Je suis là à présent, tout va bien. Je suis avec toi. Nous sommes ensemble, rien ne peut nous arriver. Prends ma main Lucy, sers la fort. Je suis là.
Maman est devant moi. Je lui prend la main et hoche la tête.
C'est ça Lucy. Tout va bien. Je suis là pour te protéger. J'ai toujours été là n'est-ce pas ?
C'est pas vrai maman...
Je suis dans ton cœur depuis toujours. Rien ne peut t'arriver. Respire. Regarde-moi.
Ses yeux sont aussi doux qu'elle. Aussi doux que sa main qui caresse ma joue.
Je suis là...
Pour toujours ?
Pour toujours.
Tu vas me protéger ?
À jamais mon enfant, à jamais.
Sa main sur ma joue se fait remplacer par mes larmes.
Non, pitié, maman...
Elle ne répond plus.
Elle n'est plus là.
Mes larmes coulent à flot. Et mes sanglots secouent mon corps.
Maman...Tu étais pas censée m'abandonner... tu n'avais pas le droit ! Tu n'avais pas le droit ! Pitié ! Tu n'avais pas le droit !!
Reviens, je t'en supplie maman ! Reviens...
Ma poitrine se lève et s'abaisse avec force et rapidité. Ma respiration se refait à nouveau saccadée, difficile.

Mon dieu, je vais mourir.
Un poids si lourd est sur mon corps. Ou est-ce mon corps qui se fait si lourd ?
Je ne sais pas.
Je ne sais plus.
Mais je suis toujours coincée.
C'est si lourd.
Et le poids que j'ai sur le corps l'est d'avantage.

Un hurlement se fait maintenant entendre.
Oh pitié... Arrêtez.

Lucy...
Ce n'est pas la même voix que tout à l'heure.
C'est une voix masculine.
Une voix beaucoup trop forte.
Une voix que je n'ai plus entendue depuis longtemps.
Lucy.
Papa.
Tu es morte.
Je ne suis pas morte ! C'est faux ! Tu mens ! Tu mens toujours !
Tu es morte à mes yeux.
Mon cœur se compresse. Je saigne.
Mais je ne t'en veux plus.
Qu'est ce que tu racontes...?
C'est à moi que j'en veux. J'ai merdé quelque part dans ton éducation.
Ma tête me fait mal.
Une gifle s'abat sur ma joue.
Pourquoi ?
Tu n'es qu'une petite effrontée.

Le sifflement revient.
Oh non, pitié !
Laissez moi sortir de là !

Silence.
Du coton dans les oreilles à présent.
Ma tête tourne encore et encore. Je sens mes larmes couler.

Lucy ?
Pas encore ! Pas encore je vous en supplie, j'ai rien fait pour mériter ça. Faites cesser cela. Pitié...

J'entends une respiration.
Lucy ! Lucy, c'est fini. Respire.
Respirer.
J'inspire, j'expire.
J'essaie de me concentrer là dessus.
Respire Lucy. C'est ça, respire.
La voix est masculine. Je la connais.
Tu m'entends Lucy ?
Je fronce les sourcils. Oui je l'entends.
Bien. Tu peux ouvrir les yeux ?
Je fronce à nouveau les sourcils. Je n'y arrive pas.

- Pourquoi Tom, qu'est que tu lui as fait ?! Appelle les urgences. Tout de suite !
- Je peux pas faire ça...
- T'as un portable, tu vas le faire. Je dois la rassurer.
- Ils vont me foutre en taule.
- C'est ce que tu mérites putain.

Non. Non. Non.
Pitié.
Ne me le retirez pas.
Je ne veux pas qu'il parte.
J'ai besoin de lui.
J'ai tant besoin de lui.

Je suis éblouie par la lumière.
- Mon Dieu, Lucy... Tu es avec nous.
- Le... Je... Appelle pas les... Ça va...
La mâchoire de Max se contracte. Il ferme les yeux quelques secondes avant de me regarder à nouveau.
- Tu as besoin d'être soignée.
- Je ne veux pas... Ça va, je te jure.
Ma tête me fait mal, à part ça, ça peut aller.
Il me prend contre lui.
- Quand je t'ai vue, j'ai cru qu'il t'avait tuée. Mais finalement, je t'ai vue respirer, si fort. Tu délirais aussi...
- J'ai parlé à maman...
- Tu as parlé à ta tête Lucy...
- Oui mais... Il y avait maman...
- Ce n'était pas elle. Ce n'était que ton imagination.
- Mon imagination...
- Oui.
- Elle était belle...
- Je te crois...

Mes yeux croisent ceux de Tom. Il baisse son regard sur le sol et s'en va dans le salon. J'entends par la suite ses poings s'écraser plusieurs fois sur le sac de frappes. Puis, ce sont des bruits plus ardents qui me parviennent. Du verre se brise. Des bouteilles. Des bouteilles d'alcool.

LucyWhere stories live. Discover now