C'est lui qui m'a réveillée

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C'est lui m'a réveillée. Ses doigts exerçaient des caresses dans mes cheveux. J'ai doucement ouvert les yeux et j'ai découvert son visage. Ses traits étaient doux et détendus. Je n'avais apparemment rien à craindre. Mais j'ai tout de même eu un mouvement de recul.
- Lucy...Je t'en prie, n'aies pas peur de moi...
- Comment tu veux que je n'aie pas peur de toi après ce que tu m'as fait ? Et après ce que tu m'as dit ? Tu te souviens où tu étais trop déchiré pour que ça te reste en tête ?
Il secouait la tête en le regardant droit dans les yeux.
- J'en étais sûre...
- Je ne me souviens pas de ce que je t'ai dit, mais je sais que je t'ai fait du mal, physiquement mais aussi mentalement. Lucy... Je... J'avais trop bu, ok, j'avais trop bu...
Je laissais un soupir s'échapper et je déclarais le plus simplement possible :
- Alors arrête de boire !
- C'est comme si tu me demandais d'arrêter de respirer.
- C'est pas la même chose !
- Bien sur que si !
- Tu dis n'importe quoi... je marquais une pause avant de reprendre doucement, j'vais te laisser, je m'en vais...
- Et tu comptes aller où ?
- Chez mes parents.
- Et tes parents, ils veulent encore de toi ?
Mes yeux se humidifiaient à l'entente de sa phrase, mon cœur devenait un poids que j'avais maintenant du mal à porter.
- T'as pas...le droit de dire ça !
Ma voix s'était lézardée, je pensais tout de suite à maman.
- Si Lucy. J'ai le droit de faire prendre conscience d'une chose.
- T'as pas le droit de dire ça... Je vais les voir.
Prise d'un élan de courage, je me redressais. Mais, il me faisait retomber sur le lit, beaucoup trop brutalement pour ce que j'avais subi la veille. J'entrouvrais la bouche, une douleur au niveau de mon flanc se faisait ressentir.
- Ne te fais pas de mal pour rien. N'y vas pas.
- Si !
- Essayes ça et je t'attaches. Et crois moi, j'en aurais pas de mal.
- Ça t'as pas le droit !
- Non, j'ai pas le droit. Mais personne n'en sera au courant, n'est-ce pas ?
Je soupirais à nouveau et fixais le mur.
- N'est-ce pas Lucy ?
Je le prenais tout de suite pour une menace. Je hochais la tête avant de lui répondre.
- Personne n'en sera au courant.
- Bah voilà quand tu veux. Je te laisse te reposer.
Il souriait et se levait du lit sur lequel il était assis. Je cherchais mon portable, sans le trouver.
- Tom...
- Quoi ?
- C'est toi qui a mon portable ?
- Ton portable... J'vois pas.
- Te fout pas de ma gueule... Il était dans ma poche hier soir.
- Ah, tu parlais de ça...
Il sortait mon portable de sa poche.
- Rends le moi.
- Il manque le mot magique.
- S'il te plaît.
- J'suis pas sûr que ce soit une bonne idée le portable. Tu devrais vraiment te reposer. Tu as l'air épuisée.
- Putain Tom ! Rends le moi !
- Pourquoi t'as quelque chose à cacher ?
- Mais non...
- C'est quoi ton code ?
- Mais arrête ! J'ai rien à cacher, donne le moi...
- Tu me trompes Lucy ?
- Mais avec qui veux tu que je te trompe ? Je sors pratiquement jamais !
- Alors donne moi ce putain de code !
- T'as pas confiance en moi...
- Comment veux-tu que j'te fasse confiance si tu me donne pas ton code ?
- Mais bordel, t'as pas besoin de l'avoir, t'es censé me faire confiance sans ça !
Son visage qui était avant, si doux et qui me permettait de savoir que je n'avais rien à craindre, s'était à présent assombri et durcit. Il me dévisageait d'un regard noir, qui me faisait froid dans le dos. Je mettais les deux paumes sur mon visage et j'essayais de garder mon calme. Je n'avais rien à craindre après tout, il ne sentait pas l'alcool. Il n'avait pas bu. Il n'était pas saoul.
Il n'allait pas me frapper.
Pourtant, je paniquais tout de même, et mes larmes coulaient en silence.
D'un coup, un bruit brisait brutalement le silence et me faisait sursauter. Quelque chose venait de se briser contre un mur. J'enlevais mes mains de mon visage, et je découvrais alors mon portable, détruit par l'impact du mur qu'il avait subit.
- Tom...
- Tu ne compteras même pas sur moi pour t'en racheter un.
Sa voix était sèche, dure, froide.
Je te déteste, pensais-je. Mais je n'osais pas lui dire. Je ne pouvais pas lui dire par peur. J'avais peur qu'il me frappe à nouveau.
Je serrais les poings sous la couette, puis je baissais les yeux. Il ne fallait pas que je m'énerve aussi. Il ne fallait pas.
Il quittait la pièce sans rien dire. Moi, j'y restais presque toute la journée. Les seules sorties que je m'autorisais étaient pour uriner.
Je ne voulais pas le voir. Je ne voulais plus le voir. Je ne voulais plus le croiser, le sentir, le toucher.
Je ne voulais plus.

Et pourtant, l'amour que je ressentais pour lui restait en moi. C'était quelque chose que je ne comprenais pas. Comment pouvais-je rester amoureuse d'un homme pareil ? Comment pouvais-je rester amoureuse d'un homme qui changeait radicalement ? Lui qui était si gentil au début. Lui qui m'a accueillie chez lui. Lui qui m'a sauvée de la rue. Lui qui m'a écoutée. Lui qui m'a rassurée. Lui qui m'a câlinée. Lui qui m'a nourrie. Lui qui m'a empêché de faire une connerie. Lui qui s'est occupé de moi. Lui, lui, lui, qui continue encore de faire tout ça. Et pourtant, lui qui commençait à devenir violent. Lui qui commençait de plus en plus à crier. Lui qui commençait à me frapper. Lui qui commençait à me menacer.
Lui, qui peu à peu, commençait à me manipuler.
Lui, qui peu à peu commençait à m'isoler.
Lui, qui peu à peu commençait à m'humilier.
Lui, qui peu à peu commence à me gâcher la vie.

Tom. L'homme que j'aimais qui devenait celui qui je détestais peu à peu, sans pour autant anéantir cet amour qui restait là, tout au fond de mon être.

Je ne comprenais pas. Je ne comprenais plus.

Je ne me comprenais plus.

LucyOù les histoires vivent. Découvrez maintenant