Je l'entends frapper dans le mur

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3 jours plus tard

Je l'entends frapper dans le mur. Je devine ses poings frapper avec force le mur du salon. Je ne suis pas dans la même pièce que lui, mais je sais exactement ce qui est entrain de se passer. Il frappe avec rage, je l'entends aussi crier.
Je sais ce qu'il a. Il est en manque. Il est en manque d'alcool parce qu'il n'a pas bu une seule goutte depuis la soirée.
Je l'entends jurer. Sa voix me fait peur. Entendre les coups qu'il donne au mur me fait également peur. Je pourrai être à tout moment à sa place et subir ses poings.
- Lucy...
Mes yeux se bloquent sur un point invisible à l'entente de mon prénom. Qu'est-ce que je suis censée faire ?
- Lucy, j't'en prie...
Je quitte la chambre pour le salon. Je le découvre par terre avec les poings en sang.
- Tom...
- Viens...
Il ouvre ses bras. Je secoue la tête.
- Je suis pas sûre que...
- Viens, j't'en prie. Retiens moi.
Je m'approche d'un pas hésitant, mais m'approche quand même. Je me glisse doucement entre ses bras qu'il sert autour de moi, avec autant de douceur.
- Chante moi une chanson Lucy.
- Mais...
- Chante moi une chanson.
Demons d'Imagine Dragons me vient en tête. J'essaye de lui la chanter doucement, le plus juste possible. Je l'entends renifler. Est-ce qu'il est entrain de pleurer ? Je ne vérifie pas. Je ne veux pas qu'il se sente humilié.
À la fin de la chanson, il me sert un peu plus, mais ne me fait pas mal.
- Merci...
- De rien...
Je le sens trembler.
Il murmure en boucle que ça va aller.
J'ai une envie de pleurer. Mais je me retiens.
Ça va aller.
- J'vais craquer Lucy.
- Non tu vas pas craquer...
- Si j'vais craquer j'te dis.
- Non... S'il te plaît...
- J'suis désolé.
- Tom...
- Lucy.
Il me pousse de ses bras, et me force à me lever. Je cours vers le bar et prend la bouteille de vodka.
- Si tu t'approche, je l'éclate sur le sol.
- Tu feras pas ça.
- T'es sûr ?
- Ça me mettrait en colère.
- Qu'est-ce que j'ai à perdre ? Tu vas boire, et là tu ne seras plus toi même, je prendrai aussi cher.
- Si tu me laisse boire j'te laisse les clefs de la maison et tu pourras aller te promener.
- Pour que quand je revienne tu sois éclaté par l'alcool ?
- T'as besoin de prendre l'air. J'ai besoin de boire.
Je secoue la tête.
- Lucy... Pose cette bouteille.
Il s'approche. Son corps devient une menace. Je craque et pose la bouteille sur la table.
- Merci Lucy.
Il sort les clefs de sa poche et me les donne.
- Dans deux heures t'es de retour, n'est-ce pas ?
Je hoche la tête.
- Super. Alors envole toi, petit oiseau.
Je hoche de nouveau la tête. Une larme tombe seule d'un de mes deux yeux. Et je me surprend moi même à aller le serrer de mes bras.
- Je t'aime... Je t'en prie, ne bois pas trop...
- Je peux rien te promettre.
- Je t'en supplie...
- Arrête... Va te promener.
- Mais quand je vais rentrer...
- Tais toi Lucy.
Je me décolle de son corps, et je sors de la maison.
À ce moment là, je pourrai aller chercher de l'aide. Je pourrai aller au commissariat pour leur dire que mon copain est violent quand il boit. Je pourrai leur dire que j'ai peur de rentrer, parce qu'il est entrain de boire et quand je serai à nouveau avec lui, il trouvera un prétexte d'être énervé contre moi.
Je pourrai. J'en ai la capacité physique.
Mais la capacité mentale n'y est pas. J'ai si peur. D'abord j'ai peur pour lui, parce que je l'aime. Ensuite, j'ai peur qu'il me renvoient chez moi et qu'ils me disent qu'ils ne peuvent rien faire pour moi. Et si jamais ils font quelque chose, cette chose sera peut être si petite qu'elle ne l'arrêtera sûrement pas, alors ça aggraverait la situation.
Alors, je pourrai demander de l'aide. Mais je préfère aller courir.
J'aime courir. C'est quelque chose qui me donne cette sensation d'être si libre, qui me détend.
Quand je cours, je me sens invincible.
Quand je cours, je me sens bien.
Cette sensation de bien être durera deux heures.
Mais deux heures, c'est déjà ça.
Je profite de ce qu'il m'a accordé.
Je profite de ce moment où je suis seule avec moi même et libre pour enfin respirer.
Je profite de cette opportunité qu'il m'a offerte.
Rien ne peut m'atteindre pendant ces deux heures.
Rien ne peut me faire de mal.

Deux heures.

LucyWhere stories live. Discover now