11. Une nouvelle manière de s'oxygéner le cerveau

50 9 0
                                    

Émilie n'imaginait pas subir un tel choc en revoyant l'un des agresseurs du garage. Pas alors qu'elle n'a même pas penser à ces événements à l'entrée fracassante "du fumeur".

Sous la main de Phil, elle grelotte d'un trop plein de peur, de honte, et de rage. Son pouls bat comme les ailes d'un colibri contre son pouce. Il craint qu'elle suive une pulsion qui la dresse entre eux, et ne lui fasse perdre le visuel. En anticipation, ses doigts cherchent à l'apaiser. Ils deviennent véritables caresses sur la gorge trémulant.

« Capitaine?

— Tu écoutes aux portes maintenant, Stim'? »

L'adjudant ne laisse rien paraître de la tension qui crispe ses membres. Il n'ose faire un geste vers son arme. Son capitaine lui en aura mise une entre les deux yeux avant qu'il puisse esquisser le moindre mouvement. « C'est mon boulot d'écouter aux portes, Phil. » Il joue la carte de la familiarité, se figurant pouvoir attendrir son supérieur en lui rappelant qu'ils sont "amis" depuis longtemps. Il tente le coup. Mais en réalité, il sait parfaitement qu'il va devoir la jouer plus fine, espérer l'amener au corps à corps. Et là encore, ses chances sont infimes. 

J'suis foutu, bordel.

Pour Phil, le futur du second se résume à deux options: mourir maintenant, ou plus tard dans une cellule de la prison qu'il gère d'une main de fer dans un gant d'acier maniant une matraque. 

« Explique-toi, Stim'. » Il n'a pas besoin d'en dire plus.

« On sortait juste, répond-il. On est sorti s'amuser avec quelques gars de la compagnie. Mais une pute a commencé à faire de sa gueule. » Le capitaine perçoit l'affolement gagner son second. Le regard fiévreux cherche une solution en poursuivant: « Elle nous a menacé de faire monter son bâtard de père au créneaux pour ruiner nos carrières. Qu'est-ce que tu voulais qu'on fasse, Phil? Bien sûr qu'on l'a butée. Puis on a pris l'habitude de le faire à chaque fois qu'il y avait plainte, ouais. Pour plus se retrouver dans la même situation. Tu comprends ça... »

Si j'comprends ça...? Si j'comprends ça?!

En trois enjambées, il est sur son homme. La crosse de son flingue se fiche dans le pariétal. Stim' s'effondre en gémissant dans l'entrée, le crâne en sang, fendu d'une douleur cuisante. « Tu sais qu'il ne faut pas jouer avec moi, Stim', dit-il tranquillement en regardant l'adjudant se tordre à ses pieds. Est-ce que toi, tu comprends ça?

— Capitaine, oui capitaine, gémit-il, se voulant le plus soumis possible.

— Il te suffisait de m'en parler au lieu de vouloir me la mettre à l'envers.

— On voulait juste sortir, mon capitaine.

— Non, non, contredit-il en s'éloignant le temps d'allumer une cigarette. Tu voulais faire des exactions dans le dos de ton supérieur. Pire truc à faire avec moi, prend-il une voix compatissante. Tu le sais.

— Oui, capitaine-commandant, bégaye-t-il au rythme de la souffrance qui pulse dans sa tête. Je ne pensais pas que vous auriez quelque chose à y redire.

— T'espérais me buter et me remplacer avant que je le découvre, John?! ricane Phil avec condescendance.

— N- Non. Non, capitaine-commandant Meyer. »

Émilie bondit de sa chaise en répétant le nom dans un cri outré. Phil la contemple sans réagir. « Tu es Meyer, sale fils de pute?! » Il sourit, ravi qu'elle repasse au tutoiement. « Tu permets, Émilie? Je m'occupe de mon second, et on en reparle ensuite. »

Elle voit rouge, veut bondir sur cet enculé de tueur de masse. Le jeune Streisand la ceinture promptement. Comme Tyb à lors... « Lâche-moi, connard! » Elle lui met instinctivement un coup dans le foie et s'extirpe de la prise qui se relâche. Trop tard pour la protéger de la subite conscience d'être seule face à quatre hommes de métier et de la peur qui va de pair. 

Black Bag [Terminé]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant