64. Qui est pris qui croyait prendre

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Un impact à la mâchoire projette Meyer dans l'herbe couverte de rosée. Un peu plus sonné par le nouveau choc, un membre de la garde rapprochée d'Amalrik n'a qu'à se pencher pour lui passer des fers dans le dos et le fouiller. Abelone ne peut rien faire si ce n'est griffer la main qui l'asphyxie.

« Sa femme?! » répète fielleusement son frère en la bringuebalant à travers le jardin. Il balance négligemment la veste derrière les fourrées et la lâche à son tour, l'abandonnant directement sous la contrainte des hommes armés – les tireurs – qu'il a amenés avec lui. Elle se débat mollement entre leur poigne. Juste de quoi tester leur détermination. « Il a fait de toi sa pute attitrée! » insulte-t-il, penché sur elle de sorte qu'elle ait une vue imprenable sur l'ouverture rosée aux contours déchiquetés à un centimètre de sa trachée. Dire que ça n'a tenu qu'à un centimètre!

« Écoutez ça les gars, déclare-t-elle à tue-tête d'une voix heurtée par la strangulation. C'est comme ça qu'il considère vos mères et vos femmes. À partir du moment où on en choisit un autre que lui, on est toutes des putes, conclut-elle en lui vomissant les derniers mots au visage. »

Il la gifle d'un revers qui tire un grognement furieux à Philotas: « Arrête ça! » Il se redresse tant bien que mal sur les rotules, encouragé par la rage et les regards choqués qu'il a aperçu parmi l'escorte du leader. Ainsi, même au sein de ses partisans, les actes du meneur ne font pas l'unanimité.

« Il n'y a que toi qui doive être sauvée de toi-même, contredit l'heljaïste. Mais je suis là pour réparer les choses.

— Je ne suis pas un putain de jouet cassé, Rik. Ton aide, je l'ai demandée lorsque les Procréatrices m'ont ordonné de me rapprocher du commandant de la Horde. Tu as préféré m'y pousser pour mieux me contrôler et me salir aux yeux des nôtres.

— Tu t'es salie toute seule, Aby.

— Oh non. À deux, lui susurre-t-elle. Si tu savais comme il me fait hurler. »

La seconde torgnole lui tourne la tête à nonante degré et lui déchire l'intérieur de la joue. « Cesses de le provoquer, bordel! tonne Philotas.

— C'est ça: sois une bonne fille et suis les ordres de ton mari, petite sœur, siffle Rik.

— Sois un bon garçon et occupe-toi de tes couilles, fils de cochon! »

Grimaçant, il lève la main une troisième fois mais s'interrompt. « Tu la ramèneras moins lorsque nous serons en tête à tête. » menace-t-il assez bas pour n'être entendu que des plus proches. De toutes les intimidations qu'il pouvait émettre, celle-là est probablement celle qui lui file le plus froid dans le dos. L'idée l'horripile littéralement.

La peur qui a traversé son regard le fait sourire victorieusement. Il la contourne tranquillement, satisfait, pour accueillir le ponte en visite: « Par ici, général.

— Tout est prêt, petit?

— Oui, monsieur! gratifie-t-il, tout guilleret, comme un gosse un premier matin de neige ou un bon gros lécheur content de lui. Nous n'attendions plus que vous.

— Bien. »

Gilles s'immobilise près d'Abelone. « Bonjour, petite. » Elle le dédaigne copieusement. Il enchaîne donc: « J'ai reçu un étrange appel de la part de Mercier hier soir. Il était tout à coup beaucoup plus hésitant à se fier à moi. Selon mes espions, il aurait eu un rendez-vous courtois avec une jolie jeune femme correspondant à ta description. Tu ne saurais rien là-dessus, par hasard?

— Que vos espions sont bigleux? propose-t-elle. »

Il rit doucement et l'approche d'un nouveau pas. « Toujours l'humour et le sarcasme en défense! moque-t-il gentiment. Comment fais-tu pour t'entendre avec un homme incapable de comprendre les doubles sens? questionne-t-il, sincèrement intéressé.

Black Bag [Terminé]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant